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Compte rendu du film " Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu? "

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Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu?

Film français réalisé par Philippe de Chauveron

Genre comédie, sorti en 2014.

Par Hugues Saint-Fort --- Je n'étais pas retourné à Paris depuis l'été 2011. En fait, j'y retourne tous les deux ans mais l'année dernière j'ai dû rester à New York pour terminer une recherche. C'est donc avec une grande joie que j'ai repris au début du mois de juillet dernier mon voyage bisannuel. Deux de mes anciens copains de mes années d'étudiant sont passés me prendre à mon hôtel du 6ème pour une salle Gaumont, comme nous le faisions au bon vieux temps.

Je n'ai pas regretté d'être allé voir le film « Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? ». Mes copains qui l'avaient déjà vu m'avaient prévenu : « tu vas aimer, c'est à mourir de rire ! » En effet, Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? est une fiction totalement délirante qui raconte l'histoire d'un couple, Claude Verneuil et sa femme Marie, issu de la grande bourgeoisie provinciale française pure souche, catholique pratiquant, dont les trois filles ont épousé des jeunes Français issus de l'immigration et de religions différentes : l'un, Rachid, est un avocat arabo-musulman, un autre, David, est un juif séfarade, le troisième est un jeune entrepreneur chinois, Chao Ling. L'intégration de ces trois fils d'immigrés dans cette famille bourgeoise provinciale française donne lieu à des échanges costauds entre le père Claude Verneuil et chacun de ces jeunes au grand dam de leurs épouses et de leur mère Marie qui fait tout pour rappeler à l'ordre son mari qui profère les clichés ethniques les plus vigoureux à l'égard de ses gendres. Aucun de ces groupes ethniques n'est épargné, mais les sarcasmes et les stéréotypes sont dilués dans l'humour intelligent du dialoguiste. A un diner familial où les trois couples avec leurs gosses sont invités, les parents n'en croient pas leurs oreilles lorsqu'ils entendent leurs gendres chanter fièrement et respectueusement La Marseillaise. Cette scène peut être considérée comme l'une des plus révélatrices du « tournant sociologique » accompli par un grand nombre de membres de la deuxième génération dans leur rapport identitaire avec la société d'accueil de leurs parents. On est ici au cœur de la fameuse question des alliances race et classe.

La lecture des rapports race et classe dans la société française d'aujourd'hui s'enflamme avec l'introduction par le réalisateur Philippe de Chauveron, de la petite dernière des quatre filles, Laure, que Claude Verneuil voudrait marier avec un jeune Blanc de « bonne famille ». Malheureusement pour lui, Laure est tombée amoureuse, au cours de ses années d'études à Paris, d'un jeune Africain artiste, Charles, d'origine ivoirienne. Quand les parents de Laure font la connaissance des parents de Charles, ils découvrent leur propre réplique. En effet, le père de Charles, un militaire retraité, rigide et quelque peu menaçant, affiche brutalement son racisme anti-blanc qu'il explique par la conscience du pillage des matières premières du continent africain commis par les colonisateurs français et son propre nationalisme à fleur de peau.

Cette deuxième partie du film apparait comme beaucoup plus dramatique que la première : le jeu des acteurs jouant le rôle des deux pères se montre parfois d'un réalisme cru et vigoureux ; leurs réparties dépassent de loin l'humour plus ou moins feutré qui caractérisait les dialogues jusque-là.

Tout s'arrange finalement entre les deux pères qui, somme toute, partagent plusieurs points en commun : le racisme, le mépris des étrangers et du communisme, une autorité familiale de façade. Le film se termine avec la réconciliation dans des conditions dramatiques de Claude Verneuil et d'André Koffi, le père de Charles ; le mariage de Laure et Charles, et une immense partie de Zumba pour célébrer ce mariage qui a failli échouer. Malgré l'abondance des clichés et des stéréotypes sur le racisme et l'antisémitisme, le film Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? n'est jamais méchant. Il est douteux que mes lecteurs des Etats-Unis et d'Haïti pourront voir ce film (le marché américain du cinéma est très restrictif, et il n'existe plus de salles de cinéma en Haïti), mais pour vous qui vivez en France et qui ne l'avez pas encore vu, vous êtes impardonnables !

Hugues Saint-Fort *
Paris, juillet 2014