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Quand Maduro tousse, Martelly s’enrhume

nicholas-maduro-michel-martelly-accoladeDes idées pour développement

Par Thomas Lalime --- Les nouvelles en provenance de Caracas pourraient enlever le sommeil au président Michel Martelly. Si la situation sociopolitique inquiète au Venezuela, cela doit provoquer des sueurs froides chez les dirigeants haïtiens. Car la détérioration de la situation économique vénézuélienne laisse planer un doute sur la capacité du président Maduro à maintenir le pouvoir dans la durée comme le faisait le commandant Chavez.

D'ailleurs, avec tous les avantages d'un candidat du parti au pouvoir, l'actuel chef de l'État avait gagné les dernières élections sur le fil. La perte du pouvoir par le président Maduro mettrait une lourde hypothèque sur le futur du programme PetroCaribe en Haïti. Dans le meilleur des cas, ses largesses se rétréciraient.

Réginald Noël qui anime la rubrique énergétique à l'émission hebdomadaire «Investir » présentée par notre confrère Kesner Pharel sur Radio Métropole a affirmé le samedi 25 janvier 2014 que la dernière cargaison de produits pétroliers débarquée à Port-au-Prince provenait du marché international et non du Venezuela. Cela signifierait que la facture devrait être payée au comptant, ce qui augmenterait le déficit budgétaire du gouvernement tout en exerçant une pression sur le taux de change qui affiche une tendance haussière ces dernières semaines. Ce qui mettrait en péril également la subvention des prix à la pompe qui a coûté plus de 8 milliards de gourdes à l'État pour l'année fiscale écoulée avec pour conséquence une hausse des prix du transport et de certains produits de première nécessité.

Or, en dehors du programme PetroCaribe, le gouvernement haïtien n'aurait pas de leviers pour réaliser des projets susceptibles de répondre aux attentes de la population. La majorité des projets publics exécutés jusqu'ici sont financés par les fonds dégagés du programme PetroCaribe. Son essoufflement aurait déjà provoqué un ralentissement des grands chantiers de l'administration Martelly/Lamothe qui se retrouverait fragilisée.

Le financement externe du budget national provient essentiellement de PetroCaribe. La dette à long terme, cumulée au 30 novembre 2013, devant être payée sur une période de 25 ans, s'élevait à 1,64 milliard de dollars américains.

Si l'équipe de Maduro n'arrive pas à se maintenir au pouvoir, Haïti devra bientôt passer à la caisse sans aucun espoir d'annulation d'une dette colossale qui n'aura pas servi à poser les bases du développement du pays.

L'administration Martelly/Lamothe doit espérer que Maduro arrive à gérer de façon satisfaisante la crise économique à laquelle est confronté son pays. Sinon, l'éventualité d'une révision des termes actuels du contrat PetroCaribe, même sous sa présidence, sera plus que probable. Il faudra également que le président vénézuélien s'attaque au déficit d'efficacité et de compétitivité des entreprises nationales avant même de penser à fixer les prix des produits électroménagers.

Car, selon Carlos Mendoza Potella, économiste à la banque centrale du Venezuela, dans une entrevue à la télé de Radio Canada en 2013: « Le grand problème des entreprises socialistes, c'est que normalement, cela leur est égal de produire de façon efficace ou pas, ou de ne rien produire du tout. Je n'ose pas le dire car la compétitivité est un tabou ici.» Cette faible productivité implique une faible production, donc une faible croissance économique. Or, peu de production pour beaucoup de revenu redistribué par l'État ne pouvait que générer de l'inflation.

Les pénuries sont devenues monnaie courante depuis 2013: la farine, le pain, le papier hygiénique...Des membres de l'Église catholique du pays s'alarmaient en 2013 d'une pénurie d'hosties et de vin qui risquerait de faire diminuer le nombre de cérémonies.

En fait, l'économie vénézuélienne est très peu diversifiée et très dépendante du marché international. Selon la revue de l'université du Sherbrooke, Perspective monde, les exportations vénézuéliennes en 2010 étaient constituées de 98 % de produits pétroliers et miniers (62.7 milliards de $ US) et de 2 % de produits manufacturés (1.4 milliard de dollars) et les importations étaient constituées de 81 % de produits manufacturés (24.9 milliards de dollars) contre 16 % de produits agricoles (5 milliards $ US) et de 2 % de produits miniers.

Autant de facteurs qui doivent inciter les autorités haïtiennes à étudier les possibilités de devenir moins dépendantes de l'aide vénézuélienne. Le cas échéant, elles risquent de se retrouver les mains liées. Car, on le dit déjà à Port-au-Prince, si le Venezuela attrape la grippe, Haïti mourra de pneumonie.

Au début du mois de novembre 2013, le président vénézuélien, Nicolas Maduro, lançait une vaste offensive contre les grands commerçants vénézuéliens qu'il accusait de manipulation des prix. Il alla jusqu'à croire à une guerre économique que mèneraient contre lui les manitous du monde des affaires qui, pour la plupart, avaient soutenu son rival aux dernières élections présidentielles. En riposte, le successeur d'Hugo Chavez jugeait nécessaire de mobiliser l'armée contre l'hyperinflation dans les grandes surfaces. À la guerre comme à la guerre !

Thomas Lalime
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Source: Le Nouvelliste

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