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A qui profite le carnaval des fleurs ?
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- Publié le mardi 31 juillet 2012 02:45
Le président de la République, Michel Joseph Martelly, avait promis aux Port-au-Princiens un carnaval au mois de juillet. Ne dit-on pas à raison « chose promise, chose due » ? Le premier mandataire de la nation ne veut pas manquer à sa promesse, et le voici prêt à engager l’Etat haïtien dans de folles dépenses.
Initialement, une enveloppe scandaleuse de 65 millions de gourdes était allouée aux festivités de ce mois de juillet. Pour des raisons liées aux dettes non encore payées découlant du carnaval des Cayes tenu au mois de février dernier, l’allocation susmentionnée a été réduite de moitié. Ainsi, pour la réalisation du carnaval des fleurs à Port-au-Prince, l’Etat haïtien se dit prêt à dépenser la superbe somme de trente millions de gourdes.
Dans un pays où 60% du budget national sont financés par l’étranger, où presque toutes les aides financières passent encore par les ONG, l’Etat haïtien, ne devrait-il pas repenser sa stratégie de dépenses des maigres recettes qu’il parvient difficilement à collecter ?
Le docteur Jean Price Mars définissait l’Haïtien comme « un peuple qui chante et qui souffre, qui peine et qui rit, un peuple qui rit, qui danse et se résigne …. Il chante toujours, il chante sans cesse …» Mais n’est-il pas venu le moment de chanter moins que l’on danse et de travailler davantage ?
Le carnaval des fleurs a commencé sous la présidence à vie des Duvalier. Selon des voix concordantes, la dernière édition date de 1973. Depuis, cette festivité est absente du panorama des événements artistiques et culturels haïtiens. Pourquoi ce retour soudain?
Les 29, 30 et 31 juillet 2012, la population de Port-au-Prince est invitée à danser trois jours durant, au rythme frénétique des meilleurs groupes musicaux du pays. Trois jours ! trop.
C’est à se demander si les dirigeants voient, sentent, comprennent les misères de ce peuple. D’ailleurs, le Champs de Mars qui accueillera ces festivités se trouve dans un piteux état. Les victimes du séisme meurtrier du 12 janvier 2010 vivent encore dans des situations précaires. Plus de 400 000 personnes sont sous les tentes. Le choléra refait surface. Dans les nombreux camps de sinistrés, répartis un peu partout la périphérie de notre capitale enlaidie par la poussière et les ordures de toutes sortes, nos sœurs et frères pataugent dans la misère, la crasse et la promiscuité. L’Etat n’arrive même pas à éponger totalement la dette afférente aux dépenses occasionnées par le carnaval des Cayes, et que dire des nombreuses revendications provenant du secteur de l’éducation où enseignants et directeurs d’écoles exigent de l’Etat haïtien le paiement des arriérés de salaire dans le cadre du programme d’éducation gratuite et obligatoire. Dans le même temps, l’Etat se prépare à faire face aux éventuels ouragans et cyclones qui, à cette époque de l’année, s’abattent sur notre île devenue trop fragile. Point n’est besoin d’allonger la liste en y ajoutant l’organisation des prochaines élections législatives et municipales pour lesquelles la polémique divise déjà la classe politique.
Quel est le poids économique de ce carnaval qui justifie tant de débours ? Le carnaval de Rio, par exemple, l’un des plus fameux dans le monde, est une entreprise qui brasse beaucoup d’argent. Les bénéfices nets du carnaval de Rio dépassent à chaque édition les 350 millions de dollars. Un pactole pour l’Etat brésilien qui en fait son beurre. Quel a été le bénéfice de l’Etat haïtien à la suite du carnaval des Cayes ? Aucun, sinon que des dettes, comme d’habitude. Ces festivités qui devraient générer des revenus que l’Etat pourrait investir dans d’autres secteurs n’engendrent que des dettes. Donc, à qui profite le carnaval des fleurs ?
Vu la situation socioéconomique de notre pays, les priorités sont tout autres, sauf un carnaval. L’Etat haïtien ferait montre de maturité en pesant et soupesant toutes les décisions qui impliquent certaines dépenses stériles.
Nous invitons les organisateurs à repenser l’agenda de ces festivités. Nous proposerons, à défaut d’y surseoir, de réduire la manifestation à une journée en guise des trois jours prévus. Ceci entraînerait une réduction significative des dépenses et la somme épargnée pourrait être utilisée pour subvenir aux innombrables besoins d’une population à bout de souffle. Nous exhortons nos dirigeants à faire preuve de plus de rationalité et de pragmatisme dans la gestion de la Res publica.
Dr Ricardo Augustin
Tél.: 31 93 90 45
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Photo Credit: Richarson Dorvil
Source: Tout Haiti Forum