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Le seul homme fort d’Haïti

martelly-homme-fortLe renvoi cette semaine du ministre Thierry Mayard Paul, confirme qu’il n’y a d’homme fort du régime de Martelly que Martelly lui-même. Et le premier ministre Laurent Lamothe, sorti vainqueur de l’apparent bras de fer avec son encombrant collègue de l’intérieur devrait se garder de crier victoire trop tôt.

S’il est vrai qu’on a vu Thierry Mayard Paul tomber progressivement en disgrâce au cours des derniers jours, on n’a en revanche pas vu venir sa chute brutale. Lundi encore, un acteur influent de la scène politique haïtienne me confirmait à quel point il avait du pouvoir, et qu’il était bien en selle, malgré les apparences.

Le renvoi de Thierry Mayard Paul, que je refuse d’attribuer à Laurent Lamothe, pourrait être interprété comme un signe que le président, après une année à la tête de l’État, est de plus en plus en confiance. Car l’ancien ministre, qui a longtemps conservé son poste de chef de cabinet du président, représentait le lien privilégié – sinon un maillon essentiel – entre Martelly et la petite bourgeoisie traditionnelle à la fois pseudo intellectuelle et brasseuse d’affaires.

L’épisode Mayard Paul n’est pas à dissocier – quoique plus surprenant– de celui de l’ancien premier ministre Gary Conille. Ce dernier représentait à la fois un pont pour Martelly avec la communauté internationale et le secteur duvaliériste. Au point où, il a cru, à un certain moment, pouvoir croiser le fer avec celui qui est devenu le nouveau faiseur de pouvoir. Conille n’a pas fini de s’en mordre les doigts.

Dans les deux cas, pari gagné pour le président qui prouve devant l’absence de réactions ou de rupture de banc, qu’il est devenu «fréquentable» dans plusieurs secteurs – si besoin en est encore de le prouver à son ministre de la diaspora. Ce dernier avait rappelé à Martelly qu’il s’était mis à son service malgré une réputation d’homme peu fréquentable.

Le président Michel Martelly est convaincu qu’il ne doit sa présidence qu’à son génie, alors insensé celui qui espère sa gratitude. L’argent que Laurent Lamothe aurait investi dans la campagne du candidat en 2011 ne lui donne nullement le droit de croire qu’il est devenu l’homme fort du pouvoir après le départ de Thierry Mayard Paul. Déjà les rumeurs de dissension entre la présidence et la primature sont trop fortes depuis quelques temps.

Lamothe aurait intérêt à faire sien ce vieux dicton qui veut «qu’on mette sa barbe à la trempe quand celle de son camarade est en feu». Car jusqu’à nouvel ordre, il n’y a d’homme fort en Haïti que Michel Martelly lui-même.

Pierre Emmanuel
Journalmetro