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Economie

Contrebande : une lutte contestée

Le gouvernement de Laurent Lamothe se dit résolu dans sa lutte contre la corruption et la contrebande en vue d’élargir l’assiette fiscale du pays. Des contrebandiers présumés, cependant, remettent en question cette politique économique qu’ils jugent de deux poids deux mesures.

Les allégations de corruption contre l’Administration générale des douanes (AGD) attestent cette remise en question. Élysée John Glinford et Méus Edner, deux représentants de l’Association des transporteurs et

commerçants haïtiano-dominicains (Act Haido) avaient récemment affirmé sur les ondes de Vision 2000 que leurs marchandises (matériaux de construction) ont été « surfacturées » à la douane de Malpasse par des douaniers qu’ils estiment travailler à leur détriment et au profit de leurs concurrents. Des allégations contre lesquelles les responsables s’inscrivent en faux, tout en soutenant la thèse que les deux transporteurs étaient pris en flagrant délit de contrebande.

Estimant avoir été victimes en maintes occasions, les représentants de l’Act Haido ont jugé opportun d’enfoncer le clou. Ils dénoncent cette fois la décision de la Direction générale des douanes de maintenir à leur encontre des factures de plus d’un million de gourdes pour quatre cent cinquante caisses d’électrodes et cinquante rouleaux de fils à ligaturer. Alors que la Direction de valeur de l’AGD, après étude de leurs dossiers, avait recommandé que ces marchandises soient, au contraire, taxées à hauteur de 898 mille 971 gourdes, argumentent-ils.

La riposte

Tour à tour, le directeur de la douane de Malpasse, M. Jeantal Clairvil, et le directeur général de l’AGD, M. Fresnel Jean-Baptiste, sont aussi montés au créneau pour donner leurs versions des faits. Le premier persiste et signe, sur la base de documents qu’il dit détenir, que ces messieurs de l’Act Haido ont tenté de traverser la frontière avec une partie importante de leurs marchandises à l’insu des agents douaniers. Selon M. Clairvil, les transporteurs n’ont déclaré que 450 caisses d’électrodes et 50 rouleaux de fils à ligaturer, tandis que la vérification a prouvé que leurs camions transportaient dans l’ensemble plus de 2 000 caisses d’électrodes et 50 tonnes de fils à ligaturer.

Le directeur général de l’AGD, de son côté, dément formellement les accusations selon lesquelles son administration serait au service d’un groupe économique proche du pouvoir central. « L’État ne saurait favoriser un groupe au détriment d’un autre, puisque l’objectif de ce gouvernement est d’élargir l’assiette fiscale », a-t-il soutenu.

Par ailleurs, le fonctionnaire confirme que le Service technique de l’AGD avait effectivement recommandé de reconsidérer le dossier des présumés contrebandiers. Recommandation qu’il a refusé d’endosser, estimant que les fausses déclarations de la valeur et de la quantité qui entache le dossier des représentants de l’Act Haido méritaient la mise en application de loi en la matière : saisie des moyens de transport et biens immobiliers ainsi que de la marchandise en contrebande. Aucune sanction n’a, toutefois, été prise à l’encontre de ces entrepreneurs accusés aussi de corruption.

Les retombées

Cette affaire survient dans un contexte où le gouvernement haïtien vient de lancer une lutte acharnée contre la corruption et la contrebande. Les transactions économiques sur la frontière haïtiano-dominicaine se révèlent prioritaires puisqu’elles représentent 67 % des recettes internes de l’État. Un rendement qui aurait pu être meilleur, à en croire les sources officielles qui évaluent les pertes de devises enregistrés sur cette frontière à plusieurs centaines millions de dollars américains. Un ensemble d’actions concrètes, dont la création d’une commission interinstitutionnelle présidé par le directeur général de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC), Antoine Atouriste, a été entrepris dans cette dynamique.

Monsieur Jean Baptiste a fait savoir, pour sa part, avoir procédé à la saisie de plusieurs marchandises prohibées et à des arrestations. Il s’est réjoui que certains acteurs du système soient en train de modifier leurs comportements suite aux nouvelles mesures administratives de l’AGD. Il cite en exemple un groupe d’importateurs qui, après avoir chargé un navire à Miami, ont dû refaire leur cargaison pour se conformer aux exigences douanières haïtiennes.

Entre-temps, l’attention de plus d’un est fixée sur cette affaire mettant aux prises l’État haïtien et des contrebandiers présumés. On attend que les institutions indépendantes compétentes fassent luire la vérité dans cette histoire où les deux parties s’accusent mutuellement.

Jean Miche Cadet
Jeanmich83@yahoo.f
Source: Le Matin