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Quand l’international fait la loi - Blanchiment d'argent et financement du terrorisme

blanchiment-argent1Jean Tholbert Alexis annonce qu'il rejoint l'intérêt public dans le vote de la loi sur le blanchiment de fonds et le financement du terrorisme. Rassurant ! Mais, il a fallu une séance controversée, le saccage de l'Assemblée par le député Arnel Bélizaire et des flux de contestations de secteurs organisés de la vie nationale dont l'association des barreaux d'Haïti pour que le président de la Chambre basse retrouve la raison. Menace contre la souveraineté, attaque contre le secteur financier, cette loi frustre. Le Parlement doit revoir sa copie. Les députés s'y attèlent déjà.

Obsédé par la dangerosité du terrorisme, l'international impose ses règles. La vertu totalisante des politiques des puissants États étouffe les plus faibles. Et ce texte imposé dans un jargon « militaro-juridique » est caractéristique de l'état d'esprit et des priorités de la communauté internationale. Pression. Sanctions. La République rose cafouille. Les impulsions des uns se heurtent à la tempérance des autres. La brouille est totale. «Les hommes d'État doivent se ressaisir face à cette loi jugée inacceptable, embarrassante et insultante dans la forme ». C'est ce qu'a exprimé Osner Févry qui croit que cette loi a été importée et imposée.

Comme le terrorisme est un adversaire qui n'a ni visage, ni territoire, certaines barrières nationalistes comme la souveraineté tombent. Cet adversaire multiforme hante l'occident. Les moyens de lutte sont drastiques. Et les petits États peinent à se positionner. L'intérêt national est le seul guide viable. Pourtant, les sénateurs, dénonce Févry, ont acquiescé à l'article 47 qui est une imposture, une justification apportée à la présence des étrangers sur le sol haïtien. Cet article accorde à l'ONU, via le chapitre 7 de la charte des Nations Unies, la possibilité de demander le gel des fonds des particuliers, entité et organisations désignés comme terroriste.

À l'heure où certains Etats sont en train de lutter pour obtenir l'amendement de cet article de la Charte de l'Onu qui justifie l'ingérence internationale, ce vote insouciant au Sénat témoigne de l'incohérence des politiques. Me Févry croit que cet acte est une justification apportée à la présence de la Minustah. Pourtant, il y a deux ans, le Sénat avait adopté une résolution demandant le retrait sans condition des troupes onusiennes. Depuis, le mandat de la Minustah a été renouvelé. Les Pères conscrits se sont tus, et consacrent par ce vote le principe de permanence des forces étrangères. C'est un crime de haute trahison, agite l'homme de loi.

Cet article qui a été accepté tel quel, traduit l'incohérence de ces personnalités qui devraient être porteuses d'idéologie. Les sénateurs violent les principes de moralité parlementaire, martèle Févry. « Cette loi peut-être utilisée à des fins de persécutions. Car par un simple conseil des ministres on peut bloquer, geler et accuser une personne de terrorisme. Même Duvalier n'était pas allé aussi loin dans ses mesures pour lutter contre le communisme », déplore-t-il.

Osner Févry dément l'idée qui fait croire que si Haïti ne vote pas cette loi, il y aura des sanctions et des conséquences sur l'économie. Ce serait, dit-il, un stratagème pour nous imposer l'inacceptable, un complot contre l'indépendance. Sur 193 pays membres de l'Onu, 70 pays seulement ont adhéré à cet instrument juridique. L'empressement de l'Exécutif et de certains élus au Parlement paraît donc injustifié. L'heure serait à la concertation pour défendre les intérêts nationaux.

Un os pour les agents financiers

Cette loi transforme les agents financiers en des agents de police. Comme la police haïtienne est une branche de la police internationale, ils deviendront par conséquent un agent de police internationale, et les notaires seront des indicateurs et correspondants d'espionnage, explique par ailleurs Osner Févry. Cette loi est en contradiction avec le principe d'inviolabilité de la propriété privée et permet à l'UCREF et L'ULCC de pénétrer dans mon cabinet sous prétexte d'activité terroriste, craint-il.

À travers cette loi, il y a une velléité d'effacer la souveraineté nationale.

Si cette loi est votée sans modification, ce serait une normalisation de l'occupation du pays. Cette loi peut servir d'outil de persécution. Elle peut être cause d'instabilité puisque personne n'est épargné y compris le chef de l'État lui même. Elle peut-être aussi un outil politique entre les mains du pouvoir tout comme elle peut servir d'outil de contrôle et de déstabilisation entre les mains de l'international, a fait prévaloir pour sa part Sadrac Dieudonné, député des Gonaïves.

L'international entre dans une dynamique d'internationalisation de ses lois, sans prendre en compte les réalités sociales et économiques spécifiques. "Ils sont en train d'accélérer la globalisation alors que certains élus ne prennent pas en compte les intérêts de la nation en votant cette loi", déplore Dieudonné. Notre système judiciaire et financier ne peut supporter cette loi telle que formulée. Un vote favorable passe d'abord par la modernisation du système judiciaire et du système financier.

La loi est pertinente, ne serait ce qu'en tenant compte de ses objectifs principaux : blanchiment des avoirs et lutte contre le financement du terrorisme, reconnaît l'élu. Les lois que nous votons, poursuit-il, doivent être en harmonie avec notre corpus juridique. Celle-ci, malgré son importance lui est contradictoire. Avec ce texte, Haïti cingle vers la globalisation avec toutes ces carences et incohérences. Le souffle puissant de l'international l'emporte. Mais, il ne faut pas oublier l'essentiel dans ce périple aux issues incertaines: l'intérêt national.

Lionel Edouard
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Source: Le Matin

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