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RNDDH: Les Libertés d'expression, d'association et de réunion en péril en Haïti (Rapport Complèt)

liberte de la presseI.Introduction

 Consacrées par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948 et par la Constitution Haïtienne, les libertés d'expression, de réunion et d'association constituent les piliers de toute démocratie saine, axée sur l'Etat de droit et exercée dans le respect de la Loi et des principes et valeurs de droits humains.

 En Haïti, ces libertés ont été l'objet de luttes intenses et leur reconnaissance aujourd'hui est un acquis démocratique chèrement payé. Pourtant, le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) constate, au cours de ces dernières années, une recrudescence des actes de violences dont sont victimes les travailleurs de la presse en particulier et la population haïtienne en général.

 C'est pourquoi, à l'occasion de la Journée Internationale des Droits de l'Homme, le 10 décembre 2013, qui coïncide avec la commémoration de la soixante cinquième (65ème) année de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, le RNDDH tient à attirer l'attention de tous sur les menaces qui pèsent sur les libertés d'expression, de réunion et d'association en Haïti.

II.Dispositions légales

Plusieurs instruments régionaux et internationaux de protection des droits humains, ratifiés par Haïti, consacrent les libertés d'expression, de réunion et d'association. Cependant, dans le cadre de ce rapport, les dispositions de deux (2) documents, savoir, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 et la Constitution Haïtienne, seront prises en compte.

 En effet, les articles 19 et 20, alinéa 1, de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme consacrent les libertés d'opinion, d'expression, de réunion et d'association pacifiques.

 Article 19 :     Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit.

 Article 20 : Toute personne a droit à la liberté de réunion et d'association pacifiques.

 Ces libertés sont aussi garanties par les articles 28, 28.1, 31 et 31.2 de la Constitution Haïtienne. Ces articles disposent ce qui suit :

Article 28 : Tout Haïtien a le droit d'exprimer librement ses opinions, en toute matière par la voie qu'il choisit.

Article 28.1 : Le journaliste exerce librement sa profession dans le cadre de la loi. Cet exercice ne peut être soumis à aucune autorisation, ni censure, sauf en cas de guerre.

Article 31 : La liberté d'Association et de Réunion sans armes à des fins politiques, économiques, sociales, culturelles ou à toutes autres fins pacifiques, est garantie.

 Article 31.2 : Les réunions sur la voie publique sont sujettes à notification préalable aux autorités de police.

III.Agressions contre des Journalistes dans l'exercice de leurs fonctions

Au cours de la période allant de 2010 à 2013, le RNDDH a recensé au moins vingt quatre (24) cas d'agression dont ont été victimes des journalistes en Haïti. Ces agressions ont été perpétrées par des agents de la PNH, par des partisans et des sympathisants au pouvoir, par des agents affectés à la sécurité de l'actuel Président Michel Joseph Martelly et par le Président lui-même.

1.Au lendemain de la publication des résultats préliminaires des législatives et présidentielles, le 8 décembre 2010, des individus ont saccagé les locaux de Radio Lebon FM, aux Cayes.

2.À Port-au-Prince, le 9 mars 2011, le candidat Michel Joseph Martelly, a proféré des agressions verbales contre le journaliste Gotson Pierre lors d’un débat dans le cadre du deuxième tour de la présidentielle et des législatives.

3.Le 22 mai 2011, des agents de l’Unité Départementale pour le Maintien de l'Ordre (UDMO) ont bousculé et brisé des matériels de travail des journalistes qui couvraient la visite du Président Michel Joseph Martelly aux Gonaïves, à la suite de l’incendie du marché public des Gonaïves, ayant occasionné la perte de plusieurs millions de gourdes de marchandises.

4.le 27 juillet 2011, le Président Michel Joseph Martelly participait au lancement de la revue touristique Magic Haïti à Port-au-Prince, quand il s'est mis à invectiver la presse, en la rendant responsable de la projection de la mauvaise image du pays à l'extérieur. Il en a profité pour menacer de poursuivre tous ceux qui réalisent des documentaires présentant les mauvais côtés du pays.

5.Le 28 juillet 2011, le Président Michel Joseph Martelly a réalisé une visite à Jacmel. Lors de cette visite, ses agents de sécurité ont bousculé des journalistes qui se trouvaient sur les lieux et les ont expulsés de la salle où la conférence du Président devait être donnée.

6.Le 14 septembre 2011, une manifestation a été organisée par des membres de la population en vue de protester contre les actes de violation de droits humains commis par des agents de la MINUSTAH. Les journalistes David François de Canal 11 et Johanne Perette de Radio Télévision Scoop FM ont été brutalisés par des agents du Corps d'Intervention pour le Maintien de l'Ordre (CIMO).

7.Le 3 octobre 2011, le Président Michel Joseph Martelly a injurié le journaliste Germain Etienne qui travaille pour la station Scoop FM.

8.Le 28 décembre 2011, lors d’une visite du Président de la République à Cerca Carvajal, dans le département du Centre, un homme dans la foule brandissait une pancarte invitant la Presse à accorder une chance à Michel Joseph Martelly. Ravi, le Président, après lui avoir demandé de monter sur l'estrade le rejoindre, a affirmé à l'individu en question qu'il lui aurait donné sur le champ, cent mille (100.000) dollars américains s'il les avait sur lui. Cependant, en récompense, il lui a octroyé une motocyclette.

9.Le 3 février 2012, à l'Aéroport International Toussaint Louverture, le Président de la République qui se rendait au Venezuela a donné une conférence de presse. Au cours de cette conférence, il a injurié le journaliste Eddy Jackson Alexis parce qu'il était fâché de la question relative à sa nationalité qui lui a été posée par ce dernier.

10.Dans la nuit du 16 au 17 mars 2012, Windy Phele, journaliste correspondant de Radio-Télé Zenith et chroniqueur sportif à Radio Péralte F.M. de Thomonde, a reçu de Jean Robert Vorbe, agent de sécurité du Maire de Thomonde, Jean Souverne Delva, trois (3) balles dont une (1) à l’avant-bras et les deux (2) autres, au niveau de la cage thoracique. Il a été laissé pour mort sur les lieux d'agression. Le 7 octobre 2013, la victime, sujette à des menaces à répétition, a été obligée de laisser le pays.

11.Le 9 février 2013, au Cap-Haïtien, des journalistes travaillant pour le compte de Radio Télé Caraïbes FM ont été chassées du Palais Sans-souci, alors qu’ils assuraient la retransmission du bal des rois et des reines à la veille du carnaval national.

12.Le 12 février 2013, deux (2) journalistes de Radio RFM, Wadson Phanor et Etzer César, ont été victimes des actes de bastonnade de la part des policiers affectés à l’Unité de Sécurité Générale du Palais National (USGPN) alors qu’couvraient les festivités carnavalesques au Cap-Haïtien.

 13.le 19 mars 2013, Lafontaine Orvild et Evens Louis, deux (2) journalistes de Médialternatif ont été agressés à Savanette par un employé de World Vision.

14.Le 1er mai 2013, plusieurs journalistes ont été victimes d'actes de brutalité perpétrés par deux (2) agents de la PNH basés au Commissariat des Gonaïves.

 15.le 8 mai 2013, une équipe de reportage de Radio Télé Ginen a été agressée à Port-au-Prince par des manifestants proches de l'ancien Président Jean Bertrand Aristide.

 16.Le 17 mai 2013, le journaliste de Radio Kiskeya Pierre Richard Alexandre, basé à Saint Marc, a été grièvement blessé par balles. Conduit d'urgence à l'hôpital, il est décédé dans la nuit du 19 au 20 mai 2013 des suites de ses blessures.

 17.Le 4 juin 2013, lors de la convocation du Premier Ministre Laurent Salvador Lamothe par devant le Sénat de la République, des journalistes accrédités au Parlement Haïtien dont Féguens Canez Paul de Télé Star ont été victimes d'actes d’agressions physiques par des agents de sécurité du Parlement.

 18. A Port-au-Prince le 4 sept 2013 deux (2) photographes Cherry Dieu-Nalo et Jean Jacques Augustin de Associated Press (AP), ainsi que Amelie Baron, de Radio France Internationale (RFI) en Haïti ont été interdits d’entrée au Palais National.

 

19.Le 13 septembre 2013 la journaliste vedette de Radio Kiskeya Liliane Pierre Paul a reçu du Doyen Raymond Jean Michel une ordonnance mise au bas d'une requête, exigeant la remise au Magistrat Lamarre Bélizaire de la résolution du Barreau de Port-au-Prince, sanctionnant ce dernier pour dix (10) ans, à partir de la fin de son mandat à titre de Juge et Juge d'Instruction.

 20.Le 1er octobre 2013, le Président de la République a organisé une activité de distribution de kits scolaires aux élèves de l'Ecole Nationale République des Etats-Unis d'Amérique, située à Port-au-Prince. Deux (2) policiers attachés à la sécurité du Président de la République savoir Denis Edouard et Jonathan Nestor, ont frappé le Journaliste Rodrigue Lalane de Radio Télévision Kiskeya, alors que ce dernier était dans l’exercice de ses fonctions. Le dossier a été transféré au Cabinet du Juge d'Instruction Jean Wilner Morin. Des mandats d’amener ont été émis contre ces policiers. Cependant, la PNH refuse catégoriquement d’exécuter lesdits

 21.Le 25 septembre 2013, au Lycée National de Mirebalais, l'épouse du Chef de l'Etat, Sophia Martelly organisait une distribution de produits alimentaires aux familles démunies. Trois (3) journalistes, Rodrigue Tiro de Radio Caraïbes, Rémy Joseph de Radio Métropole et Mazarin Robenson de Radio Télé Lumière ont été agressés par des agents de sécurité de la Première Dame. Le magnétophone de Mazarin Robinson a été saisi. De plus, ce dernier a été soumis par les agents de la PNH à un interrogatoire. Le lendemain, soit le 26 septembre 2013, au cours de l'émission Puissant Tropical Grands Débats qui passe sur les ondes de Radio Puissance F.M., de 7 heures à 9 heures du soir, le vice-délégué Frédéric Occéant, après avoir banalisé l'incident du 25 septembre 2013, a affirmé que les journalistes qui ont été agressés par les agents de sécurité de la Première Dame sont ceux-là même qui Å“uvrent à la déstabilisation du pouvoir en place.

 22.Le 7 octobre 2013, à Port-au-Prince, sept (7) journalistes ont été chassés par des agents de sécurité de Joseph Michel Martelly à l’occasion de la reprise des travaux judiciaires à l’Ecole Nationale de la Magistrature. Ces journalistes qui travaillent pour Radio Vision 2000, Caraïbes FM, Métropole, Radio Timoun, RCH 2000 ont été filmés par ces agents non identifiés.

 23.Le 7 novembre 2013, Lesly Dorcin, un journaliste de Radio Signal FM a été agressé par un agent de la PNH parce qu'il venait de prendre l'agent en photo alors que ce dernier procédait à l'arrestation d'une personne. Offusqué, le policier encagoulé, monté à bord d'un véhicule de la PNH immatriculé 1 - 280, a intimé au journaliste l'ordre de lui rendre sa caméra. Ce dernier ayant refusé, le policier la lui a enlevée de force et l'a brisée.

 24. De 2011 à 2013, le Conseil National des Télécommunications d’Haïti (CONATEL) a décidé arbitrairement la fermeture de cinquante (50) stations de Radio communautaires et de Télévision à travers tout le pays. Les motifs soulevés sont entre autres, que ces stations de radio et de télévision ne respectaient pas les conditions de fonctionnement. A titre d'exemple, le 21 mars 2013, le CONATEL a procédé à la fermeture de sept (7) stations de radio et de trois (3) stations de Télévision à Hinche. Il s'agit de Radio Super Continentale, de Prince F.M., de Radio Africa, de Radio Centre Inter, de Radio Télé Quotidien, de Radio Tele Men F.M., et de la Station Télé Leve Kanpe. De plus, au cours du mois d'août 2013, les responsables du Bureau Régional de l'Artibonite du CONATEL ont fermé sept (7) stations de radio, savoir : Radio Intrépide, Radio Etincelles, Radio Sensation, Radio Mélomane, Radio Tambou, Radio Télévision Vitamine et Radio Mégamax.

 

IV.        Agressions contre la population haïtienne lors des manifestations

 A côté des tentatives intensifiées chaque jour, de museler la presse, il y a aussi une volonté de ravir au peuple haïtien son droit aux manifestations publiques, obligatoire à la jouissance de la liberté d'expression.

 En effet, au cours des deux (2) dernières années notamment, plusieurs manifestations ont été réalisées par des membres de la population pour dénoncer, entre autres, les conditions générales de vie exécrables dans lesquelles ils pataugent. Si au début, ces manifestations étaient supportées, aujourd'hui, elles se soldent par des attaques systématiques, perpétrées par les agents de la PNH, s'apparentant à une forme accrue d'oppression. Les exemples suivants en sont la preuve :

 1.Le 30 septembre 2012, alors que le Président de la République Michel Joseph Martelly était à l'étranger, plusieurs individus ont manifesté dans les rues pour célébrer le coup d'état du 30 septembre 1991. Le lendemain, soit le 1er octobre 2012, le Président est revenu au pays. Il avait déjà passé les instructions pour la réalisation d'une contre-manifestation en vue de donner une réponse proportionnée à la manifestation de la veille. Les manifestants l'ont accueilli à l'Aéroport International Toussaint Louverture et l'ont accompagné au Palais National, contre la promesse de mille (1000) gourdes. Arrivés devant le Palais National, les manifestants qui réclamaient leur dû ont été molestés et bombardés de gaz lacrymogène par des agents de la Police Nationale d'Haïti (PNH).

 2.Au cours de l'année 2012, le gouvernement Martelly - Lamothe a poursuivi la construction de différents tronçons de route, dont celui reliant le département du Sud au département de la Grand'Anse, déjà entamé sous le Gouvernement Préval - Bellerive. Les travaux allaient bon train lorsque brusquement ils ont été arrêtés. Alors, des riverains se sont insurgés contre cet arrêt de travail et se sont mis à organiser plusieurs manifestations de protestation. Le 30 novembre 2012, lors d'une de ces manifestations, des agents de la PNH sont intervenus brutalement en tirant à hauteur d'hommes et en lançant des tubes de gaz lacrymogène. Wilber Bien-Aime a perdu la vie.

3.Le 13 juillet 2013, le Juge Jean Serge Joseph qui était chargé de l'instruction du dossier de corruption, contre l'épouse du Président de la République, Sophia Martelly et son fils ainé, Olivier Martelly, a perdu la vie de manière suspecte. A l'Estère, dans le département de l'Artibonite, ville d'origine du Magistrat, plusieurs citoyens se sont prononcés autour de ce décès. Le 16 juillet 2013, ils ont décidé de réaliser une manifestation. Les agents de la PNH sont intervenus avec une grande brutalité. Le bilan est: Une personne est décédée. Il s'agit de Rolcy Amétus. Plusieurs autres personnes ont été gravement blessées dont Robenson Conserve, Marcel Joseph, Clerson Cenoble et Ti Blanc ainsi connu. Des riverains, dont au moins quinze (15) enfants en bas âge ont été indisposés par la profusion de gaz lacrymogène, lancé par les agents de la PNH et ont été admis à l'Hôpital de l'Estère.

4.Le 12 septembre 2013, Evinx Daniel, connu dans le département du Sud comme étant un narcotrafiquant influent, a été arrêté pour trafic illicite de stupéfiants. Son dossier a été transféré au Cabinet d'Instruction le lendemain, soit le 13 septembre 2013. A la stupeur générale, ce même jour, le porte-parole adjoint de la Police Nationale d'Haïti (PNH), l'Inspecteur Garry Desrosiers, a donné une conférence de presse dans laquelle, outrepassant ses limites, il s'est excusé de l'arrestation de Evinx Daniel. Il a aussi affirmé qu'au contraire, Evinx Daniel devait être félicité parce qu'en récupérant une cargaison de drogue sur la mer, il a rendu service à la communauté, en épargnant la vie des jeunes.

 5.Le 30 septembre 2013, une manifestation a été organisée à Port-au-Prince en vue de commémorer l'anniversaire du coup d'état du 30 septembre 1991. Des agents de la PNH sont intervenus avec brutalité et ont lancé des tubes de gaz lacrymogène à profusion sur les manifestants.

 6.Le 13 octobre 2013, le journaliste Jean Monard Métellus se trouvait sur la route nationale # 1 lorsque les boulons de ses pneumatiques ont lâché en même temps, alors qu'il conduisait. Le 21 octobre 2013, le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique a fait sortir une note de presse dans laquelle il affirme que la vie du journaliste est en réel danger. En solidarité, des membres d'organisations de droits humains, des confrères de la presse et des membres de l'opposition politique ont organisé, le 25 octobre 2013, un sit-in devant les locaux de la Radio Télévision Caraïbes. Tout se passait très bien lorsque brusquement, les agents de la PNH ont décidé de lancer du gaz lacrymogène, tout simplement parce que les manifestants se sont mis à lancer des propos hostiles au gouvernement Martelly - Lamothe.

7.Le 6 novembre 2013, une lettre de notification de la réalisation d'une manifestation devant se tenir le 18 novembre 2013, au Cap-Haïtien, sous la direction du Kolektif Pou Libere Ayiti et de Baz Popilè Nò, regroupées autour du Mouvement Patriotique de l'Opposition Démocratique (MOPOD), a été adressée à la Police Nationale d'Haïti (PNH). Dans une lettre responsive, la Direction Départementale de la PNH a indiqué aux signataires de la lettre du 6 novembre 2013, qu'elle ne disposait pas des ressources suffisantes pour assurer la sécurité des manifestants, en raison des activités officielles prévues à la même date, dans le département du Nord.

 

Les organisateurs de la manifestation, considérant que les motifs de cette lettre n'étaient pas acceptables, ont décidé de réaliser quand même cette manifestation, à la date prévue, et l'ont fait savoir aux agents de la PNH.

 

Ainsi, le 18 novembre 2013, tôt dans la matinée, des agents se sont postés au lieu de rassemblement et ont tué dans l'œuf la manifestation, à coups de bonbonnes de gaz lacrymogène et de tirs alimentés d'armes automatiques. Norvilien ainsi connu, un jeune homme d'une vingtaine d'années, a été blessé par balle, au pied. Plusieurs enfants dont au moins un bébé de trois (3) mois, indisposés par le gaz lacrymogène, ont été emmenés d'urgence à l'Hôpital Justinien du Cap-Haïtien et dans d'autres centres de santé de la ville.

Ce jour-là, cependant, une contre-manifestation spontanée a été réalisée au Cap-Haïtien par l'Exécutif lui-même et sécurisée du début à la fin, par la PNH.

 

De plus, dans la soirée du 18 novembre 2013, la PNH a procédé au Cap-Haïtien, à l’arrestation de plusieurs individus qui se trouvaient dans les rues, pour trouble à l'ordre public, destruction de pont et jets de pierre et de bouteilles. Ils ont aussi intimé l'ordre à certains autres de rentrer chez eux, sous peine d'être aux aussi arrêtés.

 8.A Jacmel, dans la soirée du 17 novembre 2012, un enfant de trois (3) ans, Jorym Sam Etienne a été enlevé. Son oncle, Jean Marie Patrick Etienne qui tentait de le défendre le soir de l'enlèvement, a été assassiné par balles par ses ravisseurs. Deux (2) femmes qui se trouvaient dans la maison au moment de l’enlèvement ont été violées. Jorym Sam Etienne a été remis à ses parents, dans la nuit du 21 au 22 novembre 2013, après le versement d'une forte rançon. Le dossier a été transféré à la Juge d'Instruction près le Tribunal de Première Instance de Jacmel, Immacula Janice Bazile. Dix-huit (18) personnes ont été arrêtées et écrouées à la prison de Jacmel, dans le cadre de ce dossier. Le 16 novembre 2013, la Juge d'Instruction, Immacula Janice Bazile a rendu son ordonnance de clôture dans laquelle elle a ordonné la libération de quatre (4) des présumés kidnappeurs, savoir Ludmilla Occcident, Aliana Noncent, Pierre Donald et Saintus Philippe. Un mouvement de protestation a été organisé les 18, 19 et 20 novembre 2013. Les agents de la PNH sont intervenus avec férocité et ont lancé des tubes de gaz lacrymogène, éparpillant la population.

 

  1. V.Réponses Etatiques

Les autorités étatiques semblent vouloir donner aux agents de la PNH, principaux agresseurs des journalistes et de la population, le cadre légal de protection pour s'adonner librement à leurs exactions. En effet, le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique a publié, en octobre 2013, une circulaire selon laquelle, les poursuites judiciaires contre les agents de la PNH doivent lui être soumises avant tout suivi. Cette circulaire, qui enlève à la PNH son caractère de police civile, renforce les agents de la PNH dans leurs exactions, politisant ainsi l'institution policière.

 De plus, les responsables de juridiction de jugement semblent s'être donné le mot pour ne pas accorder d'importance aux plaintes déposées contre les agents de la PNH.

 Par ailleurs, le RNDDH a appris que les autorités étatiques s'adonnent à une chasse aux sorcières dans les administrations publiques, contre tous ceux qui ont décidé de participer à des manifestations antigouvernementales ou qui entretiendraient une quelconque forme de relation avec les membres de l'opposition politique. A titre d'exemple, l'Officier d'Etat Civil, Charliénor Thomson, affecté à l'Office de l'Etat Civil de Saint-Marc, a prêté serment le 24 mars 2011. En date du 27 novembre 2013, il a reçu une lettre de mise en disponibilité pour enquêtes, signée par le Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique, Me Jean Renel Sanon. Selon des membres proches du Pouvoir, il aurait été mis en disponibilité parce qu'il s'adonne à des activités antigouvernementales et appuie les manifestations.

VI.        Commentaires et Recommandations

Les cas pris en exemple dans le cadre de ce rapport démontrent que la répression à l'encontre des journalistes, des travailleurs de la presse et de la population, s'est au cours de ces dernières années, systématisée. Cette répression est la preuve manifeste de la volonté des autorités étatiques de réduire au silence certains médias et la population haïtienne, aujourd'hui victime des pires conditions sociales, avec comme toile de fond, la misère, la cherté de la vie, l'inexistence d'un programme de protection sociale etc. Contrairement aux résultats escomptés, cette situation de misère est exacerbée par les propagandes du gouvernement qui annonce des chiffres faramineux de bénéficiaires des projets de la présidence alors que la population croupit dans la misère.

En agressant au vu et au su de tous, les journalistes et les membres de la population, les autorités étatiques foulent au pied les libertés d'expression, de réunion et d'association de la population en général, nient le droit à la population à l'information et affichent une énorme intolérance et une grande hostilité vis à vis des opposants au pouvoir. Aujourd'hui, le gouvernement Martelly - Lamothe a choisi sciemment de mettre en péril des acquis démocratiques, chers au peuple haïtien et d'œuvrer pour la censure de la presse, l'oppression de la population et la négation des droits humains.

 Le fait par les autorités politiques de consolider ces attaques perpétrées par les agents de la PNH et par les partisans et sympathisants du Président Martelly, a des conséquences graves sur la démocratie. A date, au moins un (1) journaliste a dû quitter le pays pour échapper aux menaces dont il est l'objet en dépit du fait qu'il a été lui même victime d'une tentative d'assassinat.

 De plus, les agents de la PNH se comportent comme de véritables activistes politiques qui, pour peu que les membres de la population lancent des slogans hostiles au gouvernement Martelly - Lamothe, se mettent de manière systématique, à attaquer les participants aux manifestations. La PNH, malgré les appels réitérés des organisations de la société en général et du RNDDH en particulier, est aujourd'hui une force de police au service du gouvernement.

A l'occasion des soixante cinq (65) ans de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, le RNDDH proteste de la manière la plus virulente, contre ces agressions en série perpétrées au préjudice de la presse et de la population. Un retour à l'arbitraire n'est plus possible pour le pays. Les relations entre les détenteurs du pouvoir et la population civile doivent se baser sur le respect mutuel, le respect des valeurs et principes de droits humains.  

 Fort de tout ce qui précède, le RNDDH recommande aux autorités étatiques de :

  • Cesser immédiatement les menaces, les attaques et les intimidations contre la Presse ;
  • Respecter le droit à l'information de la population ;
  • Porter les agents de la PNH à intervenir, dans les limites de leurs fonctions, lors de la sécurisation des manifestations ;
  • Former les agents de la PNH sur les droits humains en général et les libertés publiques en particulier;
  • Porter l'Inspection Générale de la PNH à sanctionner les agents fautifs et à transmettre aux autorités judiciaires, leurs dossiers, pour être jugés conformément à la Loi.  

 RNDDH

 

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