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Le guêpier de Jalousie

jalousie-petionville-soirLe ministère de l'Environnement a mis les pieds dans un guêpier. Sans aucune expérience en la matière, le jeune ministère s'approprie un dossier qui cadre plus avec celui des Travaux publics : la démolition de 450 maisons mal construites sur des aires protégées ou mettant en danger ceux qui y vivent. Le projet serait même plus ambitieux, on parle de plusieurs milliers de demeures qui doivent disparaître du morne L'Hôpital, faire place nette.

Pour le moment, ce n'est pas l'intention de réparer des torts faits à l'environnement, aux bassins versants ou aux réseaux de drainage qui pose problème, mais plutôt la manière brusque, expéditive et définitive de raser des habitations dans un pays qui vient de voir un séisme ravageur mettre à terre des milliers de logements.

S'en prendre à des maisons qui ont résisté à goudougoudou sans vraiment expliquer les tenants et les aboutissants du projet qui motive ce tremblement de terre organisé est pour le moins troublant. Le ministère, novice en matière de démolition, ne sort même pas la loi, ne rappelle pas les règles, n'a mené aucune campagne d'explication avant de chausser ses bottes de Gulliver. Est-ce pour ne pas soulever contre lui son empiétement sur un territoire qui n'est pas le sien ?

Les concernés, les accapareurs de causes, les insatisfaits permanents, les badauds et les curieux n'ont pas raté l'occasion pour prendre les rues, manifester leur désaccord et s'en prendre au gouvernement, au président de la République même. Ils font flèche de tout bois, réclament un million de gourdes, accusent le gouvernement de vouloir céder leur terrain à des intérêts étrangers.
La terre et les kay sont des biens précieux dans ce pays de pauvres. Les cent vingt-cinq mille gourdes promises par le ministère aux déguerpis, sans considération pour la taille des demeures, attirent les uns, repoussent les autres. La décision d'aller implanter un regroupement des déplacés à Gressier, à des dizaines de kilomètres de Pétion-Ville, trois communes plus loin, n'arrange pas le tableau.

Quel est le projet global du ministère de l'Environnement dans cette affaire ? Personne ne le sait vraiment, les responsables parlent mais rien n'est clair. Aucun plan d'explication n'a été mis en place.
Dans l'application des décisions impopulaires mais nécessaires, la communication joue un rôle primordial quand la force fait défaut. Le retour de bâton est souvent fatal pour les idées les plus lumineuses. Même quand la force est du côté du plus fort, il se doit de gagner la bataille de l'opinion pour pérenniser son action.

Pour le moment, le projet du ministère de l'Environnement prend de l'eau, il faut espérer qu'il ne coule pas. Le ministre avec. Toutes les tentatives futures de mettre de l'ordre dans le guêpier qu'est le bâti en Haïti jouent leur avenir dans les ravins de Jalousie.
Et dire que c'est un gouvernement qui communique à tour de bras qui commet ce péché de communication.

Source: Le Nouvelliste
26 Juin 2012
Frantz Duval