Par un arrêté présidentiel, mardi, le président de la République a envoyé au journal officiel du pays, Le Moniteur, les correctifs qui doivent authentifier le texte publié le 13 mai 2011 par l'ancien président René Préval. Une bonne décision pour certains; le début d'une nouvelle ère de crise constitutionnelle pour d'autres. De nombreuses thèses s'affrontent.
« Est et demeure annulé l'arrêté publié le 3 juin 2011 au Moniteur numéro 72 du lundi 6 juin 2011 rapportant la loi constitutionnelle votée en Assemblée nationale le 9 mai 2011 et publiée au Moniteur numéro 58 le 13 mai 2011, selon l'article I de l'arrêté présidentiel. Est et demeure reproduite pour erreurs matérielles la loi constitutionnelle votée en Assemblée nationale le 9 mai 2011 conformément aux correspondances y attachées, poursuit l'article II. »
C'est le meilleur choix technique que le président ait pu faire, a déclaré avec satisfaction Me Kedlaire Augustin. « Entre la procédure et la démocratie, le président Michel Martelly choisit la démocratie », a-t-il déclaré au Nouvelliste quelques heures après la décision du chef de l'Etat. Selon lui, ce qui s'est passé mardi matin au palais national, « c'est exactement ce que j'avais soutenu pendant longtemps. J'avais toujours dit que dans la situation où nous sommes, nous sommes obligés de rester en dehors de la normalité constitutionnelle pour rentrer définitivement dans la normalité constitutionnelle. »
Pour Me Kelnaire Augustin, le président Martelly n'a pas apposé sa signature au bas du texte amendé. Il a considéré les signatures de celui qui l'a publié le 13 mai 2011 tout en apportant les corrections nécessaires au niveau du texte « qui a été falsifié au moment de sa publication », a ajouté l'homme de loi.
De l'avis de Me Augustin, ceux qui disent que la faute corrompt tout ne comprennent rien. Ce qu'il faut comprendre, a-t-il dit, c'est que, si le président n'avait pas restitué la volonté de l'Assemblée nationale, on lui aurait fait des reproches à ce sujet. « Le président n'a pas publié le texte de l'amendement, il avait déjà été publié. On parlera de la Constitution du 13 mai, pas du 19 juin », a-t-il avancé.
Rosny Desroches satisfait
Personnellement, je pense que le président a fait une bonne chose. Il a respecté sa parole. Il a pris des engagements devant les parlementaires, la société civile, le Club de Madrid et devant la nation. Cela montre aussi qu'il a du respect pour le pouvoir législatif parce que l'Assemblée nationale a voté l'amendement constitutionnel. Il ne pouvait pas de son propre chef l'éliminer par un simple arrêté », a indiqué le professeur Rosny Desroches.
Saluant la décision du chef de l'Etat, le directeur exécutif de l'Initiative de la société civile (ISC)ajoute. « Cela permettra de renforcer certaines institutions telles que le Conseil constitutionnel, le Conseil électoral permanent ».
Selon Rosny Desroches, le chef de l'Etat a envoyé au journal officiel du pays, Le Moniteur, les correctifs pour erreurs matérielles afin de rétablir le texte de l'amendement dans son authenticité. « Le texte conserve la signature de l'ancien président René Préval », a-t-il souligné.
Le sénateur Steven Benoît relève déjà une anomalie
Première anomalie dans le texte corrigé et publié par le chef de l'Etat: « l'article 137 qui stipulait que le Premier ministre avant sa ratification devait passer devant le Parlement. Malheureusement, ce paragraphe a disparu », a révélé le sénateur Steven Benoît. « Je vais prendre mon temps pour bien lire le document à nouveau pour voir s'il y a d'autres fautes».
Le parlementaire a estimé que c'est une bonne chose que le président de la République ait respecté la volonté du Parlement. « Mais j'avais toujours demandé une copie du texte amendé pour chaque sénateur et député avant la publication », a-t-il regretté.
En revanche, la décision du président Martelly laisse perplexe bien d'autres hommes de loi. Ils disent ne pas comprendre la décision du chef de l'Etat.
Me Jean Henri Céant
« Je n'ai rien compris de ce qui s'est passé. Je dois attendre ce qui va sortir pour savoir. Rien de ce que j'ai appris à l'école n'a été respecté au palais national. Les présidents du Sénat et de la Chambre des députés ont représenté l'Assemblée nationale. J'ai vu aussi que le président de la Cour de cassation a représenté le pouvoir judiciaire, là c'est un autre enseignement que je n'ai pas appris à l'école », a vivement déploré Me Jean Henri Céant.
L'ancien candidat à la présidence se demande si les présidents des deux branches du Parlement avaient eu un mandat pour représenter les parlementaires. « Le président de la Cour de cassation avait-il un mandat pour représenter le pouvoir judiciaire ? » Jean Henri veut avoir des explications.
Sauveur Pierre-Etienne
Après ce qui s'est passé mardi matin au palais national, le coordonnateur de l'OPL a estimé qu'il ne faut plus avoir de doute: Haïti n'est pas un Etat souverain. « Il ne s'agissait pas d'une erreur matérielle. C'est un crime de lèse souveraineté populaire. Le président de la République a prouvé que c'est la communauté internationale qui dirige le pays. Michel Martelly n'a pas oublié comment il est arrivé au pouvoir... », a dénoncé le professeur Sauveur Pierre-Etienne.
A la question « Comprenez-vous la technicité de ce qui s'est passé ce matin au palais national? », le leader politique n'a pas de réponse. Il n'a pas bien compris apparemment. Selon lui, même le président Martelly ne sait pas ce qu'il a publié. « Il n'a fait que donner satisfaction aux ambassadeurs présents au palais national qui donnaient des sourires narquois », a avancé Sauveur Pierre-Etienne.
Me Gérard Gourgues
« Il a pris ses responsabilités. On avait avancé des preuves indiscutables selon lesquelles on ne devait pas publier le texte amendé. C'est une procédure qui a été formée, reformée, transformée, violée et reviolée. On a une Constitution démembrée », a déclaré Me Gérard Gourgues comme pour exprimer sa déception. « Le sort en est jeté » , a-t-il ajouté.
Bien qu'il ait passé des jours à la tête d'une équipe ayant travaillé sur le texte amendé de la Constitution, Me Gérard Gourgues dit n'éprouver aucun regret. « Non, non, je n'ai pas perdu mon temps. Il doit s'engager comme chef de l'Etat devant les responsabilités qu'il a prises », a-t-il dit.
Après plus d'un an de dilatoires politiques, de formation de commissions, de consultation...les trois pouvoirs se sont mis d'accord pour publier le texte corrigé de l'amendement constitutionnel.
L'article 137 de la Constitution
« Le Président de la République choisit un Premier ministre parmi les membres du parti ayant la majorité au Parlement. A défaut de cette majorité, le Président de la République choisit son Premier Ministre en consultation avec le Président du Sénat et celui de la Chambre des députés. Dans les deux (2) cas, le choix doit être ratifié par le Parlement».
Source: Le Nouvelliste
Roberson Gefrard
19 Juin 2012