Culture & Société
Droit, politique et formation de gouvernement: la hiérarchie de pouvoirs au sein d'un cabinet ministeriel (Suite et fin)
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- Catégorie : culture & societe
- Publié le mercredi 11 juillet 2012 21:44
Par Watson R. Denis, Ph.D.
III. Droit, politique et réforme de l'Etat
La hiérarchie de pouvoirs au sein d'un cabinet ministériel démontre qu'il s'agit avant tout d'une question de droit et de politique. Par ailleurs, on soulignera que la formation d'un gouvernement est fondamentalement une question politique. Les acteurs et les protagonistes impliqués dans le processus choisissent les membres du cabinet sur la base de négociations, de tractations, et d'idéologie politiques ou de leur vision de la société dans laquelle ils évoluent. A première vue ceux-ci sont des facteurs conjoncturels ; au fond, le contexte politique actuel exige des réformes politiques structurantes.
Réflexions et considérations générales.-
A la suite des considérations générales faites dans ce texte, on est parvenu à un certain nombre de réflexions. D'une part, on rappellera que le Premier ministre est le premier personnage au sein du cabinet ministériel. A ce titre, il a la préséance sur tous les autres membres du gouvernement. Les autres ministres sont rangés selon un ordre de préséance établi, soit par la tradition, soit la jurisprudence et encore par les lois. Cet ordre de préséance variable à plus d'un titre est entériné par le décret présidentiel qui nomme les ministres à leur poste.
D'autre part, on signalera qu'au sein d'un cabinet ministériel, il y a lieu de distinguer entre titre et rang. Le ministre de tutelle d'un ministère exerce la fonction ministérielle en tant que tel. D'un autre côté, une personnalité politique peut avoir le rang de ministre sans vraiment exercer un pouvoir réel de puissance publique. C'est le cas par exemple d'un ministre sans portefeuille et d'un ministre d'Etat protocolaire.
Par ailleurs, on fera remarquer que les titres et le rang ministériel varient d'un contexte politique à un autre, d'un moment historique à un autre. Par exemple, en Angleterre, le cabinet du Premier ministre conservateur David Cameron comporte des dignitaires qui portent des titres aussi variés que Lord, ministres, ministres sans portefeuille, chancelier (différents du titre de chancelier en Allemagne, qui est l'équivalent de Premier ministre), secrétaire d'Etat. David Cameron lui-même est à la fois Premier ministre, premier Lord au Trésor et secrétaire d'Etat, chargé de la fonction publique.
On dira finalement que la variation de nom ou de titres observée dans les plus hautes fonctions publiques, d'un pays à un autre, est liée aux coutumes, à la tradition et à l'évolution des sociétés. En Italie, le chef de gouvernement (Premier ministre) porte le nom de président du Conseil des ministres et en Espagne il est appelé président du gouvernement. Cependant il n'y a pas lieu de se méprendre; il y a toujours correspondance d'un Etat à un autre dans les fonctions gouvernementales, ministérielles et les charges diplomatiques.
Mise en oeuvre de reformes structurantes
La problématique de la hiérarchie de pouvoirs entre le Premier ministre, les ministres, les ministres délégués, les secrétaires d'Etat suscite un certain nombre de questions relatives au droit constitutionnel, à la politique et au fonctionnement harmonieux de l'Etat et de la société.
Au premier abord, on aurait tendance à croire que les ministres délégués ont une préséance sur les secrétaires d'Etat. D'une part, on a noté que les ministres délégués ont été nommés bien avant les secrétaires d'Etat, d'autre part, il est dit dans le communiqué de presse annonçant leur nomination que ces derniers complètent le cabinet ministériel. Cela est peut-être dû à la contingence politique, qui a entouré la formation du gouvernement, et que ce n'est pas forcément une primauté établie des ministres délégués sur les secrétaires d'Etat. Si c'est bien le cas, il faut que cela soit précisé par qui de droit.
Ceci nous amène à poser la question s'il n'est pas nécessaire aujourd'hui d'avoir une loi sur le cabinet ministériel en Haïti. Il y a le décret de 2005 portant sur le statut général de la Fonction publique, mais il n'y a pas encore de loi ni même de règlements généraux (à ma connaissance) sur les hauts dignitaires de l'Etat. L'article 11 dudit décret dit tout simplement que les emplois et les charges politiques de ministres, de secrétaires d'Etat, de secrétaire général à la Primature et à la présidence ne donnent pas ouverture à la carrière administrative.
Pour le moment la hiérarchie de pouvoirs au sein du cabinet ministériel semble être quelque chose qui va de soi: tout le monde connaît implicitement cette hiérarchie non écrite. Ne vaut-il pas la peine de définir ou déterminer le rôle et la place de tout membre de cabinet? Dans la même lignée, le Premier ministre, détenteur du pouvoir réglementaire, selon le système semi-parlementaire en vigueur en Haïti, est en droit de préciser par un ou plusieurs décrets d'attribution les champs de compétences des membres du cabinet une fois que leur nomination aura été faite et publiée. De telles mesures renforceront l'Etat de droit qui se construit dans le pays.
De même, il est de bon droit que tous les ministères aient au moins une loi organique. Trop de ministères (par exemple: Culture, Environnement, Condition féminine, MHAVE) fonctionnent depuis plus de 10, 15 et même 20 ans sans une loi organique. D'autres ministères et institutions de l'Etat exigent une actualisation de leur loi organique. C'est dire qu'aujourd'hui, en Haïti, il y a là tout un champ de réformes à défricher et de reconstitution de l'Etat à mettre en oeuvre.
L'actuel gouvernement se montre déterminé à prendre les taureaux par les cornes, ne serait-ce par les nominations récentes au sein du gouvernement de ministres délégués pour intervenir sur les questions de l'exclusion sociale et de la pauvreté extrême, du problème historique de la paysannerie. Cependant compte tenu des problèmes sociaux, économiques et politiques récurrents, il y a lieu d'avancer un peu plus loin en adoptant des mesures et des politiques publiques allant dans le sens de réformes structurantes. La réforme de l'Etat, nécessité de l'heure, exige des organes efficaces et des institutions interactives pouvant venir à bout des problèmes dans leurs dimensions infrastructurelles.
Watson Denis, Ph.D.
Professeur d'histoire et des relations internationales
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Première partie: Droit, politique et formation de gouvernement :la hiérarchie de pouvoirs au sein d'un cabinet ministériel (1ère Partie)