Culture & Société

Papa Pierre: rire éclatant, soupir écœurant

L’art a fait de son âme un piteux regret en Haïti. Chanteur, blagueur, comédien, peintre et danseur ont souvent connu une fin minable. Ils sont nombreux les artistes haïtiens qui n’ont que le soupirail de la gloire éphémère pour l’aération de leur existence. Funérailles à la collecte, hommage douloureux, enterrement à la manding*, onction sacerdotale sont les réalités de la brume de leur vie. Rodney Gracia a expiré d’une balle au volant d’un taxi dans le Connecticut; les restes de Hérold Christophe sont gardés à la salaison, durant plus de deux mois, à Boston; Ti-Bateau est mort dans le plus grand joujou ; le cadavre de Roger Colas est profané au sol pendant des heures et Black Alex a dû compter sur des amis pour les soins médicaux avant son trépas.

Papa Pierre vient d’alourdir ce triste bilan d’artistes aux crépuscules saumâtres. Celui qui a offert le rire pendant toute sa vie, n’est pas mort avec le moindre sourire. Il vit aux USA pendant des décennies; il a déménagé, plus d’une douzaine de fois, dans des comtés et états différents. À New York, il vivait à Brooklyn et à Queens; en Floride, il s’est déplacé à Delray Beach, West Palm Beach, Miami et à Orlando et à Maryland, il a vécu dans multiple comtés. Et, cette vie de nomade est due à la quête d’une stabilité quasiment utopique.

Papa Pierre, de son vrai nom Jean-Claude Joseph, a fait en vain la côte de la destinée. Au soir de sa vie, il est cloué sur le lit d’hôpital sans personne à son chevet, tandis qu’il a souffert de l’asthme et du diabète. Il a rendu l’âme dans la solitude et la tristesse, le mercredi 18 octobre 2017, à l’aube, à l’âge de 66 ans.

Cet homme qui a marqué la culture haïtienne par son talent n’a pas rendu son dernier soupir dans le calme. Un horrible comma a été précédé d’une série de scènes d’anxiété et de chagrin. Tout une crise de dégoûts avait devancé ses derniers jours sur la terre.

Papa Pierre fut né à Port-au-Prince, le 2 août 1951; il s’est fait un nom dans le théâtre de 1977 à 1986.

Bonne traversée Papa Pierre !

Le manding*=est une tribu africaine présente encore à Ballant, Plaine-du-Nord ; le manding n’enterre jamais ses semblables dans un cercueil. Il enveloppe le cadavre dans un suaire avant l’inhumation.

Jean-Rony Monestime André
Email :  Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
BS en Médecine Nucléaire; BA en Conn. Générales
MHA-Master en Healthcare; Doctorant en Sciences de la Santé
Adjunct Professeur à Seton Hall University, New Jersey, USA

LES DERNIERES NOUVELLES