Economie
La « Bête » est aussi dans le ventre des ONG !
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« Haïti semble partager le destin tourmenté de Modigliani : mourir
pauvre dans la richesse. »
(Robert Lodimus, Pauvreté en Haïti et dans le reste du monde: Hara-kiri ou Révolution, inédit)
Par Robert Lodimus --- Il n'y a pas longtemps, nous avons dépoussiéré une vieille copie du film de Costa-Gavras, État de siège avec le défunt et inoubliable Yves Montand dans le rôle principal. Quel savoureux plaisir d'avoir visionné pour la nième fois cette formidable et puissante production cinématographique! Il s'agit d'une histoire de kidnapping, d'enlèvement d'un membre d'une soi-disant Organisation humanitaire par un groupe de révolutionnaires uruguayens. Le grand « récit de suspense » se termine avec l'exécution sommaire du mystérieux personnage qui portait une double identité.
Cette grande réalisation filmique révèle – sans étonnement – le visage monstrueux et sadique de certaines Organisations Non Gouvernementales (ONG) qui s'installent fallacieusement dans les régions du Sud étranglées par des dictatures politiques, plongées dans les détresses de la guerre civile et corsetées par la famine.
Grâce à Costa-Gavras, cinéaste avant-gardiste, nous sommes persuadés depuis longtemps que la plupart des ONG subventionnées officiellement ou secrètement par des puissantes institutions financières, comme le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale (BM), la Banque interaméricaine de développement (BID), etc., entretiennent des liens douteux, indécents avec la mafia politique globalisée. Leurs missions n'ont presque pas de rapport avec les enjeux de développement durable. Elles opèrent dans une atmosphère de nébulosité opaque qui brouille la compréhension de l'individu moyen. Elles ont un système d'embranchement occulte qui abrite les « malfrats » les plus cyniques du néolibéralisme. Ces experts incontournables qui œuvrent dans le domaine complexe de la Haute finance conçoivent les stratégies les plus fines pour maintenir continuellement les pays en voie de développement dans leur position de vassalisation et leur état de dépendance. Les agissements sauvages et criminels de la « pègre redoutable » déguisée en « philanthropie internationale » consistent à assécher toutes les sources d'économie et de finance des régions du Sud où elle déploie ses tentacules comme les pieuvres de l'océan, à l'effet d'endommager les circuits de productivité et de provoquer le « dégraissage » et la « dérentabilisation » des rares entreprises qui assurent la survie d'une production nationale déjà maigrelette.
En clair, les « mafiosi » du monde dominant, cachés dans le ventre des Organisations Humanitaires sataniques ont aussi pour mission secrète de contraindre les dirigeants locaux à contracter des prêts exorbitants, remboursables à long terme, qui hypothèquent l'avenir et le bien-être de leur peuple. L'endettement déraisonnable aboutit le plus souvent à une mainmise totale des vautours de la créance internationale sur les richesses naturelles des États débiteurs pour « défaut de paiement ». Cette pratique injuste, autoritaire, kleptocratique, dictatoriale conduit donc à des situations catastrophiques de faillite qui répercutent sur les Nations déclarées insolvables. Les pays qui sont victimes des « guillotineurs » de la Haute finance peinent à s'éloigner du pôle de la fragilisation socioéconomique. C'est aujourd'hui le cas de l'Argentine, d'Haïti, de la Grèce, de l'Italie... Pour plus de preuves, vous pouvez consulter ou revisiter les ouvrages éclairants de John Perkins qui a bien cerné la problématique. L'agent repenti du capitalisme carnassier a dénoncé sévèrement les méfaits dévastateurs des choix économiques imposés dans le cadre des « assassinats financiers » aux régions d'Asie, d'Amérique, d'Afrique... Le résultat s'appelle « pauvreté extrême ».
Lorsque John Perkins aborde les circonstances révoltantes du décès planifié et provoqué du président panaméen par la CIA, Omar Torrijos, le 31 juillet 1981, pour ses convictions patriotiques et ses principes nationalistes, les dures et étonnantes révélations sur les mobiles du crime confirment une fois de plus que les misérables de la terre qui sont pris en otage par les puissances monopolistiques n'arriveront pas à se libérer du jour au lendemain. Ce combat, même s'il est mené sur une base de rationalité organisationnelle, traversera plusieurs générations. Lutter contre des « fantômes » qui incarnent le « génie du mal » n'est pas chose aisée. Pour transcender la malfaisance diabolique et endémique, seul l'exorcisme – dans bien des cas – offre une issue favorable et satisfaisante. Cette solution complexe et ardue se prénomme « Révolution ».
L'infiltration des ONG par des agents doubles de la trempe de James Bond oo7 est donc « Une Affaire d'État ». Elle permet justement aux États imprégnés de l'idéologie hégémonistique d'agir discrètement à l'étranger sans courir le risque de se faire repérer et épingler par les autorités locales. En clair, les ONG demeurent des filières sûres qui permettent aux pays comme les États-Unis, la France, le Canada, l'Allemagne, la Russie, l'Angleterre, etc., de déployer leurs espions dans le monde de manière clandestine et sécuritaire. Et elles offrent même – dans bien des cas – les moyens de parvenir à l'élimination physique ou psychologique de certaines personnalités charismatiques, non moutonnières, qui osent affronter la dictature des grandes institutions financières mondiales pour protéger les intérêts de la Nation. Le défunt dirigeant du Panama, Omar Torrijos – selon l'essayiste John Perkins – a payé de sa vie la résistance qu'il a opposée vaillamment aux pressions des « faucons globalisés ». Il a agi courageusement dans le sens du bien-être socioéconomique des Panaméens les plus vulnérables. Et il avait raison.
Malgré la prolifération des Organisations non gouvernementales dans les régions de l'Afrique et des Amériques, la misère ne s'estompe pas. Au contraire, elle avance à la Barbe Bleue. Gagne du terrain. Loin de reculer, elle multiplie tous les jours les victimes... Plus étonnant encore, elle parvient à élire domicile même dans les mégapoles de l'Occident. La misère n'est plus seulement l'Afrique, l'Amérique Latine, la Caraïbe : elle est aussi l'Amérique du Nord (États-Unis, Canada...) et l'Europe (France, Grèce, Italie, Angleterre, etc.).
État de siège révèle encore une dure réalité. Les ambassades et les consulats abondent de tristes personnages de la trempe de Philip Michael Santore (le nom d'Yves Montand dans le film) qui enseignent aux militaires qui sont aux ordres des gouvernements vassalisés l'art de torturer les prisonniers politiques pour en soutirer des aveux dans le sens de l'accusation parfois ridicule et non fondée. Tout à fait cousue de fil blanc. Inventée. Imaginée. Et montée de toutes pièces pour les besoins de la « cause » vile et méprisable. Ces « bourreaux » accoutrés en gentils diplomates peuvent être aussi des experts en crimes politiques et en interrogatoires musclés, comme le personnage principal de Costa-Gavras. Et souventes fois, ils participent dans les prisons, aux côtés des Luc Désir, Claude Raymond, Augusto Pinochet, Mohammed Suharto, Idi Amin Dada Oumee... selon leur bon plaisir – bien entendu en conservant l'anonymat – à certaines séances de maltraitance physique, de torture brutale, d'infligation de sévices corporels aux esprits rebelles arrêtés et emprisonnés dans les pires conditions. Ou même à des actes odieux d'exécution sommaire ! Pour la survie des éléments constitutifs de la « capitalosphère », à savoir la mondialisation politique, la globalisation économique, le système néolibéral n'hésite aucunement à faire désintégrer – par n'importe quel moyen – les velléités séditieuses qui prônent l'émergence d'un monde meilleur. Et d'où qu'elles viennent...
Le jeudi 24 juillet 2014, un chef de gang portant le sobriquet « Ti Kenkenn » est sauvagement assassiné par deux de ses lieutenants dans un quartier misérable de Martissant, au Sud de la capitale haïtienne, Port-au-Prince. Au micro de la presse, le tueur principal révèle impunément les « mobiles » du meurtre :
« Lorsque les ONG ou les partis politiques ont octroyé des montants d'argent à « Ti Kenkenn » notre chef, celui-ci refusait de les partager avec nous. Il gardait tout pour lui... »
Et à notre humble connaissance, aucune arrestation n'a été effectuée jusqu'à présent dans le cadre de cette sale et épineuse « affaire de Martissant » où des rumeurs persistantes, une fois encore, ont tenté d'établir à tort ou à raison la connivence et l'implication criminelle de « Hauts fonctionnaires » gouvernementaux dans le « gangstérisme » gangréneux qui détruit la paix publique en Haïti.
La presse locale s'est-elle accordé l'intelligence de creuser les questions que devraient normalement soulever les déclarations compromettantes des « bourreaux » du « salaud-victime » ?
Pourquoi des Organisations internationales œuvrant dans le domaine humanitaire verseraient-elles des sommes d'argent à des meurtriers avérés qui exercent, avouent publiquement, et sans gêne, leurs activités de banditisme devant les caméras de télévision? Quels sont ces « groupements politiques » qui collaboreraient avec ces dangereux malfaiteurs ? Pourquoi seraient-ils payés? S'il y avait un « salaire », n'y aurait-t-il pas forcément un « travail »? Qui seraient les véritables patrons de ce redoutable « Ti Kenkenn »? Ses exécuteurs auraient-ils accepté le « contrat » d'un secteur occulte – comme on dit dans le langage de la mafia – qui a voulu se débarrasser d'un petit chef inculte, encombrant, sous prétexte qu'il était devenu, peut-être, « l'homme qui en savait trop » d'Alfred Hitchcock ?
Tout cela nous fait réaliser que le déploiement excessif de certaines Organisations non gouvernementales sur un territoire étranger pourrait ne pas répondre tout à fait à la logique de l'humanitarisme et du philanthropisme.
La République d'Haïti en fait l'expérience depuis plusieurs années. Chaque pouce de terrain qui forme son paysage est envahi et contrôlé par des nuées d'ONG responsables de soi-disant projets de développement à caractère pluridisciplinaire, financés à coups de millions de dollars américains par des myriades de Georges Sorros, sans qu'ils apportent des résultats concluants pour la population désœuvrée. Sinon que complots politiques, coups d'État, torpillages des intérêts nationaux... au détriment des pauvres hères.
L'ex-Premier Ministre de M. René Préval, Jean-Max Bellerive, de passage à Montréal en mars 2010 avait fait cette étonnante remarque : « Plus il y a d'ONG en Haïti, plus le pays s'enfonce dans la pauvreté! » Et il n'avait pas tout à fait tort. Seulement, M. Bellerive ne pouvait fournir aucune explication plausible, lorsque nous lui avons demandé publiquement, en présence de nombreux officiels canadiens, s'il pouvait nous dire ce qui expliquait l'engouement des ONG internationales à s'établir en Haïti... Toutefois, le Chef de la Primature avait concédé à l'assistance le fait que le sous-sol haïtien contient de l'or, de l'iridium, du pétrole...
Beaucoup d'Organismes caritatifs – quand ils n'ont pas de liens directs avec les techniques et stratégies soigneusement mises en place par la machine performante de l'évasion fiscale pratiquée au niveau des entreprises privées et par les milliardaires – font partie du décor de la politique extraterritoriale des États dominants. Ce sont les « Jean le Baptiste (1)» de l'impérialisme néolibéral. Donc, les précurseurs des grands « seigneurs » de la colonialité du pouvoir. Ils préparent la voie à l'exploitation des richesses naturelles des pays qui les abritent insouciamment. Ils espionnent. Prospectent. Cartographient. Tout cela, sous le manteau souillé du « missionnariat » ou de l'« humanitariat ».
L'État de siège permet donc de décoder les mécanismes inapparents de la colonialité par lesquels le génie du « Centre » subjugue le « cerveau aliéné » de la « Périphérie ». C'était une façon habile pour les « maîtres » d'inventer cet autre ange de l'enfer – identifié et baptisé par Kwame Nkrumah(2) – qui est venu suppléer au système essoufflant, suffoquant de la féodalité coloniale : le néocolonialisme.
Il faut souligner que la Religion, déployée sur les territoires des pays pauvres, remplit également très bien sa fonction de « déroute de la conscience ». Il ne faut jamais oublier que c'est par elle que le scandale de la « colonisation » est arrivé. Et c'est encore par elle que le « néocolonialisme » se maintient en place. Progresse. Dépossède. Corrompt. Aliène. Insécurise. Pollue. Vole. Viole. Prostitue. Déshumanise. Torture. Assassine. Cholérise...
Le réalisateur de L'État de siège et ses brillants collaborateurs nous ont transportés sur les sillages de la structure fondamentale et caractéristique du modèle révélateur de l' « Organisation politique » franche, sincère, lumineuse, solidaire, intelligente... Quelle leçon utile et imposante de velléité révolutionnaire !
Un mouvement de lutte pour la « Libération » des populations dominées n'arrivera pas à triompher sans une remise en question du rôle nébuleux des Organisations non gouvernementales (ONG) et des Religions importées dans les régions de la « Périphérie ».
R.L.
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Notes
1.- Jean le Baptiste, personnage biblique surnommé le précurseur du Christ.
2.- Kwame Nkrumah, Le néo-colonialisme : Dernier stade de l'impérialisme, Éditions Présence Africaine.