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Haïti et Rep Dominicaine La traite et « l’esclavage déguisé » Une responsabilité partagée dans le crime (3 de 3)

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Par Leslie Péan, 16 octobre 2013  ---  Cet article comporte trois parties. Les deux premières traitent des responsabilités dominicaines dans la crise actuelle qui affecte théoriquement tous les Dominicains d’origine étrangère, mais en réalité seulement ceux d’origine haïtienne. La troisième met à nu les responsabilités haïtiennes dans la perpétuation des causes profondes de l’exode haïtien et de l’image peu reluisante que les étrangers se font en général du pays et de l’Haïtien.

 La dérive populiste de droite qui a succédé à celle de gauche en Haïti continue d’être le fossoyeur des valeurs. Le pays est engagé dans une aventure sordide dont les conséquences sont la perversion et le gâchis. Le traitement de malheur fait aux immigrants haïtiens en République Dominicaine et à leur progéniture s’inscrit dans une longue filiation. L’incapacité des élites haïtiennes à développer leur propre pays a conduit la population haïtienne à s’expatrier pour survivre. D’abord à Cuba à partir de 1911, puis en République Dominicaine à partir de 1915. Entre 30 000 et 40 000 travailleurs haïtiens se rendirent chaque année à Cuba entre 1913 et 1931.

 Les facteurs d’incitation et d’attraction

En République Dominicaine, les recensements identifient 8 528 Haïtiens en 1920 et 52 567 en 1935 qui sont allés travailler dans les compagnies sucrières américaines. En effet, les Etats-Unis qui ont occupé Haïti et République Dominicaine entre 1915 et 1924 ont mené une politique migratoire de main d’œuvre leur permettant d’augmenter le rendement de leurs capitaux. Les investisseurs américains ont profité de la dysfonctionalité régnante en Haïti pour y trouver réponse à la demande de main d’œuvre générée par leurs investissements dans l’agriculture dominicaine[i]. Sous le gouvernement de Vincent, c’est la sœur du président, Résia Vincent et un certain Luders[ii] qui débordent d’imagination pour créer les réseaux de recrutement des travailleurs haïtiens pour les firmes américaines ayant investi plus de 50 millions de dollars dans le secteur du sucre dans le pays voisin.

Le massacre de 1937 de milliers d’Haïtiens n’a pas mis fin au commerce des braceros (coupeurs de canne). D’ailleurs, les élites politiques haïtiennes en profitent. Elles acceptent de recevoir en compensation le prix dérisoire de $30 par tête, prix inférieur alors à celui d’un mulet. Dans une correspondance au consulat de Belladère en date du 23 janvier 1938, le chancelier dominicain Ortega Frier indiquait que le prix d’un mulet était alors de 30 dollars américains[iii]. En voulant s’accaparer du pactole pour le répartir entre eux, les dirigeants haïtiens ont même diminué le montant total de 750 000 à 525 000 dollars au détriment des victimes du massacre. Des choses singulières qui continuent sous le gouvernement de Lescot avec Oswald Brandt devenu le recruteur principal des braceros haïtiens engagés pour travailler dans les champs de canne en République Dominicaine.

Depuis les gouvernements de Dartiguenave et de Borno, un certain imaginaire de l’Haïtien s’est construit chez les élites dominicaines. Les images stockées dans un coin de leur cerveau se sont encore détériorées après les odieuses tractations de Vincent lors du massacre des Haïtiens de 1937 suivies par les sombres manigances de Lescot, ambassadeur d’Haïti à Santo Domingo, à Washington et président d’Haïti. Comme le dit l’ambassadeur Jean Price Mars dans un Mémoire confidentiel envoyé au Président Estimé le 12 septembre 1947, « le recrutement de cette main d’œuvre avant 1941 avait été organisé dans notre pays parmi de hauts et grands fonctionnaires ; de grands et petits bourgeois et même parmi quelques échappés de la géhenne, les "viejos" qui, selon la formule légendaire, se sont constitués les vendeurs de leurs frères mal informés[iv]. Â»

Ces images négatives se sont renforcées même après que Lescot essaya en 1942 de remettre les choses au diapason en insistant que les braceros reviennent après la saison sucrière. Dans son message à la nation du 1er Janvier 1943, le président Lescot déclare :  Â«Nos rapports diplomatiques avec la République Dominicaine ont porté tout d’abord sur le prolongement des discussions entreprises l’année d’avant par le Gouvernement pour le rapatriement des quinze cents ouvriers agricoles haïtiens retenus dan le pays voisin, malgré les conditions contractuelles limitatives de leur embauchage.  Ceux-ci purent être rapatriés au nombre de 1191, aux frais de la Central Romana Corporation qui avait utilisé leurs services[v].» En effet, en possession du butin du pouvoir, Lescot tente de sortir de l’abîme dans lequel sa recherche absolue de la puissance l’a basculé.

Au fait, Lescot ne comprend pas la dynamique profonde des facteurs d’incitation et d’attraction associés à la migration haïtienne en territoire dominicain. Il pense reverdir des terres desséchées en publiant l’arrêté numéro 356 en date du 13 janvier 1944 déclarant : Â« Il est ouvert au Département des Relations Extérieures un crédit extraordinaire de 5 000 gourdes qui servira au rapatriement de ressortissants haïtiens se trouvant actuellement en République Dominicaine[vi].» L’arrêté numéro 557 du même genre est publié le 24 août 1945[vii]. Or justement, le rapatriement n’est pas à l’ordre du jour car « les patrons dominicains préfèrent les travailleurs haïtiens, non parce que celui-ci leur plait davantage, sinon parce que c’est une main d’œuvre spéciale qu’ils peuvent payer meilleur marché, à laquelle ils ne donnent pas les bénéfices socio-économiques que les lois accordent aux travailleurs, qu’elle est soumise et à laquelle il est impossible, pour des rasions de souveraineté, de s’organiser et lutter pour défendre ses intérêts[viii]. Â»

 La traite et  Â« l’esclavage déguisé Â»

 Le 1er février 1949, Jean Price Mars, ambassadeur d’Haïti en République Dominicaine, écrit la lettre suivante au président Dumarsais Estimé :

 Monsieur le Président

J’ai l’honneur de vous informer que le 17 janvier dernier, mon attention a été attirée sur le passage à Ciudad Trujillo, R.D. de deux camions chargés d’immigrants haïtiens. Je m’empressai de les rejoindre. Je questionnai l’un des chauffeurs qui m’apprit qu’il était propriétaire du camion et que ce fut accidentellement qu’à Jimani on lui a confié le « djob Â» d’amener les immigrants quelque part dans l’Est. Je causai avec quelques-uns des pauvres types empaquetés dans le camion. Deux ou trois étaient des « viejos Â» habitués à la vie des communautés haïtiennes en territoire dominicain. D’autres – le plus grand nombre – sales, décharnés, étriqués venaient pour la première fois dans ce pays. Il y avait des femmes et même des bébés – tous dans un état pitoyable. Ils m’apprirent qu’ils étaient originaires les uns de la plaine du Cul de Sac, les autres des régions montagneuses de la Forêt des Pins. Tous sont entrés clandestinement dans la République Dominicaine pour servir de péons dans les entreprises agricoles et industrielles de la région orientale.

Le présent Rapport est le 12ème que j’ai l’honneur d’adresser au Gouvernement sur ce pitoyable état de choses, si j’en réfère aux communications que j’ai envoyées soit directement à Votre Excellence soit à la Secrétairerie d’Etat des Relations Extérieures les 24 juillet, 7 Août, 11 et 12 Septembre, 20 octobre, 10 Novembre 1947, 6 Mars, 5 Mai, 12 Juillet, 27 Août, 20 Octobre 1948. Dans tous ces Rapports je me suis efforcé de démontrer que c’est nous qui avions un intérêt vital à faire cesser le scandale de l’immigration clandestine. J’en ai également indiqué les moyens et si après 21 mois de négociations, j’ai abouti à l’impasse signalée dans ma communication du 13 décembre 1948, j’ai le droit de dire que dans l’accomplissement d’une telle tâche particulièrement difficile, j’ai fait tout ce qui était possible pour justifier votre confiance et défendre les intérêts du peuple haïtien.

 Et maintenant, il convient aujourd’hui plus que jamais d’appliquer une vigilance infaillible sur les points de la frontière où s’exerce la traite. Le 5 mai 1948, j’ai relaté ce qui suit : «Il m’a été signalé qu’à 1 kilomètre environ avant d’atteindre l’agglomération de la Forêt des Pins, il existe un passage peu surveillé par les Agents haïtiens. Ce passage est situé au-delà d’un ravin au-dessous de l’autre versant de la montagne en direction de l’Est. De là on suit un sentier qui mène à la Borne frontière. Peu avant d’atteindre la Borne se trouve une cour où il y a deux maisonnettes. L’une d’entre elles est habitée par un individu qui favorise la traversée en territoire dominicain moyennant la paie de deux gourdes et demie. Le trafic est de bon rapport à certaines époques de l’année Â».

Et voici que Le Nouvelliste du 20 janvier 1949 a publié un articulet intitulé « Embauchage de nos paysans Â» et ainsi conçu : «Notre service d’information nous signale des cas répétés d’embauchages clandestins, dans la grande Plaine du Cul de Sac, de cultivateurs haïtiens qui sont conduits vers la frontière. A « Fonds Pite Â» dans les environs de « Glore Â», ils sont embauchés pour les travaux des Centrales Sucrières de l’autre coté des frontières. Le premier envoi a laissé Thomazeau le jeudi 13 janvier, jour de l’Epiphanie. Un second groupe suivait de près le samedi 15 janvier. Et depuis des cultivateurs de « Dallemand La montagne Â» dans les hauteurs de « Glore Â» utilisent le col dénommé « Lan Limite Â» pour gagner le territoire voisin... L’embaucheur semble être le sieur Luctèse Desravisnes, ex-chef de section de la première section de Thomazeau, révoqué dans les premiers jours de Janvier. Il était aidé d’un nommé Domingue, ex-garde impliqué dans l’affaire de la veuve Polien Dolémont. Le « rabatteur Â» le plus actif serait Mérilan Nodère, originaire de « Fonds Janvier Â» de la commune de Thomazeau. L’indignation de la population du bourg est telle que d’autres qui annonçaient pour très bientôt leur départ, ont différé la traversée, hésitent, espérant que la vigilance s’exerçant pour leur propre sécurité pourra diminuer quand même, et ils traverseront. Nous donnons l’éveil à qui de droit, pour une surveillance plus active des endroits où ces inconscients passent pour se rendre dans l’Etat voisin sans qu’ils soient couverts par le moindre engagement de leurs embaucheurs de les rapatrier, une fois terminée, la coupe saisonnière de l’autre côté de la frontière Â».             (le caractère gras est de nous)

Les indications données dans l’articulet et dans mes communications du 12 mai sont assez précises pour alerter la Police. Puisque ces faits se renouvellent tous les ans à une époque déterminée de l’année entre le 15 décembre et le 15 janvier, il me semble que la vigilance de la Police ne devrait pas être prise en défaut.

 Empêcher l’émigration clandestine au prix des châtiments drastiques contre les embaucheurs est désormais la seule façon que nous ayons de combattre l’esclavage déguisé des Haïtiens dans la Partie de l’Est. Cette situation est tellement alarmante qu’elle a valu à l’Ambassade les communications de notre consul à San Pedro de Macoris que nous vous adressons copie ci-jointe.

         Je saisis cette occasion pour vous renouveler, Monsieur le Président, l’assurance de mes sentiments dévoués.

Dr. Price Mars[ix].

Cette République qui se déglingue de partout

 Le traitement donné aux travailleurs haïtiens tant en Haïti qu’en République Dominicaine fait abstraction des principes d’éthique et de justice dans les rapports socioéconomiques. Toute une politique d’humiliation et de refus de reconnaissance est mise en Å“uvre à une échelle encore plus grande que ne l’aurait imaginé Axel Honneth[x]. Les braceros haïtiens reçoivent des salaires de misère équivalant à moins de deux dollars américains pour une journée de travail de quinze heures. Alors la classe politique de pacotille en Haïti est sous la houlette du dictateur Trujillo dont les agents haïtiens mènent le bal dans l’Armée, au Parlement et dans la bourgeoisie. Trujillo est particulièrement intéressé à Haïti depuis qu’il a commencé en 1947 à faire l’acquisition personnelle des usines sucrières qui appartenaient aux capitalistes américains. Entre 1947 et 1952, le dictateur dominicain a fait l’acquisition de cinq grandes centrales sucrières dont la Rio Haina[xi] et en 1956, Trujillo contrôle les deux tiers de la production nationale de sucre.

L’échafaudage artisanal des propriétaires d’usines pour recruter la main d’œuvre haïtienne est dépassé. Trujillo institutionnalise le commerce des braceros en imposant en 1952 un contrat d’État à État qui sera observé par le gouvernement de Magloire puis par celui des Duvalier père et fils. La lettre du dictateur Rafael Trujillo à Luc Fouché en date du 6 mai 1957 en atteste[xii]. Cette pratique de malédiction trouve un relais avec le tonton macoute Clément Barbot dans le gouvernement de François Duvalier qui assure la collecte des fonds tirés de la vente des Haïtiens au Conseil d’État du Sucre (CEA en sigle espagnol), entité publique créée en 1966 gérant les biens nationalisés de Trujillo. Nous avons reproduit le télégramme de l’ambassadeur haïtien Clément Vincent transmettant la demande du Président dominicain en 1969 au président François Duvalier pour l’envoi de cinq mille ouvriers agricoles[xiii]. Une tête pensante du duvaliérisme est tombée quand Roger Lafontant s’est approprié le pactole destiné aux comptes de Madame Simone Duvalier en Suisse.

Lafontant est remplacé par Luckner Cambronne pour une courté durée en 1973 dans l’acheminement des fonds payés par les Dominicains[xiv] au palais national. Ces pratiques de négriers continueront avec les ambassadeurs haïtiens François Guillaume et Fritz Cinéas d’une part et les Secrétaires d’État des Affaires Sociales Achille Salvant, Ulysse Pierre-Louis, Théodore Achille et Arnold Blain d’autre part jusqu’en 1986[xv]. Le recyclage du malheur haïtien demande de persévérer en répétant ces vérités et en ne laissant pas des zélections embrouiller notre discernement. Il faut surtout protéger les complices internationaux des mascarades électorales des deux côtés de la frontière.

Le dernier paiement effectué par les Dominicains fut de 2 millions de dollars qui furent transportés le 14 janvier 1986 dans deux valises de cuir au palais national en Haïti. Cette mission fut exécutée par un général et deux colonels dominicains accompagnés de l’ambassadeur haïtien Hervé Denis[xvi]. Cette somme disparut avec le renversement de la dictature le 7 février 1986 sans que les coupeurs de canne ne soient envoyés en République Dominicaine. Le Conseil National de Gouvernement (CNG) prétendit ne rien savoir de la transaction. Mais le gouvernement dominicain ne l’entendit pas de cette oreille et manifesta énergiquement son mécontentement. Après deux mois de tractations, le gouvernement du Général Henry Namphy donna l’ordre à la Banque de la République d’Haïti de rembourser les deux millions de dollars au Conseil d’État du Sucre[xvii].

Le colonel Max Vallès, Ministre de l’Information et membre du CNG, a confirmé l’information le 13 mars 1986. Selon Le Nouvelliste du 14 mars 1986, « le mystère le plus entier, de l’avis du même du Ministre Vallès, entoure ce versement aux autorités haïtiennes des deux millions de dollars. Qui avait reçu cette valeur ? On ne saurait le dire puisque, affirme le Ministre de l’Information, on n’a retrouvé aucune pièce, aucun document[xviii]. Â» Les Dominicains ont refusé d’être aveuglés par cet artifice. La bourde était d’un trop grand calibre. Haïti devait donc accepter toute seule la responsabilité pour ce crime du vol de 2 millions de dollars ! La cuisine de ces pots-de-vin payés pour corrompre les politiciens haïtiens se transmet de génération en génération. Les dernières manifestations de cette cuisine sont les paiements de 2.5 millions de dollars reçus par des officiels haïtiens[xix] en 2011 qui ont bouleversé le gouvernement en 2012. Des situations auxquelles la politique de divertissement avec une musique, aussi entrainante soit elle, ne peut que soulever de nouveaux problèmes. En ce sens, l’insouciance à vouloir persévérer dans une politique de rara hebdomadaire est une attitude indéniable d’irresponsabilité.

Roger Dorsinville avait dit « Cette République qui se déglingue de partout, c’est le résultat de trente ans de pouvoir noir[xx]. En réalité, 50 ans d’idiotie soutenue autant par des noirs que des mulâtres. En 1960, Haïti et la République Dominicaine avaient le même PIB, mais aujourd’hui le PIB d’Haïti est cinq fois moindre que celui de son voisin. En s’amusant à élire en deux occasions un boulanger, les Haïtiens ne peuvent pas être étonnés de se faire rouler dans la farine. Trouver des Haïtiens cohérents est devenu un Pèlin Tèt. L’image d’Haïti ne s’est pas améliorée avec un gouvernement indiquant un goût prononcé pour la caricature et une propension à la débauche.

Glorification de la médiocrité

 Les dédales de l’immense solitude qui anéantit le peuple haïtien sont présentés par Price Mars dans douze rapports qui se sont heurtés aux murs de « la traite Â» et de « l’esclavage déguisé Â». Parenthèses d’un passé présent dans lequel baignent des deux côtés de la frontière des forces toujours prêtes à recommencer. En réalité, c’est toute la problématique de l’économie politique de la corruption d’un espace à un autre qui est posée. Tout le système de la gouvernementalité corrompue doit être revu. L’imposition du saltimbanque efface tous les repères pour qu’Haïti continue de se perdre. Surtout à un moment où le noirisme et le mulâtrisme révèlent leur dévouement absolu à la glorification de la médiocrité et au mépris des choses de l’esprit. Cette révision nécessite la collaboration des chercheurs haïtiens et dominicains pour une mise à jour de la connaissance des dessous sans laquelle aucune amélioration durable ne peut être apportée au sort des travailleurs migrants. Pour qu’ils reçoivent un salaire décent et les avantages sociaux correspondants. Nous en avons discuté avec des collègues de l’Académie Dominicaine d’Histoire en 2007 lors de notre conférence sur l’économie politique de la corruption en Haïti[xxi].    

Après un silence suivi de formules du genre « c’est un problème dominicain Â», des autorités haïtiennes ont versé des larmes de crocodile. Au fait, certains prétendent que l’arrêt de la Cour constitutionnelle n’est qu’une mesure de rétorsion des Dominicains contre le gouvernement haïtien pour son interdiction d’importation des poulets et des Å“ufs en provenance de la République Dominicaine. Selon Wilfredo Cabrera, président de la Confédération Nationale des Producteurs Agricoles de la République Dominicaine (CONFENAGRO), cette décision aurait été dictée par les autorités haïtiennes associées à des entrepreneurs privés qui veulent contrôler le marché haïtien[xxii].

L’arrêt de la Cour constitutionnelle est un texte de loi qui ne reflète pas la justice. En 1857, huit ans avant l’émancipation générale de 1865, la Cour Suprême des États-Unis avait déclaré que « les Noirs ne sont pas des citoyens américains et n’ont aucun droit que les Blancs soient tenus de respecter. » La guerre de Sécession devait leur donner la liberté de leur destin. En 1875, le Congrès américain vote la loi sur les droits civiques, mais la Cour Suprême la déclare inconstitutionnelle en 1883. Les luttes ont continué contre l’ordre social d’apartheid et, en 2008, les États-Unis ont élu l’afro-américain Barack Obama comme président. La lutte contre l’aliénation culturelle connait des succès. Elle en connaitra en République Dominicaine, sur le chemin laissé tant par un Gregorio Luperón que par un Blás Jiménez. Après que Sonia Pierre, la Dominicaine de descendance haïtienne, a été accueillie par la première dame Michelle Obama et la Secrétaire d’État Madame Hillary Clinton au Département d’État, le 10 mars 2010, il n’est pas interdit de penser que le temps viendra où tous les Dominicains d’origine haïtienne auront aussi leur jour de gloire. Cela ne se produira que si la lutte continue. Ainsi la décision de la Cour constitutionnelle sera le hoquet du mort.

Leslie Pean
Historien - Economiste (3/3)
 
References

[i] Suzy Castor, L’occupation américaine d’Haïti, P-au-P, Imprimerie Deschamps, p. 100.

[ii] Julio Jean-Pierre Audain, Les ombres d’une politique néfaste, Mexique, Imprenta Arana, 1976, p. 125.

[iii] Alberto E. Despradel Cabral, El Consulado de Belladère en la las relaciones dominicohaitianas 1931-1963, Editora Manatí, Santo Domingo, R. D., 2005, p. 120.

[iv] « Mémoire confidentiel sur les relations haitiano-dominicaines adressé à S.E. Monsieur Dumarsais Estimé, Président de la République Â», 12 septembre 1947, p. 17. (collection privée).

[v] Département de la Justice, Bulletin des Lois et Actes 1943-1944, P-au-P, Imprimerie de l’État, p. 246.p. 325.

[vi] Ibid.

[vii] Département de la Justice, Bulletin des Lois et Actes 1944 - 1945, P-au-P, Imprimerie de l’État, p. 797.

[viii] Carlos Dore Cabral, « Après Hatillo Palma, l’ancien et le nouveau dans la question de l’immigration haïtienne, Â» dans Guy Alexandre, op. cit., p. 319.

[ix] Leslie Péan, Haïti, Le Saccage, (1915-1956) -- Economie Politique de la Corruption, Tome III, Paris, Maisonneuve et Larose, 2006, p. 401-403.

[x] Axel Honneth, La lutte pour la reconnaissance, Paris, Cerf, 2000.

[xi] Hans Paul Wiesse Delgado, Trujillo Amado por muchos, odiado por otros y temido por todos, Santo Domingo, República Dominicana, Editorial Letra Gráfica, 2000.

[xii] Franck Sylvain, Les 56 jours de Franck Sylvain, P-au-P, Imprimerie Deschamps, 1980, p. 103-104.

[xiii] Leslie Péan, L’ensauvagement macoute et ses conséquences, 1957-1990, Haïti, économie politique de la corruption, Tome IV, Paris, Maisonneuve et Larose, 2007, p. 314.

[xiv] Jean Florival, La face cachée de Papa Doc, Montréal, Mémoire d’Encrier, 2007, p. 276.

[xv] Leslie Péan, L’ensauvagement macoute et ses conséquences, op. cit. p. 528.

[xvi] José Israel Cuello, Contratación de mano de obra haitiana destinada a la industria azucarera dominicana, 1952-1986, Editora Taller, C. por A., Santo Domingo, R. D., 1997, p. 341-356.

[xvii] Ibid, p. 357.

[xviii] « Paiement de $2 millions à la République Dominicaine Â», Le Nouvelliste, vendredi 14 mars 1986, p. 1. Pour d’autres détails, on lira Leslie Péan, L’ensauvagement macoute et ses conséquences, op. cit. p. 530-531.

[xix] Jean-Michel Caroit, « Un scandale de corruption entache les autorités dominicaines et haïtiennes», Paris, Le Monde, 3 avril 2012.

[xx] Roger Dorsinville, Marche arrière II, Editions des Antilles, 1990, p. 233.

[xxi] Leslie Péan, « Haití: Economía política de la corrupción (1791-1990) », Academia Dominicana de la Historia, Santo Domingo, R. D., 14 marzo 2007.

[xxii] « "Interdire l’entrée des poulets est trop précipité" jugent les producteurs dominicains Â», Haïti Press Network, 7 juin 2013.

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