Culture & Société
Le 18 novembre du président Martelly: un chevauchement hésitant entre reddition de l'armée et conquête du champ extérieur largement érodé
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- Catégorie : culture & societe
- Publié le dimanche 18 novembre 2012 17:48
Soumis à Tout Haiti le 18 Novembre 2012
Par Vernet Larose *
Quartier Général du Haut du Cap, le 27 Brumaire (19 novembre 1803)
Le général en chef de l'armée indigène aux citoyens habitant la ville du Cap.
Citoyens,
Étant entré aujourd'hui en négociation avec le commandant en chef Rochambeau, relativement à l'évacuation du Cap par ses troupes, cette circonstance me porte, citoyens habitants, à calmer les inquiétudes qui, jusqu'à ce jour, ont existé parmi vous, car la guerre qui se fait n'est pas dirigée contre les habitants de ce pays... Qu'ils restent, citoyens, ceux qui éprouvent de la répugnance à abandonner le pays; ils trouveront sous mon gouvernement protection et sécurité; d'une autre part, ceux qui veulent suivre l'armée française sont libres de le faire. J'ai l'honneur d'être, etc.
DESSALINES.
Le président du conseil,
BOISROND.
Parmi les fêtes commémoratives identitaires, le jour du 18 novembre est non seulement célébré tardivement, la constitution 1957 du président Duvalier, <<commémoration de="" la="" bataille="" vertières,="" jour="" l'armée="">> mais fondamentalement demeure la plus controversée: sa trajectoire contemporaine n'a jamais affiché la victoire du << Jour de l'Armée>> : du 18 novembre 1957 au 15 octobre 1994. Et, en remontant dans le temps, sous le régime de Duvalier : macoutisation de l'armée et militarisation des VSN-volontaires de la sécurité nationale.
L'ambassade des États-Unis a pignon, en effet, sur le boulevard 15 octobre; tandis que le monument dédié en vue d'honorer la bataille de Vertières ne cesse pas de constituer un enjeu identitaire clivé par notre jeu guerrier. À l'occasion de la commémoration du 208e anniversaire de la bataille de Vertières, au Champ de Mars, le président Martelly traça les grandes lignes d'action de sa politique militaire; lignes d'action qui ne se démarquent pas de la tradition des généraux sans troupes.
L'armée n'est pas au fondement de la création de l'État, comme le président Martelly l'a dit dit dans son discours du 208; c'est tout le contraire.
Les classes sociales instituent l'État qui détient le monopole de la coercition légitime en vue d'administrer sa population qui habite sur son territoire ( Max Weber) Or, ce type d'État n'a jamais existé en Haïti, car les forces de sécurité, l'armée pour la défense du territoire, et la police, pour garantir la sécurité de la citoyenneté peinent, depuis toujours, à repousser la violence privée (Norbert Elias).
L'armée accomplit sa fonction que lorsqu'elle est soumise à la conduite stratégico-diplomatique, ordonnée par la pacification inter-étatique, l'ONU en représente le stade suprême, d'où la violence privée internationalisée de MINUSTAH-CHOLÉRA; et celle de la police consiste à "policer les moeurs" dans la perspective de la gouvernementalité de Michel Foucault, le gouvernement de la population, le bio-pouvoir, au fondement de la gouvernance démocratique : de la légalité et de la légitimité.
À l'occasion du 209e anniversaire de la bataille de Vertières, le président Martelly bénéficie du calendrier de la tenue de la vingt-deuxième édition du sommet des chefs d'État et de gouvernement ibéro-américains qui se déroule cette année, à Cadix, <>, le taux de chômage s'élève à 38%, dans une Espagne en faillite, et la lutte des classes réveille le vieux Marx; calendrier qui lui accorde un répit, sous sa présidence les crises se succèdent, au Cap, Sandy et contestation de sa présidence, au Champ de Mars, la géographie de la colère, les facultés, les affaires pénales... dans la transition qui n'en finit pas. Or, sa mission réside à en finir avec cette transition : des pays ibéro-américains ont pu y arriver; et fort souvent, leur armée s' y est présentée en première ligne.
Le séjour à Rome, Jean Price-Mars, notre intellectuel-monde y a déjà brillé, son diagnostic de notre élite sans vocation, handicapée par son bovarysme, y compris écologique, y tient toujours, du président Martelly , n'entre pas dans aucun cadre stratégique de développement, le préalable incontournable en vue de mener des négociations. Le pape peut lui donner sa bénédiction pour son initiative d'inclure les <>, mais dans la guerre des religions qui sévit en Haïti, une autre manifestation de la violence privée; mais la FAO , avec la <<tragédie de="" son="" milliard="" d'affamés="">>, incapable de secourir Haïti qui figure parmi les pays les plus affamés, même si on apprenait à l'école : << un pays essentiellement agricole>>.
Fantasmer sur l'armée dénote et connote l'absence d'une pensée stratégique. Le président Martelly peut passer tout son temps à voyager, chaque jour de l'année, 365 jours par an, battre le record, au titre de jet set, millonnaire en frais de séjour, mais il ratera son rendez-vous avec l'histoire, vu ses projets épars ne peuvent structurer aucun changement social ni ne reposent sur un consensus parmi les classes et couches sociales, toutes familles politiques confondues.
Le 18-19-29 novembre 1803 ouvre la voie au premier janvier 1804, De Louverture à Dessalines en passant par Christophe-Pétion-Boyer, se dégageait une intelligibilité de la conjoncture tant sur les plans externe qu'interne; intelligibilité qui s'est effacée depuis fort longtemps déjà .
À nous d'assumer notre tâche!
Vernet Larose
Professeur de sociologie et d'histoire, conseil en développement international et intégration culturelle et activisme civique.