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Haïti, est-il dans le cœur de Barack Obama? (Discours de Jean-Junior Joseph à l'occasion du Bal présidentiel organisé par Friends of Haïti 2010 - FOH2010 )

JJJ-Douglas-Speech-FOH2010

Je remercie « Friends of Haïti 2010» d'avoir fait choix de moi pour être l'orateur de circonstance à cette soirée de gala. Je le prends comme un honneur qui suscite évidemment un immense plaisir. Cette soirée de gala nous rassemble en vue de fêter la seconde victoire du 44ème Président des Etats-Unis, Monsieur Barack Hussein Obama. Une telle rencontre aurait été, six ans de cela, inimaginable.

Récemment, lors d'un diner entre amis à Port-au-Prince, quelqu'un a glissé une information sur la table pour nous dire que Barack Obama a failli épouser une Haïtienne. Il parait que, lors du premier rendez-vous entre cette Haïtienne-là et le jeune Obama, notre compatriote s'est éclipsée au moment de l'interlude romantique. Et pour résultat ... aujourd'hui nous avons Michelle Obama comme première Dame des Etats-Unis. Voilà donc un trait de petite histoire qui donne à rêver... une haïtienne aurait pu être l'épouse de Barack Obama. Si l'anecdote est vraie, Haïti aurait pu être dans la chair et dans le cœur de l'homme le plus puissant du moment.

Parlant de Barack Obama, qu'est ce qui se passe chez nous?

- La Photo de Barack Obama est sur les bus et les tap-tap de la région métropolitaine de Port-au-Prince, et aussi dans les quartiers populaires;

- Les DJ de Port-au-Prince s'amusent à faire écouter la musique « Obama, Obama, vive Obama kap fè la pluie et le beau temps »;

- Les gros bus de transports, de couleur blanche, on les appelle «Bus Obama »;

- Lors des émissions sur les élections américaines de RTVC, « il fallait entendre l'explosion de cris de joie des jeunes de quartiers populaires ». Il est intéressant de signaler que le mot « Barack » veut dire « gro chabrak » chez nous.

Les haïtiens ont adopté Barack Obama, surtout par solidarité. Comment expliquer cet élan de solidarité ? Pas besoin d'enquêtes très poussées. La réponse : « c'est un black comme nous ». La solidarité qui est une richesse chez nous, on la fait sans poser de questions. Comprenons bien. Quand l'Haïtien décide d'être solidaire, ne cherchez pas à lui faire voir raison : « il n'a rien vu ni compris ». Il est solidaire, un point c'est tout. Et si le moment opportun se présente, il peut même adopter la stratégie du marronnage.

Pourquoi cette affection à l'endroit de Barack OBAMA?

- En raison de ses origines, OBAMA dès son premier mandat a marqué l'histoire universelle. Lors de la fièvre Obama en 2008, certains eurent même à parler de «la révolution OBAMA ». Le mot peut être fort mais voyons pourquoi...

- Les Etats-Unis choisissent toujours leurs présidents sur mesure. Le nom et le prénom sont aussi importants. Le nom B-A-R-A-C-K H-U-S-S-E-I-N O-B-A-M-A résonne comme une musique attrayante. C'est atypique. Avant c'était George, Bill, Ronald, Gérard, Richard, John Fitzgerald, Franklin, et j'en passe.

- Barack OBAMA, certains le voient comme un noir, d'autres comme métis, d'autres comme Africain. Sa grand-mère vit encore au Kenya. Historiquement, le continent Africain est symbole d'humiliation par rapport à l'esclavage et aux pratiques de discriminations raciales. Un Noir à la Maison Blanche, et un nom africain sur la liste des présidents américains: pour une nouveauté, c'en est une!
Barack Obama est issu d'un milieu social modeste. Il a grandi sous les regards de sa mère blanche, puis de ses grands-parents blancs. Il a poursuivi son cursus universitaire à la prestigieuse université Harvard et est devenu Avocat, puis professeur de Droit et Homme politique. On connait la suite. D'humble origine, il est aujourd'hui le 44ème Président des Etats-Unis. Dans un pays où statistiquement il y a plus de noirs en prison qu'à l'université, le Président Obama est un formidable exemple pour tous les parents qui croient que « le chemin du succès dan la vie passe par l'éducation. »

Quid du vote des Haïtiens pour Barack Obama ?

On estime qu'en 2008, près de 300,000 Haïtiens d'origine ont voté pour Obama. En 2012, le nombre d'Haïtiens à avoir voté pour le Président Barack Obama serait à plus de 560,000 électeurs. Parmi les groupes minoritaires donc, les Haïtiens ont jeté disons, plus d'un demi-million de votes. Qu'est-ce que ça nous rapporte en retour ? What is in there for us ? Selon le journal Bloomberg, Hillary Clinton, Durant ses quatre (4) années comme Secrétaire d'Etat, a voyagé dans 112 pays mais ne s'est rendue en Haïti que trois (3) fois seulement. De mémoire, je pense qu'elle est allée en Haïti lors du séisme de 2010, la deuxième fois c'était pour rencontrer les trois candidats aux présidentielles de 2010/2011. La toute dernière fois, c'était à l'occasion de l'ouverture du complexe agricole de Caracole dans le Nord.
Gardons à l'esprit quelques vérités de base: le département d'Etat a son agenda pour Haïti. Et Haïti a son propre agenda. L'agenda d'Haïti devrait être celui sur lequel tous les Haïtiens s'entendent qu'ils soient noirs, mulâtres, haïtiens de l'en-dedans et de l'extérieur. Nos querelles internes font le beurre de la Communauté internationale qui nous submerge d'ONGs. Or, qu'on me cite un seul pays au monde parvenant à relever les défis du non-développement à partir du « secours des ONGs » ? C'est un scandale de voir combien les résultats des actions "ongistes" sont maigres! C'est à croire que ces organisations seraient à l'affût « d'autres catastrophes pour s'enrichir. »

Tout en célébrant la seconde victoire de Barack Obama que nous apprécions comme « humain, black, héros pour les jeunes minoritaires en Haïti et ailleurs », il convient de se demander une fois encore que veut dire Haïti pour les Etats-Unis ?

On peut préfacer ce p'tit travail de réflexion avec cette maxime du Général Charles de Gaulle: « Les Etats n'ont pas d'amis. Ils n'ont que des intérêts »

Si les Etats n'ont pas d'amis, et qu'ils ils n'ont que des intérêts, disons en quelques mots que Barack Obama est le Président des Etats-Unis, d'une large population de 314 millions d'habitants. Obama est redevable aux 127 millions d'électeurs. Obama est redevable envers les différentes forces politiques qui l'ont propulsé à la maison blanche. Donc s'il est le Président des Etats-Unis, il n'est pas pour autant celui de la République d' Haïti. Les Etats-Unis et la République d'Haïti ont eu leur indépendance à 28 ans de différence, en 1776 et 1804. A peine un quart de siècle d'écart. D'un côté une indépendance orchestrée par un ancien colon blanc en la personne de Georges Washington ; et de l'autre côté une indépendance forgée par un nègre, un ancien esclave, en la personne de Dessalines, soutenu par une pléiade de généraux qui ont participé aux différentes guerres de 1791 à 1803.

Personne ne se fait d'illusion. Le Président Barack Obama ne va nullement opérer un miracle pour les Haïtiens même si nous l'aimons comme un frère. Obama est un maillon dans un système étasunien bien solide, bien structuré, bien conçu. Ce n'est pas à Port-au-Prince qu'il va s'asseoir pour consommer « nos riz djondjon ou tassot cabri ». Son bureau est à Washington, et il est super-occupé pendant près de 15 à 18 heures par jour.

Quant au rapport entre les deux pays (USA/Haïti), il est quelque peu complexe. Voyons ce que nous indique l'histoire diplomatique de ces deux pays:

- Dès 1804, la présence du jeune Etat nègre dirigé par un nègre, par n'était pas digestible par la Société des Nations esclavagistes.
- La France raciste face au geste inouï de 1804, demanda aux Etats-Unis de geler tout commerce avec Haïti. Napoléon publiera des décrets de Guadeloupe pour rétablir les prérogatives des profiteurs du vieil ordre esclavagiste et colonial ;

- En février 1806, le Congrès américain sous la pression de la France, décrète l'embargo sur le commerce entre les Etats-Unis et Haïti.
Le 15 août 1809 la France écrit au secrétaire d'Etat Madison en ces termes ; « Je crois pouvoir me borner à prévenir le gouvernement de l'Union d'une circonstance si bien calculée pour compromettre l'harmonie qui existe entre les deux nations... » (Etats-Unis et la France) ;

- Le 17 avril 1811 par un décret du roi Henri Christophe, les impôts étaient réclamés de tous les commerçants étrangers établis dans le royaume du Nord. Imaginez mesdames et messieurs, ce document portant la signature d'un Roi nègre ;

Et ce n'est pas tout. Le Royaume du Nord, celui de Henri Christophe rejeta les pressions des Etats-Unis dans une lettre datée du 1er août 1817, an 14ème de l'Indépendance, signée du comte de Limonade : « Je regrette que Sa Majesté, étant en ce moment en tournée, ne puisse donner une audience à M. Tyler et au capitaine de la frégate Le Congrès comme ils le désirent. J'ai l'honneur de vous saluer avec considération...»
A l'époque, le roi Henri Christophe se tenait debout lors des pressions des Etats-Unis. Aujourd'hui si Président Barack Obama lit les pages de l'histoire diplomatique des Etats-Unis et de la République sous le royaume d'Henri Christophe, il pourrait se demander si nous avons encore des chefs d'état de cette étoffe. MENTIONNONS ả vol d'oiseau qu'en 1825, Haïti n'était pas accepté dans le concert des Nations. Les années de l'occupation1915 - 1934, n'ont pas été une période de pure tranquillité pour les Américains, selon les écrits de Roger Gaillard.

Et si Haïti était pauvre ?

Pour ceux qui disent qu'Haïti est pauvre, admettons que ce soit le cas. Eh bien, si Haïti est aussi pauvre pourquoi les grandes puissances essayent toujours de dominer « le pays pauvre »?
- Si Haïti est aussi pauvre, pourquoi la France surveille-t-elle toujours les Etats-Unis ?

- Si Haïti est aussi pauvre, pourquoi le Canada surveille la France? Les Etats-Unis surveillent le Canada? Les Etats-Unis regardent de travers la France ?

- La vérité, c'est que les cahiers des institutions internationales font état de notre pauvreté comme le pays le plus pauvre, le pays parmi les 10 pires destinations, le pays parmi les pires risques écologiques. Mais c'est aussi le pays où un peuple voit des forces étrangères sur son territoire sans qu'il n'y ait de guerre. L'entretien de Cette force coûte des milliards de dollars depuis 2004.

Pour finir Considérons notre pays comme un héritage, une petite « Masure » ou « cahute » située dans un lieu bizarre. Avant de mourir, le père dit à chacun de ses trois enfants séparément de ne pas lâcher cette masure qui au fond abrite une grande richesse. Et après la mort du vieux, les trois enfants n'arrêtent pas de se battre.

Je me demande parfois si les Haïtiens sont conscients de la richesse que renferme ce pays. La richesse n'est pas dans les caisses de l'état. Elle n'est pas non plus dans les banques de Port-au-Prince. Elle est là quelque part sur le territoire. Cherchez-là.

Je reprends encore le mot de Charles de Gaulle : «Les nations n'ont pas d'amis elles n'ont que des intérêts »

Depuis les primaires de l'Iowa en 2008, j'avais pronostiqué que Barack Obama serait Président dès le premier mandat. Plusieurs amis m'ont traité de rêveur. Il est devenu Président, il en a déjà quatre ans. Depuis le clip vidéo des fameux « 47% » et surtout le super-ouragan SANDY, j'ai dit qu' « une bonne gestion de Sandy » lui redonnera la Maison Blanche. Et voila qu'on y est. Il est le Président des Etats-Unis. Pas de la République d'Haïti. Si l'on ignore les sentiments d'Obama pour Haïti, au moins l'histoire nous dit ce que furent les sentiments de Roosevelt.

«Quand je mourrai, je pense que le nom d'Haïti va être écrit sur mon cœur, parce que, pendant toutes ces années, j'ai eu le plus vif intérêt dans la République d'Haïti, et l'épanouissement de ses gens d'une manière telle que jamais, on ne pourra parler d'exploitation par une autre nation. » FDR, 14 Octobre 1943.

Chez Obama ce qui nous importe ce sont les actions vis-à-vis d'Haïti. Demandons-nous ce que doit faire le président Barack Obama pour rester dans notre histoire?

Samedi 19 janvier 2013
Jean-Junior Joseph
Specialiste en relations publiques

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