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Le Conseil électoral permanent dans un cul-de-sac

Le Sénat fonctionne avec 10 sénateurs manquants. Les conseils municipaux sont en fin de mandat depuis presque un an. Dans la plupart des mairies, le gouvernement vient de passer un grand coup de balai. Sauf les plus zélés au régime ont pu sauver leur peau. Le Grand Corps fonctionne de manière abracadabrante. Pas de quorum. La politique de la chaise vide est aujourd’hui l’arme de combat. À quand les élections devant combler ce vide et comment va-t-on les organiser ? Cette question reste encore pendante, même pour les autorités.

Depuis la publication de la constitution révisée, le débat sur la formation d’un nouveau conseil électoral fait rage dans le pays. Les prochaines élections obligent. Provisoire ou permanent ? Les avis sont partagés. Bien que le processus de formation du Conseil électoral permanent ait été modifié et simplifié par la constitution révisée, certains politiques donnent l’impression d’avoir une peur bleue d’un Conseil électoral permanent et plaident pour un ultime Conseil électoral provisoire.

Au niveau du Parlement, ce débat fait encore des gorges chaudes. Les plus acides restent sur la corde raide. Jean William Jeanty, Moïse Jean-Charles, Jean-Baptiste Bien-Aimé et François Anick Joseph sont les plus acerbes. Le sénateur des Nippes, farouche opposant du président Michel Martelly, menace de le poursuivre en justice pour avoir publié une révision constitutionnelle falsifiée. « Ce document publié est un faux », soutient M. Jeanty. D’ailleurs, il écarte toute participation à une séance où il sera question de Conseil électoral permanent.

CEP : la phobie de nos politiques

Certains leaders politiques interrogés sur la constitution révisée se montrent très perplexes quant à la formation du Conseil électoral permanent. Parmi toutes les institutions préconisées par cet amendement, seul le CEP fait peur aux (professionnels) de la politique en Haïti. Problème de confiance. Magouilles. Fraudes. Le passé de nos conseils électoraux provisoires laisse des cicatrices encore ouvertes dans l’histoire récente de ce pays.

Requérant l’anonymat, deux leaders politiques se sont montrés farouchement opposés à ce que le Conseil électoral permanent soit formé sous le régime du président Martelly. « Ce pouvoir semble avoir des velléités dictatoriales cachées », laissent-ils entendre. Cependant, conscients de leur faiblesse sur le terrain, ces responsables politiques affichent leur position pour un Conseil électoral provisoire, fruit d’un franc dialogue entre les secteurs politiques de la vie nationale.

L’accouchement du Conseil électoral permanent qui paraît de plus en plus difficile n’est pas si simple que cela. Il relève d’une question hautement politique. La bataille de la non-publication de la constitution révisée une fois perdue, plusieurs forces politiques cherchent d’autres terrains où barrer la route à l’administration de Martelly. Elles ne veulent pas lâcher du lest. Pas question de lui laisser le contrôle du terrain. Pourquoi pas le Conseil constitutionnel ? Les enjeux sont moins grands. En tout cas, le traditionnel jeu de coquin pourra toujours aider au cours des prochaines élections. Dix sièges au Sénat et 144 mairies sont à pourvoir.

CEP : une impasse bien trop étroite


Quoiqu’ils soient d’idéologie différente, les politiciens haïtiens paraissent souvent miser sur les largesses de l’institution électorale. Négociations. Coup bas. Vente de postes. Les Conseils électoraux provisoires étaient souvent flexibles et malléables. Celui de Gaillot Dorsinvil en était peut-être une preuve. Objets de contrôle des hommes au pouvoir ou susceptibles de se courber facilement aux promesses de certains candidats, ces conseillers électoraux provisoires semblaient arranger l’affaire de nos hommes politiques qui revendiquent d’être des démocrates.

Parmi les trois pouvoirs devant se faire représenter au sein du nouveau Conseil électoral permanent, seul le Parlement a des critères à respecter. Ses trois membres doivent être choisis en assemblée nationale par les deux tiers de chaque branche. Voilà du fil à retordre pour les pères conscrits, qui peinent à avoir le quorum. Pire encore, le Sénat fonctionne avec moins d’un tiers de ses membres. Un difficile accouchement pour le prochains CEP. Doit-on recourir aux négociations pour un Conseil électoral provisoire ? Au moins sept sénateurs soutiennent cette idée.

Le premier sénateur de l’Ouest propose une solution à l’amiable. Steven Irvenson Benoit plaide pour la formation d’une commission parlementaire mixte qui devra établir certains critères à partir desquels seront sélectionnés les trois représentants des députés et des sénateurs au sein de l’institution électorale permanente. Néanmoins, la gymnastique continue sur la question des deux tiers. Le président du Sénat aura-t-il le droit de vote ? On n’en sait rien.

Dans l’intervalle, plusieurs anciens parlementaires et d’autres personnalités entrent en campagne. Pierre Simon Georges (ancien député de la circonscription de Camp-Perrin/ Maniche 45e législature) et actuel secrétaire général de la Chambre basse, Eddy Bastien, ancien sénateur du Nord-Ouest (48e législature), Paul-André Garçonnet (ancien député de la 45e législature) sont, entre autres, les personnalités qui paraissent intéressées au poste de conseillers électoraux.

Plusieurs réunions ont eu lieu au cours de la semaine écoulée sur ce dossier. La communauté internationale opte pour un Conseil électoral permanent. Au cours d’une rencontre tenue le lundi 9 juillet au Palais national, certains ambassadeurs seraient en train de presser l’exécutif pour mettre sur pied le nouveau Conseil électoral permanent en vue d’organiser les prochaines joutes électorales d’ici à la fin de cette année.

Joseph Chanoine Charles
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Source: Le Matin