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Carlos Hercule: Le discours qui a transformé un simple bâtonnier en un héros national

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 carlos-hercule-profileVous n'aviez pas besoin de prendre les armes pour poser des actions de bravoures qui vous feriez entrer dans les annales de l'histoire la tête haute et le front altier. Des actions même symboliques peuvent avoir autant d'impact qu'une armée toute entière.

La presse indépendante et tous ceux qui réellement travaillent pour la défense de la démocratie saluent le courage de l'actuel bâtonnier de l'ordre de avocats Maitre Carlos Hercule.

Tout Haïti vous invite à prendre connaissance du discours historique du bâtonnier Carlos Hercule à la cérémonie de réouverture des tribunaux

Discours du bâtonnier de l'ordre des avocats de Port-au-Prince

La cérémonie de ce matin est l'occasion pour le barreau de dénoncer la difficulté d'exercer la profession d'avocat dans la juridiction de Port-au-Prince, de se prononcer sur l'état de fonctionnement de la justice à travers son organe de direction, mais de jeter aussi un regard sur la vie publique.

Dire « Tout va très bien Madame la Marquise ». C'est choquer les avocats ! C'est insulter les consœurs et confrères. Car, la situation est gravissime!

Je n'avais pas exagéré en citant dans mon allocution de la Saint-Yves « l'asphyxie de la profession d'avocat par des secteurs puissants ». Nous débutons l'année judiciaire 2013-2014 avec des dossiers toujours au délibéré des juges et cela depuis plusieurs mois. Et pire, il y en a qui seront des décisions par défaut.

Des conclusions dans les affaires civiles, des réquisitoires en matière pénale, sont gardées des mois au Parquet. Des ordonnances de Cabinet d'instruction ne sont pas rendues au terme du mois de la communication du réquisitoire définitif. Elles ne sont pas non plus signifiées aux inculpés lorsqu'elles sont rendues finalement. Je vous fais grâce d'autres énumérations. Car, je ne vous apprends rien.

Mais en tout cela, c'est l'avocat qui en fait les frais. Il est reproché de négligence et, dans bien des cas, le client reprend son dossier pour le confier à un raquetteur.

Au tribunal de première instance de Port-au-Prince, ça va très mal pour les avocats. Nous avons comme concurrents certains greffiers, certains huissiers, des messagers, des agents de sécurité, des ménagères. Souvent les requêtes d'avocats sont rejetées et celles des imposteurs agréées. Je n'ai pas à parler de concurrence déloyale pour des gens sans qualité qui nous ravissent notre part du marché. Nous sommes aussi attaqués à un niveau plus élevé et de façon plus structurée.

Je reviens à la loi sur l'adoption consacrée par le vote de la Chambre des députés malgré les remarques écrites de la fédération des barreaux d'Haïti relatives aux articles qui réduisent ce champ à un clic d'avocats, membres d'institutions agréées par l'IBERS. Il est inacceptable que seule une vingtaine d'avocats soit autorisée à faire de l'adoption alors que la République compte environ 4 000. Et pour comble l'IBERS pose lui-même des actes d'avocats en faisant la procédure d'homologation de l'adoption devant le doyen du tribunal de première instance.

Je reviens au Centre de facilitation et d'investissement qui, dans une interprétation erronée de son décret, crée des sociétés anonymes en attente d'investisseurs. Alors qu'il serait plus loyal que le CFI encourage le projet de guichet unique de son ministère de tutelle, le ministère du Commerce et de l'Industrie qui permettrait, dans le respect du principe de l'égalité des chances, à tout avocat, à tout intéressé de créer une société en 10 jours.

Je reviens aussi au projet de loi sur le blanchiment des avoirs et le financement du terrorisme qui prévoit une peine de 15 ans d'emprisonnement et de 100 000 000 de gourdes d'amende si l'avocat ne dénonce pas à l'UCREF son client.

Je reviens à la remise en question des garanties liées à l'exercice de la profession d'avocat par un magistrat puissant, qui défie le CSPJ, l'organe de discipline, et qui se place au-dessus du code d'instruction criminelle et de la loi portant statut des magistrats.

Je porte à votre connaissance la circulaire de la Direction de l'administration pénitentiaire nationale qui met les dispositions de la constitution en vigueur relatives à l'Habeas Corpus et celles du code d'instruction criminelle portant sur la main levée du mandat d'écrou, sous le contrôle du ministère de la Justice.

Je porte à votre attention, magistrats de cette assemblée, que l'article 10 de la loi du 26 juillet 1979 sur l'appel pénal n'existe plus. Aucun inculpé n'a le droit d'attaquer une ordonnance de renvoi du Cabinet d'instruction. Dans aucune démocratie, dans aucun Etat de droit, on ne trouvera aucune autorité publique constituée à faire obstacle à un arrêt de la cour d'appel.

Il n'existe pas d'Etat de droit sans la justice. Il ne peut exister de justice en absence de l'exécution des décisions rendues par les cours et tribunaux. Et l'Etat de droit ne s'imagine pas en dehors de la séparation des pouvoirs.

Benjamin Francklin, l'un des pères fondateurs des Etats-Unis d'Amérique a déclaré: « Un peuple près à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux. »

Je suis étonné que des violations si flagrantes aient laissé indifférents des secteurs organisés de la vie nationale, des parlementaires, particulièrement, ceux qui exerçaient la profession d'avocat avant la fonction. Ils oublient sans doute que seul le statut d'avocat est permanent et qu'ils devront tôt ou tard reprendre les rangs.

Je suis inquiet du silence de l'Organisation des Nations unies devant la persécution judiciaire dont est l'objet un avocat. Alors que c'est au cours du congrès tenu à la Havane (Cuba) du 27 août au 7 septembre 1990 que l'ONU a élaboré les principes de base relatifs aux rôle du barreau qui prévoient à l'article 17 que « les avocats ne doivent pas être assimilés à leurs clients ou à la cause de leurs clients du fait de l'exercice de leurs fonctions ».

Je suis tout aussi inquiet de l'indifférence de l'ONU devant le projet de loi sur le blanchiment et le financement du terrorisme qui veut enlever à l'avocat le secret professionnel et je suis très inquiet également devant la pression de l'ambassade américaine de faire publier la loi votée par la Chambre des députés avec des modifications proposées, entre autres par la fédérations des barreaux d'Haïti, sans la retourner au Sénat. Tandis qu'il est clairement écrit à l'article 21 des Principes de base sur le rôle du barreau que « Les pouvoirs publics doivent veiller à ce que toutes les communications et les consultations entre les avocats et leurs clients, dans le cadre de leurs relations professionnelles, restent confidentielles ».

Je suis inquiet du mépris de l'organisation des Etats américains devant la violation du Pacte de San Jose de Costa Rica par l'Etat haïtien qui ravit aux inculpés le droit d'interjeter appel et qui empêche aux juges de la cour d'appel d'apprécier souverainement les recours qui sont portés à leur connaissance. Alors que l'article 25 de la Convention américaine relative aux droits de l'homme garantit en ces termes la protection judiciaire : « Toute personne a droit à un recours simple et rapide, ou à tout autre recours effectif devant les juges et tribunaux compétents, destinés à la protéger contre tous actes violant ses droits fondamentaux reconnus par la Constitution, par la loi ou par la présente, lors même que ces violations auraient été commises par des personnes agissant dans l'exercice de fonctions officielles.»

Monsieur le président de la République, les Etats parties s'engagent :

a) a garantir que l'autorité compétente prévue par le système juridique de l'Etat statuera sur les droits de toute personne qui introduit un tel recours;
b) a accroître les possibilités de recours judiciaires;
c) a garantir que les autorités compétentes exécuteront toute décision prononcée sur le recours.

Mesdames, Messieurs, l'objectif de la cérémonie de ce matin ne peut être circonscrit à la présentation de bilan des 18 juridictions par la Cour de cassation, aux difficultés d'exercer des avocats, mais également en la mise en lumière de l'état général de la justice via son organe de direction.

Le chronomètre de l'an 1 proclamé par le président de la République dans son discours du 3 juillet 2012 en donnant investiture aux membres du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire n'a toujours pas démarré. Tout laisse croire que le CSPJ n'arrive pas à récupérer du pouvoir exécutif les attributions conférées par la loi de novembre 2007.

La présidence du CSPJ n'adopte pas, jusqu'à présent, la posture de pouvoir au même titre que le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Rien n'exprime une vision nouvelle de la justice dans les directives données par ce Conseil. Au contraire, nous avons le sentiment de l'existence de conseillers en absence de conseil, de bataillon sans général.

Toutefois, le barreau de Port-au-Prince renouvelle sa confiance à la structure et fait un plaidoyer pour sa pérennité. Il souhaite vivement que le CSPJ puisse prendre en charge la justice. Qu'il la porte effectivement sur les fonts baptismaux en façonnant son image de manière à inspirer confiance aux justiciables. Mesdames, Messieurs, le barreau de Port-au-Prince est profondément préoccupé par le climat politique. Vous admettez avec moi que l'instabilité est le dernier souhait d'un avocat, à moins de choisir la retraite anticipée ou le chômage.

Bâtonnier ou avocat ou citoyen, on m'entendra toujours, que cela plaise ou non, à chaque dérive, à chaque violation de la loi et chaque velléité de remettre en cause les fondements de la nation. Je présente mes sympathies au substitut commissaire du gouvernement Me Gérard Pierre du parquet près le tribunal de première instance de Port-au-Prince et au journaliste de Radio Kiskeya, Rodrigue Lalane, victimes de brutalité policière et demande à la justice de faire son travail dans le respect des droits des agresseurs à un procès équitable.

Haïti vit depuis quelques temps le spectre du renvoi du Parlement au deuxième lundi de janvier 2014. Et en réponse, deux rapports recommandent dans les enquêtes parlementaires ouvertes sur la mort suspecte du juge Jean Serge Joseph, la mise en accusation du président de la République, du Premier ministre et du ministre de la Justice. Nous sommes donc à la veille d'une catastrophe, d'un séisme politique. Mais que nous pouvons éviter, que nous devons éviter. Je refuse de croire que la position extrémiste soit ce qu'il y a de mieux aujourd'hui.-

Je suis convaincu qu'il y a moins de mal à prolonger un mandat parlementaire de quelques mois que de diriger en absence du pouvoir législatif, organe de contrôle des actes de l'exécutif dont la seule présence est un gage de stabilité et un équilibre des trois pouvoirs de l'Etat.

Je pense aussi que personne ne peut s'enorgueillir de remporter la palme. A moins d'être le pharisien qui clame : Mon Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme ces hommes qui sont rapaces, injustes, corrompus, adultères ou comme ce publicain. Je jeune deux fois par semaine et je paie régulièrement la dîme. Nous devons, à l'instar du Publicain, ne pas lever les yeux vers le ciel, mais de dire oh ! Seigneur, aies pitiés de nous, qui sommes pécheurs. Aujourd'hui personne ne peut lancer la première pierre.

Mesdames, Messieurs les autorités législatives et gouvernementales, l'arrêt de la Cour suprême de la République dominicaine nous montre une fois de plus l'urgente nécessité d'unir nos voix, de mettre ensemble toutes nos énergies afin de dire non à l'inacceptable. Je vous convie donc au dépassement de soi, je vous invite à réitérer le geste salvateur de l'union des anciens et des nouveaux libres pour célébrer dans la concorde, le 1er janvier 2014, première décennie de notre bicentenaire de l'indépendance. Montrons à la communauté internationale que nous sommes capables aussi d'unité.

Et à vous chères consœurs et confrères, je prends occasion de cette tribune pour vous inviter à la sérénité. Ne confondez pas le droit d'information dont vous jouissez de celui de traitement de vos dossiers dans la presse. Défendez vos dossiers avec compétence, art, énergie, conviction sans vous attaquer à la personnalité de votre contradicteur, de votre confrère, encore moins celle de la partie qu'il défend. Soyez courtois, respectueux envers les magistrats. Aidez le Conseil de l'ordre à maintenir la bonne harmonie qui doit prévaloir dans la relation barreau-magistrat.

Solennellement, je m'engage à ne jamais démériter de cette confiance que vous m'avez exprimée à l'occasion du scrutin. Je garderai allumée cette flamme d'unité qui nous a éclairés dans l'assemblée générale et je continuerai à défendre, sans réserves, la liberté et l'indépendance de la profession d'avocat.

Le bâtonnier Martial Celestin, a déclaré et je cite : « le barreau, la magistrature et le ministère de la Justice ont la responsabilité de la bonne marche et du prestige de la justice ». Voilà pourquoi, en terminant je voudrais laisser à votre réflexion, vous, acteurs du système, 12 recommandations:

1- Aménager une salle pour les magistrats;
2- Fixer la date d'audition de chaque affaire;
3- Arrivée des magistrats dans les sièges à l'heure;
4- Commencer les audiences à l'heure;
5- Terminer les audiences à l'heure
6- Convenir du temps de parole des plaideurs suivant l'affaire;
7- Rendre les conclusions et les réquisitoires dans le délai légal;
8- Prononcer les décisions dans le délai légal;
9- Réviser le tarif judiciaire
10- Augmenter le nombre de juges et substituts des cours d'appel et de la Cour de cassation de manière à les faire fonctionner par chambres spécialisées. Donc modifier la loi de 1995 sur l'organisation judiciaire;
11- Faire les nominations et donner des promotions selon la loi;
12- Instaurer l'inspection judiciaire et sanctionner les fautes disciplinaires.

Titulaires des tribunaux de paix, doyens et commissaires de gouvernement de première instance, Présidents et commissaires du gouvernement près les Cours d'appel Président et commissaire du gouvernement près la Cour de cassation, Président et membres du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, Bâtonniers et membres des 18 Conseils de l'ordre de la République, Ministre de la Justice, Nous avons, en qualité de leaders, l'obligation de changer l'image de la justice. Ensemble, définissons une vision nationale de la justice. Soyons les pionniers de la nouvelle justice haïtienne !

BONNE ANNEE JUDICIAIRE A TOUTES ET A TOUS Son Excellence, Monsieur le président de la République

Monsieur le président de la Cour de cassation et président du CSPJ

Monsieur le président du Sénat de la République

Monsieur le président de la Chambre des députés Son Excellence,

Le nonce apostolique Madame,

Messieurs les membres du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire

Mesdames, Messieurs les représentants du Corps diplomatique et consulaire

Monsieur le ministre de la Justice et les officiels du gouvernement

Monsieur le Commissaire du Gouvernement près la Cour de cassation

Madame, Messieurs les magistrats de la Cour de Cassation

Distingués consœurs et confrères du Conseil de l'ordre des avocats de Port-au-Prince Monsieur le président et distingués juges de la cour d'appel de Port-au-Prince Monsieur le commissaire du gouvernement et Substituts près la Cour d'appel de Port-au-Prince Madame le doyen ai et Honorables juges du tribunal de première instance de Port-au-Prince Monsieur le Commissaire du gouvernement et substituts commissaires du Parquet de Ire instance de Port-au-Prince Madame la Protectrice du citoyen Messieurs les directeurs généraux Consœurs et confrères du barreau de Port-au- Prince Greffiers, huissiers, personnel administratif et de soutien des cours et tribunaux Mesdames, Messieurs

Carlos Hercule

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