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Echec des discussions du Best Western, Martelly brandit l’article 12 de l’Accord d’El Rancho

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Comme une annonce mortuaire du genre « Nous annonçons avec infiniment de ... » le président du Sénat de la République informe les journalistes qu'après deux journées de travail, l'exécutif et le Sénat ne sont pas parvenus à une entente sur la formation du CEP. « Nous avons beaucoup discuté, mais nous ne sommes pas arrivés à la conclusion escomptée... », indique le sénateur Dieuseul Simon Desras mercredi à l'issue de la deuxième journée des pourparlers à l'hôtel Best Western entre le président Martelly et les sénateurs, notamment ceux de l'opposition.

Dans l'espace d'un cillement, tout espoir d'une sortie de la crise préélectorale s'effondre comme un château de cartes. Retour à la case départ. Les sénateurs et le président Martelly ont beau discuter de la tenue des élections législatives et territoriales cette année, leur réalisation demeure toujours incertaine. Dans la salle Louverture à l'hôtel Best Western, le chef de l'Etat se lave les mains de cet échec des pourparlers et indique qu'il reste toujours ouvert au dialogue. Michel Martelly accuse les sénateurs de l'opposition de vouloir faire de lui une marionnette et explique à la population le déroulement des deux journées de discussions.

« Il y avait sur la table deux propositions, dit le président Martelly assis sur la table aux côtés du sénateur Desras. Aucune des deux ne vient de l'exécutif qui était là pour entendre et approuver quand il est d'accord. »

L'une des propositions, selon Michel Martelly, venait du sénateur Andris Riché, qui consistait à changer deux membres au sein du CEP afin de le rendre plus crédible. L'autre proposition, poursuit le chef de l'Etat, venait du sénateur Pierre Francky Exius, membre du groupe des six. Le parlementaire a proposé de changer trois membres au CEP et d'intégrer au sein de l'institution Léopold Berlanger et Me Néhémy Joseph, deux anciens membres du CTCEP que dirigeait Emmanuel Ménard.

Une grande majorité de sénateurs et l'exécutif étaient favorables à la proposition du sénateur Andris Riché, souligne le président Martelly. « Et nous pensons que nous pouvions avancer. C'est là que nous nous sommes arrêtés hier (mardi). Les sénateurs de l'opposition voulaient aller consulter leur équipe. Aujourd'hui, ils maintiennent leur position. L'exécutif ne peut pas avancer en ce sens », soutient le chef de l'Etat.

Michel Martelly indique que l'Accord d'El Rancho est sa boussole et qu'il a déjà opéré un changement au sein du CEP. Il souligne également qu'il a déjà beaucoup donné et qu'il était prêt à intervenir auprès du pouvoir judiciaire afin de le porter à changer un de ses représentants au CEP. « Le président de la République a la responsabilité de travailler avec le Parlement pour avancer vers les élections. Mais il arrive que président de la République ne peut pas devenir une marionnette. Nous allons maintenir ferme notre position », dit-il.

Le président fustige les sénateurs de l'opposition qui clament haut et fort que le CEP n'est pas crédible alors que lui, il n'y a nommé que trois personnes. Selon Martelly, si les parlementaires pensent que les gens que le Parlement a nommés ne sont pas crédibles, c'est que les parlementaires sont allés trop vite en besogne en choisissant leurs représentants, dit-il.

Pour le chef de l'Etat, s'il n'arrive pas à s'entendre avec les sénateurs, il ne lui reste en main, pour avancer vers les élections « indispensables à la fin de cette année, que l'Accord d'El Rancho qui contient le fameux article 12. « Lorsque vous négociez et que vous êtes arrivé à un compromis, cela vous fait perdre une partie de votre pouvoir; on avait demandé au président de publier des noms, changer des membres au sein de son gouvernement, changer un de ses membres au sein du CEP.... A chaque fois, j'ai respecté ma parole pour rendre tout le monde confortable. Mais là, je ne vois pas ce que je peux encore donner, a soupiré le chef de l'Etat. »

« S'il n'y a pas d'élections à la fin de cette année, il y aura un chaos dans le pays, prédit Martelly. Aujourd'hui Haïti ne peut pas se permettre d'avoir le chaos. Donc, nous allons prendre toutes les dispositions pour avancer, préserver les acquis démocratiques, appliquer l'accord qui est pris en compte par le monde entier. Le président du Sénat l'a signé en donnant mandat au sénateur Benoît, le vice-président de l'Assemblée nationale l'a signé, la société civile, le pouvoir judiciaire, les partis politiques et le président de la République l'ont signé... »

« Je n'ai pas fait l'article 12 ni l'Accord d'El Rancho », lance-t-il sous les regards des sénateurs. Sur la crédibilité des membres du CEP, Michel Martelly a posé ces questions à ses détracteurs : « Kilè yon moun kredib ? Eske se lè li bon pou ou ? Ki òganisazyon ki kredib jodi a ? »

Encore une fois, Michel Martelly s'est félicité d'avoir voulu mettre sur pied un Conseil électoral permanent sur qui, selon lui, on a moins de contrôle. Il indique avoir été la première victime du CEP qui avait réalisé les dernières élections qui l'ont conduit aux timons des affaires. Après ces déclarations, le chef de l'Etat a tout simplement quitté la salle du dialogue.

La version des sénateurs de l'opposition

Les membres du groupe des six ont exigé l'intégration de Léopold Berlanger et de Me Néhémy Joseph au sein du CEP et le remplacement de trois autres membres. Entre autres propositions rejetées par l'exécutif, dénoncent-ils.

« Nous sommes accrochés à l'article 289 de la Constitution, lance le sénateur Jean-Baptiste Bien-Aimé. Nous avons voulu parler avec l'exécutif et les sénateurs (pro gouvernementaux) l'ont rejeté d'un revers de main. Par ailleurs, nous avons proposé de concilier l'Accord d'El Rancho avec l'esprit de l'article 289, cette proposition a été également rejetée. Nous avons proposé de remplacer cinq personnes au sein du CEP par d'autres désignés par cinq secteurs de la vie nationale, l'exécutif l'a rejetée. Nous avons fait une troisième proposition qui consiste à remplacer 3 des 7 membres que le président Martelly a au CEP, elle n'a pas été acceptée non plus... »

Selon le parlementaire, l'article 12 de l'Accord d'El Rancho est inconstitutionnel et ne peut pas être appliqué. « Nous avons voulu montrer notre bonne foi pour l'organisation des élections cette année dans le pays. Mais on a compris que l'exécutif n'a aucune volonté d'organiser les élections cette année, dénonce-t-il. Son intention est de diriger le pays par décret afin de donner décharge au Premier ministre Laurent Lamothe afin de lui permettre de participer à l'élection présidentielle... »

Pour sa part, le sénateur Pierre Francky Exius souligne que le groupe des six ne cherche pas à contrôler le CEP, mais exige une institution électorale crédible et équilibrée comme le veulent les partis politiques de l'opposition et le secteur des affaires du pays.

Le sénateur Andris Riché critique certains de ses collègues au Sénat qui pensent pouvoir infirmer le quorum et qui réclament un CEP crédible. Selon lui, pendant ces deux journées de discussions il n'y a pas eu de point de vue politique, mais des points de vue numériques. Une façon pour lui de dénoncer la position des sénateurs du groupe des six.

A l'issue de ces deux journées de dialogue non concluantes, les sénateurs et le président Martelly n'ont pas fixé d'autre date pour se rencontrer. Le temps passe, les acteurs politiques, font du sur-place. Comme ces trois dernières années, on va se réveiller un bon jour et voir qu'on devait organiser les élections pour renouveler les dirigeants du pays comme l'exigent la démocratie et la Constitution haïtienne.

Robenson Geffrard
Source: Le Nouvelliste

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