Culture & Société
Au revoir M. Trouillot !
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- Catégorie : culture & societe
- Publié le vendredi 13 juillet 2012 13:46
" Imigrasyon tenten
met men nan kòlèt mwen
Li di-m m-pa sitizenn
Li di-m 'wèriz?"
M-dil "wat?"
Li di-m vòt "alyenn kat"....
Mezanmi, mezanmi dimwen
Pandan lokipasyon
Lè yo touye Peralt
Eske Ameriken te gen "alyenn kat"?”
Cette chanson a animé, pendant des années, des et des réunions clandestines ou des spectacles culturels engagés dans toute la diaspora haïtienne. Après 1986, elle a connu une nouvelle jeunesse dans des manifestations de toute sorte en Haïti.
Fredonnée sur un air martial ou désabusé, cette chanson a célébré des victoires, atténué des défaites, enterré des désillusions de plusieurs milliers d’Haïtiens qui combattaient le régime des Duvalier ou arpentaient les rues au lendemain du départ de Jean-Claude Duvalier.
Rares étaient ceux en Haïti qui savaient que la chanson écrite au début des années 70 avait été popularisée par Tanbou Libète, un groupe d’artistes militants de la diaspora. On connaissait surtout les versions de Manno Charlemagne et de Farah Juste. L’un deviendra maire de la capitale, l’autre ministre. Ce n’est pas le but de cet édito d’en parler.
En fait, ce n’est qu'à la mort du professeur Michel-Rolph Trouillot que plus d'un a découvert en lui l’auteur d’un des textes les plus forts et l’un des mieux écrits de toute cette série de pièces de résistance des années dures.
Dans un court texte d’hommage publié par Michèle Voltaire Marcelin, on apprend qu’il était entouré au début des années 70 d’une belle brochette de talents : Sansan Etienne, Joe Charles, Dernst Emile, Buyu Ambroise, parmi d’autres.
Anthropologue, historien, spécialiste des sciences sociales et auteur inspiré, le professeur Trouillot (1949-2012) nous laisse une belle œuvre et une moisson d’idées sur divers sujets.
Michel-Rolph Trouillot est aussi un auteur. Il a écrit en 1977 “Ti Dife Boule sou Istoua Ayiti, un livre sur la révolution haïtienne entre 1791 et 1804. Comme auteur ou coauteur, suivra toute une œuvre en français mais surtout en anglais. On peut citer parmi ses ouvrages majeurs : « Les racines historiques de l’Etat duvaliérien » (1986), « Peasants and Capital: Dominica in the World Economy” en 1988 (Johns Hopkins University Press), “Haiti: State against Nation. The Origins and Legacy of Duvalierism” en 1990 (Monthly Review Press), “Silencing the Past: Power and the Production of History” en 1995 (Beacon Press), Open the Social Sciences (1996), et en 2003 son dernier livre paru chez Palgrave “Global Transformations: Anthropology and the Modern World”.
Impliqué dans le débat permanent des idées, Michel-Rolph Trouillot a collaboré à de nombreux journaux et publications dont Le Nouvelliste à travers « Les cahiers du vendredi », un périodique, après 1986.
Après avoir travaillé comme professeur émérite d’anthropologie à Krieger/Eisenhower et comme directeur à Institute for Global Studies in Culture, Power and History de Johns Hopkins University, en 1998, il a rejoint l’Université de Chicago, ville où il est mort le 5 juillet 2012, selon une note de ladite Université.
En 2011, pour l’ensemble de son œuvre, Michel-Rolph Trouillot a reçu en reconnaissance de son travail la médaille Frantz Fanon.
Le professeur Trouillot appartient à une longue lignée d’intellectuels. Frère de l’ecrivain Lionel Trouillot, de la romancière Evelyne Trouillot et de la pédagogue Jocelyne Trouillot Lévy, il était le fils du juriste Ernst Trouillot et le neveu de l’historien Enock Trouillot.
Les familles Trouillot, Morisset, Lévy, Ménard, Séide et Sanon organisent une cérémonie d’hommage à la vie de Michel-Rolph Trouillot, le mardi 17 juillet de 4 h à 6 h, au Centre culturel Anne-Marie Morisset, à Delmas 41. La famille de Michel-Rolph Trouillot sera présente pour célébrer sa vie et son œuvre avec amis, étudiants et collègues.
Frantz Duval
Source: Le Nouvelliste