Culture & Société
Quand un jeune réinvente les conditions de transport à Pestel…
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- Publié le mardi 17 février 2015 01:26
Par Pierre Negaud DUPENOR ---- Voyager à l’intérieur d’Haïti peut s’avérer être très ardu. Le manque d’infrastructures routières amplifie l’étanchéité du cloisonnement entre les différentes régions du pays. Dès lors, il devient extrêmement compliquer de visiter certaines zones rurales tant le coût du transport peut être pharaonique. Les régions les plus excentrées et difficiles d’accès en sont les principales victimes.
Pestel, commune du département de la Grand’ Anse d’environ 40 000 habitants, se trouve à près de 70 kilomètres de la ville des Cayes et à 75 kilomètres de la ville de Jérémie. Un trajet Pestel - Port-au-Prince ou Port-au-Prince - Pestel, en voiture de location, coûte environ $ 200 dollars USD, et 550 gourdes en transport public, ce qui est loin d’être négligeable pour les petites bourses. Bien que située non loin des villes des Cayes et de Jérémie, les habitants de Pestel sont dans la difficulté de voyager à volonté dans les villes proches pour réaliser leurs transactions bancaires et leurs démarches administratives, et s’approvisionner en articles de tout genre. Trois fois par semaine, un bus assure le trajet Pestel - Cayes - Port-au-Prince. En dehors de ces trois jours, il faut payer environ 1 500 gourdes la course de mototaxi pour se rendre aux Cayes. En cas d’urgence, de maladie ou de décès par exemple, le coût de transport de location peut atteindre des proportions invraisemblables.
Écœuré par cette situation, Josué Bazile, jeune agronome originaire de Pestel, a décidé d’en venir à bout. Ce Pestelois, de cœur et d’âme, ne pouvant plus supporter cet état de fait, a mis en place une initiative, appelée AgroTrans, permettant de résorber le problème du trajet Pestel-Cayes, en investissant dans une Toyota tout terrain, jamais encore utilisée en Haïti dans le transport en commun, assurant quotidiennement ledit trajet. Cette initiative permet de résoudre un problème aux dimensions multiples dans la commune de Pestel, a indiqué M. Bazile, tout en précisant que sa démarche s’inscrit dans une logique d’entreprenariat social, c’est-à -dire, que son but ultime n’est pas fondamentalement lucratif, sinon de donner réponse à un problème majeur que confronte la communauté de Pestel.
Si ce jeune trentenaire, instigateur d’une telle initiative, s’est octroyé un satisfecit pour sa contribution à la résolution d’un problème de fond dans sa communauté, cette dernière n’en est pas moins émerveillée par l’arrivée de ce nouveau moyen de transport en commun qui vient révolutionner leurs modes et conditions de voyage. M. Joseph François Bernard, riverain du Centre-ville de Pestel, en témoigne en signalant que AgroTrans a solutionné un problème de taille auquel la ville de Pestel faisait face depuis la nuit des temps. Ce genre d’initiatives, souligne-t-il, devrait se généraliser à l’échelle du pays, pour faciliter le transport des vies et des biens, et dynamiser les échanges économiques. M. Ary Thomas, Juge de la commune de Pestel, a pour sa part trouvé louable une telle action qui améliore les conditions de voyage des Pestelois en rendant le transport Pestel - Cayes accessible quotidiennement. Aussi, invite-t-il la population de Pestel à valoriser cet acquis et contribuer à le maintenir toujours en état de bien desservir la communauté.
M. Bazile, détenteur d’un DESS en développement communautaire à l’Université Bolivarienne de Vénézuela, a signalé n’avoir reçu aucun financement pour la mise en place d’un tel dispositif de transport dans la commune de Pestel. Il dit ne pas être un résigné-réclamant, pour répéter l’éminent économiste Jacques Attali, qu’il est dévoué et engagé dans la transformation des conditions d’existence de son entourage, sans attendre l’aide de l’État ou des ONG. En effet, cette Toyota Land Cruiser ne fait pas qu’assurer le trajet Pestel-Cayes, sinon sert aussi d’ambulance pour la population en cas de maladie et de décès, sachant que la commune de Pestel ne dispose pas de service ambulancier.
Face à l’assistanat et l’attitude attentiste qui sévit en Haïti depuis ces dernières années, M. Bazile, avec cette expérience réalisée dans la commune de Pestel, est plus que jamais convaincu que des jeunes comme lui peuvent transformer les conditions d’existence de leur communauté par la prise d’initiative innovante, peu coûteuse. Selon lui, la presse doit contribuer dans cette démarche, en diffusant ces réalisations, en les valorisant dans l’opinion publique, afin d’encourager les jeunes du pays à se prendre en charge, développer leur potentiel et transformer les conditions de vie de leur environnement immédiat.
Par ailleurs, M. Bazile invite les jeunes du pays, notamment les étudiants universitaires, à investiguer et diagnostiquer les problèmes de leur communauté, trouver des solutions pratiques, sans nécessairement attendre l’intervention d’un État aussi faible comme le nôtre. Il n’a pas manqué de mettre l’accent sur les retombées tant sociales qu’économiques de son initiale. En un mois, AgroTrans, a déjà transporté 1 000 passagers, et dans des conditions respectueuses de leur dignité humaine. Sans mentionner que cette initiative est créatrice d’emploi stable. Elle dynamise les échanges entre les habitants de Pestel et ceux des villes proches et optimise le temps pour les démarches administratives.
M. Bazile entend inviter les jeunes haïtiens à s’identifier, développer leur sentiment d’appartenance à leur communauté, et agir sur les problèmes structurels et/ou infrastructurels qu’elle confronte, afin d’aider au changement durable de celle-ci. Car, conclue-t-il, en résorbant les problèmes de ma communauté, ma condition de vie en résultera nécessairement améliorée, et le contraire est aussi vrai.
Pierre Negaud DUPENOR
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Agronome Josué Bazile
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