Culture & Société

Hommage à Jean-Marie Gabriel « Quand il est mort le poète... le monde entier pleurait « par Norluck Dorange

Lui et moi, étions formés à la même école. Nos profs nous inculquaient que le langue française est un tribut de guerre. Lui, un ainé du conservatoire d'Art Dramatique. Moi, d'abord à l'Atelier Théâtre de Gérard Armand Joseph. On nous faisait répéter, souffler les mêmes débits, les mots de Aznavour, de Bécaud et surtout de Brassens. L'art, oui l'art. Nous étions pris au piège de la hiérarchisation des cultures. La culture pour nos ainés et pour nous, c'était la Frrrrance.

On rêvait d'aller marcher sur les Champs Elysées, tellement on imitait Joe Dassin. On voulait marcher sur le pont Mirabeau pour voir couler la Seine, tellement on répétait les mots de Rimbaud. Ma voix faisait mieux Dassin. Lui, sa voix d'un whisky sec rimait mieux le son de Bécaud. L'important c'est la Rose lui arracha un samedi après-midi culturel, les chauds applaudissements de notre groupe. Nous étions des oeufs français. Nos vieux "négriers" de profs avait kidnappé nos âmes africaines au profiit de la France coloniale et braconnière.

Mais, le rêve ne dura pas toujours. 86, tout s'arrêta avec l'effondrement du Centre Dramatique Franco-Haitien de Jean Pierre Bernay et de Jennie Legnel. Oui, nous étions devant le choix de nos vrais destins. Il prit le nom de "fou" à Tropic FM, en remplaçant un autre "fou" qui partit pour l'exil en 93. Il rejoignait cette équipe-choc emmenée par un Georges Lys Hérard, dans Tropic Matin. La radio, la publicité, les feuilletons télévisés, l'agent de sécurité au consulat américian à la rue O. Durand... il a tout fait dans sa vie pour rester un homme digne, qui semble n'avoir perdu aucun de ses amis en s'arrageant pour ne jamais être les amis d'hier devenus des ennemis.

Moi, c'est moi. Lui, c'est Jean Marie Gabriel. Son unique grimace, il l'a fait à la vie, quand son âme voulut vraiment le quitter hier. Mais, Jean Marie est rentré dans la légende, comme l'homme dont le sourire a toujours habité sur son visage pour ne jamais le quitter. Je me souviens qu'un samedi, il voulait récidiver son succès avec le public du Club de GAJ, en imitant Bécaud encore une fois. "Quand il est mort le poète... le monde entier pleurait. N'est-ce pas que les Haitiens te pleurent aujourd'hui.

Norluck Dorange
Photo: Emission Pi lwen ke zye