Economie
Haiti 12 Janvier 2010 : 5 ans après et des milliards de dollars plus tard où en sommes (bilan du RNDDH)
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I.Introduction
12 janvier 2010 - 12 janvier 2015 : cinq (5) ans depuis qu'un séisme meurtrier a frappé Haïti, faisant plusieurs centaines de milliers de morts et de disparus, laissant des milliers d'orphelins et de personnes à déficience physique et engendrant des pertes matérielles estimées à plusieurs milliards de gourdes.
Au cours de ces cinq (5) dernières années, les autorités gouvernementales appuyées par la communauté internationale, ont été amenées à prendre des décisions pour, selon elles, améliorer la situation sociale, économique et politique du pays. Aujourd'hui, qu'en est-il des retombées de ces décisions prises au nom du peuple haïtien et au nom des victimes du séisme ? Telles sont les points que le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) va tenter d'analyser en présentant une évaluation de la situation du pays dans un contexte post-séisme.
II.Analyse des différentes décisions prises par les autorités
Les différentes décisions prises par les autorités gouvernementales en vue de favoriser le relèvement de la population et la reconstruction du pays, sont catégorisées dans le cadre de ce document analytique, en quatre (4) points qui passent en revue la coordination de l'aide internationale, la réalisation des droits sociaux, des droits économiques et des droits politiques du peuple haïtien.
1.Décisions prises pour coordonner l'aide internationale
En raison de la profusion des promesses substantielles faites par la communauté internationale en vue d'assister Haïti dans sa reconstruction, il a été convenu que l'aide internationale devait être coordonnée pour notamment éviter d'une part la duplication des interventions et d'autre part des résultats non probants. Ainsi, le 19 avril 2010, à la faveur de la Loi portant amendement de la Loi sur l'état d'urgence du 9 septembre 2008, la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d'Haïti (CIRH) est créée. Elle était composée de vingt-neuf (29) membres dont treize (13) étrangers représentant les pays donateurs et les grandes agences internationales. Investie d'un mandat de dix-huit (18) mois et co-présidée par William Jefferson Clinton et Jean Max Bellerive, respectivement ancien Président américain et Premier Ministre haïtien d'alors, la CIRH s'est rapidement avérée un instrument lourd, inapte à s'emboiter et fournissant à des étrangers la latitude de décider des grandes lignes d'intervention pour le développement et la reconstruction d'Haïti. Elle était donc inconstitutionnelle. De plus, mal accueillie par plus d'un, elle a toujours travaillé dans l'opacité la plus totale et n'a fourni des informations sur ses actions qu'après approbation des projets de plusieurs millions de dollars américains. Après trente et un (31) mois d'existence, elle s'est retirée en catimini sans tambour, ni trompette.
Tel que prévu par la Loi susmentionnée, le 26 novembre 2012, le Cadre de Coordination de l'Aide Externe au Développement d'Haïti (CAED) est créé, en remplacement de la CIRH. Il est placé sous l'autorité du Ministère de la Planification et de la Coopération Externe. Cependant, s'étant retirée dans les conditions susmentionnées, la CIRH n'a pas permis au CAED de s'engager effectivement dans la poursuite de ses activités.
Selon le livret du CAED de septembre 2012, il est chargé de la mobilisation et de la coordination de l'aide externe, de la présentation de la stratégie d'une bonne gouvernance de l'aide au développement, de la mise en place des mécanismes gouvernementaux de coordination de l'aide, etc.
Il convient de souligner que la CIRH était appelée à intervenir sur les axes de droits sociaux tels que l'éducation, le logement transitionnel, le logement permanent, la santé, l'environnement etc. Le CAED est aussi investi de ces mêmes tâches.
1. Décisions prises dans le cadre de la reconstruction des bâtiments publics et du réaménagement du centre-ville de Port-au-Prince
Les autorités gouvernementales ont décidé de reconstruire plusieurs bâtiments publics qui se sont effondrés le 12 janvier 2010. Il s'agit entre autres :
- du Ministère de l'Intérieur et des Collectivités Territoriales
- du Ministère du Commerce et de l'industrie
- du Ministère des Affaires Etrangères
- du Palais des Finances
- du Palais Législatif
- de la Cour de Cassation
- de la Villa d'Accueil
- de la Direction Générale des Impôts
Les autorités gouvernementales ont aussi décidé de réhabiliter certains bâtiments culturels et certaines places publiques savoir :
- le Rex Théatre
- le Ciné Théatre Triomphe
- le Kiosque Oxide Jeanty
- la Place des Artistes
- la Place de la Constitution
- la Place du Canapé Vert
Résultat :
Les travaux ne sont pas encore achevés alors que bon nombre d'entre eux auraient dû l'être depuis 2014.
Les firmes de construction haïtiennes n'ont pas bénéficié de contrats de construction. Les autorités gouvernementales ont fait choix des firmes dominicaines et taïwanaises avec une préférence accentuée pour les firmes dominicaines. Dans la majorité des cas, ces contrats ont été signés de gré à gré, en violation de la Loi fixant les Règles Générales de Passation, d'Exécution et de Règlement des Marchés Publics et de l'Arrêté fixant les seuils de Passation des Marchés Publics, respectivement paru dans le Moniteur du 12 juin et du 9 septembre 2009.
Les autorités gouvernementales ont aussi décidé de réaménager le centre-ville de Port-au-Prince et d'y construire des complexes administratifs. Pour ce faire, un arrêté présidentiel déclarant d'utilité publique un périmètre délimité à l'intérieur du centre-ville de Port-au-Prince a été pris. En 2013, les autorités gouvernementales ont engagé des individus munis de haches, de bulldozers, de burins, etc. pour expulser les propriétaires de leur maisons, en dépit du fait que nombre d'entre eux n'avaient pas été dédommagés par l'Etat haïtien, tel que promis. Ils ont été brutalement expropriés. Selon le Comité Permanent d'Acquisition à l'Amiable (CPA), jusqu'en juillet 2014, quatre cent trente neuf (439) maisons ont été démolies. Or, en septembre 2014, selon le notaire Jean Henry Céant, seules cent cinquante (150) personnes expropriées ont été dédommagées. Donc, au moins deux cent quatre vingt neuf (289) propriétaires n'ont pas été dédommagés.
Résultat :
L'empressement pour l'expropriation et la démolition des maisons du centre-ville de Port-au-Prince avait laissé croire que les travaux de reconstruction étaient imminents. Pourtant, aucun chantier de construction n'a encore démarré.
3. Décisions prises pour réaliser les droits sociaux du peuple haïtien
Sur le plan de l'Education, le Fonds National de L'Education (FNE) est créé en mai 2011. Il est alimenté par les taxes prélevées directement sur les appels internationaux et sur les transferts d'argent. Ce Fonds est réputé illégal car, le projet de Loi y relatif n'est pas encore voté par le Sénat de la République bien que la Chambre des Députés l'ait voté en août 2012.
Selon le Conseil National des Télécommunications (CONATEL), du 15 juin 2011 au 5 septembre 2014, le FNE a reçu plus de quatre vingt dix millions de dollars américains via les appels téléphoniques. Les informations relatives aux frais prélevés sur les transferts, perçus pour leur part par la Banque Centrale, ne sont pas divulguées.
Parallèlement à la création du FNE, le Programme de Scolarisation Universelle Gratuite et Obligatoire (PSUGO) est mis en place. Selon les autorités gouvernementales, aujourd'hui le PSUGO couvre environ trois mille (3.000) établissements publics et sept mille (7.000) établissements privés. C'est pourquoi plusieurs dont des Parlementaires haïtiens estiment que le PSUGO constitue en fait un programme de "Financement de l'éducation privée par l'Etat haïtien".
Selon les dernières informations statistiques présentées par les autorités gouvernementales, en 2013, un million quatre cent mille (1.400.000) enfants sont scolarisés gratuitement.
Par ailleurs, des cas de corruption sont aussi dénoncés. En effet, à date, au moins soixante (60) arrestations ont été réalisées dans le cadre d'enquêtes ouvertes à l'encontre d'établissements fantômes, d'enseignants impliqués dans le détournement des fonds du PSUGO et d'établissements scolaires ayant fourni au Programme des informations erronées. Selon l'ULCC, pas moins de dix millions (10.000.000) gourdes ont été détournées et cent vingt millions (120.000.000) gourdes, récupérés sur des comptes dormants.
Résultat :
Alors que les chiffres fusent et que le PSUGO est présenté comme étant un succès social des autorités gouvernementales, les dénonciations se font de plus en plus insistantes. Plusieurs considèrent que le PSUGO est mis en œuvre dans une grande opacité. Les responsables des établissements scolaires reprochent aux autorités gouvernementales de ne pas respecter les clauses du contrat les liant avec l'Etat haïtien et de ne verser les montants que sporadiquement, entrainant des retards considérables dans le paiement des salaires aux enseignants et dans le fonctionnement des établissements. D'autres se plaignent de ce que le PSUGO ne prend en compte ni les conditions d'apprentissage des enfants ni les conditions de travail des enseignants.
Selon le rapport du Programme des Nations-Unies pour le Développement, sur le Développement Humain de 2014, intitulé : "Pérenniser le Progrès Humain : réduire les vulnérabilités et renforcer la résilience", aujourd'hui, le taux d'alphabétisation est estimé à 48,7 % pour les adultes et à 72,3 % pour les jeunes. La satisfaction à l'égard de la qualité de l'éducation est de 39 %, ce qui corrobore le fait que le PSUGO ne prend pas en compte la qualité de l'éducation fournie aux enfants haïtiens.
Sur le plan de la Santé et sur la base de l'Evaluation de la Prestation des Services de Soins de Santé de 2013, le pays compte neuf cent cinq (905) établissements de santé dont cent vingt et un (121) hôpitaux, cent vingt neuf (129) centres de santé avec lits, deux cent quatre vingt dix-sept (297) centres de santé sans lits et trois cent cinquante huit (358) dispensaires.
Etablissements de santé |
Nombre |
Hôpitaux |
121 |
Centres de santé avec lits |
129 |
Centres de santé sans lits |
297 |
Dispensaires |
358 |
Total |
905 |
Du nombre de ces établissements, trois cent quarante deux (342) sont des institutions publiques, trois cent quatre vingt (380) sont des établissements privés et cent quatre vingt trois (183) sont des établissements mixtes.
Etablissements de santé |
Nombre |
Institutions Publiques |
342 |
Institutions Privées |
380 |
Institutions Mixtes |
183 |
Total |
905 |
Ainsi, pour une population estimée à dix millions cinq cent soixante dix neuf mille deux cent trente (10.579.230) habitants, il existe dans le pays une institution de santé pour chaque onze mille six cent quatre vingt dix (11.690) personnes.
Par ailleurs, le rapport de l'Evaluation de la Prestation des Services de Soins de Santé 2013 (EPSSS 2013) informe que l'espérance de vie en Haïti est de soixante et un (61) ans pour les hommes et de soixante quatre (64) ans pour les femmes.
Résultat :
Quelques centres de santé ou hôpitaux ont été réaménagés ici et là . De plus, selon les statistiques gouvernementales, cinq (5) hôpitaux et plusieurs centres de santé doivent être construits. Cependant, aucune décision particulière n'a été prise en faveur des sites de relocalisation.
Selon le rapport du PNUD sur le Développement Humain de 2014 susmentionné, le niveau de satisfaction en ce qui a trait à la qualité des soins de santé octroyés à la population est estimé à 24 %.
Sur le plan du logement, un projet dénommé 16/6 a été lancé le 17 août 2011 pour réhabiliter seize (16) quartiers de la capitale et ses environs et venir en aide à la population de six (6) des plus grands camps d'hébergement de la zone métropolitaine. Par la suite, les autorités gouvernementales, avec l'appui financier de grandes agences internationales, ont décidé d'étendre ledit projet à tous les camps de la zone métropolitaine.
Au lendemain du séisme du 12 janvier 2010, les estimations les plus légères ont fait état de deux millions (2.000.000) de victimes ayant perdu leur logement et qui devaient être relogées. En 2014, selon les statistiques présentées par les autorités gouvernementales, au moins un million quatre cent mille (1.400.000) personnes ont été relocalisées grâce au projet 16/6. Les familles aidées ont reçu pour la plupart un montant dérisoire de vingt mille (20.000) gourdes pour la location d'une maison pour une année et une petite subvention de fonds de commerce. Ainsi, les places publiques, les établissements scolaires investis par les victimes, ont été vidés.
Dans les espaces publics et privés où les victimes n'ont pas voulu se déplacer, des individus non identifiés ont fait usage de tessons de bouteilles, de pierres et de feu pour les pousser à vider les lieux. En 2013, au moins soixante quatre mille deux cent quatre vingt quinze (64.295) personnes ont été victimes d'expulsions forcées. Plusieurs ont perdu la vie dont des bébés.
Résultat :
Les objectifs inavoués du projet 16/6 ont donc été de porter les familles victimes à vider les espaces publics et de fournir un blanc-seing aux victimes pour se rendre dans les flancs de montagne, dans les lits de rivières, etc. ce qui a eu pour conséquence l'aggravation du niveau de précarité de la population et l'exacerbation de la vulnérabilité environnementale du pays.
Sur le plan des logements sociaux, au moins quatre (4) villages ont été construits par les autorités étatiques, avec notamment le support financier de la communauté internationale, pour accueillir plus de trois mille (3000) familles. Il s'agit de l'Expo Habitat, du Village Projet 400 pour 100, du Village La Renaissance et du Village Lumane Casimir. Les montants de ces constructions sont faramineux.
En dépit du projet 16/6 et de la construction des villages susmentionnés, aujourd'hui encore, quatre vingt cinq mille quatre cent trente-deux (85.432) personnes se retrouvent sous les tentes. En effet, selon les statistiques présentées par l'Organisation Internationale de la Migration, le pays compte cent vingt trois (123) camps d'hébergement et sites de relocalisation répartis dans neuf (9) communes, selon le tableau suivant :
# |
Communes |
Camps |
Personnes |
||
|
|
Nombre |
Pourcentage |
Nombre |
Pourcentage |
|
Gressier |
3 |
2,44 |
768 |
0,90 % |
|
Pétion-ville |
3 |
2,44 |
3.155 |
3,69 % |
|
Croix des Bouquets |
5 |
4,06 |
10.779 |
12,62 % |
|
Tabarre |
5 |
4,06 |
5.561 |
6,51 % |
|
Cité Soleil |
7 |
5,69 |
3.759 |
4,40 % |
|
Léogane |
11 |
8,95 |
5.048 |
5,91 % |
|
Carrefour |
12 |
9,76 |
4.122 |
4, 83 % |
|
Delmas |
20 |
16,26 |
33.323 |
39 % |
|
Port au Prince |
57 |
46,34 |
18.917 |
22,14 % |
|
9 communes |
123 |
100 % |
85.432 |
100% |
Le guide de construction de bâtiments en maçonnerie chainée, publié par les autorités gouvernementales en septembre 2010 au lendemain du séisme est très peu connu, la construction étant laissée à la charge des particuliers qui eux-mêmes tentent de se loger non pas en fonction de la qualité et du niveau de sécurité du bâtiment, mais en raison de l'urgence dans laquelle ils se retrouvent. C'est d'ailleurs pourquoi de nombreuses victimes ont rafistolé leurs maisons pour y retourner et que les constructions anarchiques continuent de proliférer.
Résultat :
Mêmes les espaces qui ont été déclarés d'utilité publique n'ont pas bénéficié de l'intervention étatique. A titre d'exemple, Corail Cesselesse, au nord de Port-au-Prince, sur la Route Nationale # 1, l'un des plus grands bidonvilles du pays est en train d'être construit. Cependant, privé de toute infrastructure, son aménagement et sa construction sont laissés au gré des victimes du 12 janvier 2010 qui s'y sont réfugiés.
Sur le plan de l'Alimentation, la population, exacerbée par des conditions de vie précaire, a organisé, au cours des cinq (5) dernières années plusieurs mouvements de protestation contre la cherté de la vie et contre leur incapacité à accéder aux produits de base pour leur alimentation. Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) a aussi publié au cours de ces cinq (5) ans, plusieurs rapports dans lesquels il attire l'attention de tous en général et des autorités gouvernementales haïtiennes en particulier, sur la situation alarmante en Haïti.
Résultat :
Selon le dernier rapport du PAM, en 2014, 30 % de la population haïtienne fait face à une insécurité alimentaire aiguë.
Sur le plan de l'Environnement, des travaux de curage des ouvrages d'art, des travaux de conservation au niveau des mornes, ont été réalisés. Une campagne d'ensemencement aérien et de reboisement a aussi été réalisée dans le but de reboiser les mornes du pays. Des campagnes de sensibilisation sur les comportements à adopter avant, pendant et après les catastrophes naturelles et sur l'utilisation des réchauds de gaz propane et des réchauds à consommation réduite de charbon de bois, sont lancées.
De plus, face à l'aggravation de la situation environnementale, l'année 2013 a été déclarée Année de l'Environnement. Cependant, la situation du pays s'est empirée au lendemain du séisme. La couverture végétale est aujourd'hui estimée à moins de 2 %, car le pays continue d'utiliser le charbon de bois comme principale source d'énergie pour la cuisson des aliments, le fonctionnement des boulangeries et des buanderies. Le bois est aussi utilisé pour la fabrication des meubles. Parallèlement, la période pluvieuse est accueillie par les cultivateurs avec beaucoup d'inquiétude, car celle-ci cause souvent des pertes matérielles et humaines incommensurables.
Résultat :
Les interventions gouvernementales susmentionnées n'ont pas encore donné les résultats escomptés. Les mesures prises pour reboiser le pays, curer les canaux, sensibiliser la population sur les conséquences de la coupe effrénée des arbres, ne se sont pas montrés efficaces. De plus, aucun plan d'accompagnement des ménages dans la procuration des réchauds susmentionnés n'est connu.
Selon le rapport du PNUD de 2014 sur le Développement Humain susmentionné, le niveau de satisfaction vis à vis des actions de protection de l'environnement haïtien est de 38 %.
Sur le plan de l'assistance sociale, plusieurs projets à caractère social ont été mis sur pied en 2012 par les autorités gouvernementales à travers le Programme National d'Assistance Sociale Ede Pèp. Parmi ces projets on retrouve Kore Fanmi, Cantine Mobile, Restaurants Communautaires, Ti Manman Cheri, Kredi Fanm Lakay, Panye Solidarite, Bons de solidarité, Bons d'urgence, Kore Etidyan, etc.
Résultat :
En dépit de ces projets épars, les droits sociaux des haïtiens sont aujourd'hui plus que jamais bafoués. Les promesses étatiques d'amélioration des droits à l'éducation, à la santé, au logement, à l'alimentation sont en réalité restées lettre morte. Il en est résulté les nombreuses manifestations réalisées par la population pour dénoncer ses conditions de vie précaires.
Selon le rapport du PNUD de 2014 sur le Développement Humain susmentionné, le niveau de satisfaction vis à vis des efforts pour éradiquer la pauvreté en Haïti est estimé à 15 %.
4.Décisions prises pour réaliser les droits économiques du peuple haïtien
La situation économique d'Haïti s'est aggravée au lendemain du séisme, les institutions pourvoyeuses d'emplois ainsi que le commerce formel et informel ayant été rudement touchés.
L'Etat haïtien a aussi été l'une des grandes victimes de cet effondrement économique. Les activités commerciales ont repris au fur et à mesure. Les institutions ont recommencé à fonctionner. Cependant, les autorités gouvernementales ont décidé de prendre un ensemble de mesures visant à remplir les caisses de l'Etat et à augmenter la recette nationale. Les frais de douane, les taxes sur les salaires sont augmentés. Les automobilistes qui assurent le transport public sont tenus de payer une patente. Le prix des timbres légaux ainsi que les tarifs judiciaires ont augmenté de plus de 100 %. Les taxes sur les jeux de hasard, les cigarettes, l'alcool ont aussi exponentiellement augmenté. De plus, le dépistage des entreprises mauvais payeurs de taxes est effectif.
Par ailleurs, les vignettes pour les véhicules constituent une opération juteuse pour le remplissage des caisses de l'Etat et, les autorités gouvernementales, très agressives, ne s'embarrassent d'aucun scrupule pour informer les propriétaires de véhicules de l'émission de nouvelles plaques, quelques mois après qu'ils aient été invités à payer les vignettes.
Les prix des produits pétroliers ont été révisés à la hausse par les autorités gouvernementales alors que sur le marché international, ces prix connaissent leur niveau le plus bas depuis plusieurs années. Pour justifier cette augmentation, les autorités gouvernementales ont affirmé que contrairement aux années antérieures, l'Etat haïtien ne subventionne plus les produits pétroliers. Et, si les échéanciers sont maintenus, ces prix augmenteront encore tout au cours de l'année 2015.
Aujourd'hui, la qualité de vie des citoyens est très précaire. Le dollar américain est estimé à plus de quarante six (46) gourdes, ce qui a une incidence immédiate sur le pouvoir d'achat du peuple haïtien, le pays étant assujetti à l'importation de plus de 75 % des produits de première nécessité. Selon le rapport du Programme des Nations-Unies pour le Développement, sur le Développement Humain de 2014, intitulé : Pérenniser le Progrès Humain : réduire les vulnérabilités et renforcer la résilience, le faible indice de développement humain d'Haïti le place 168ème sur 187 pays examinés, soit le 19ème pays avec l'indice de développement humain le plus bas.
Haïti est aussi le pays le plus pauvre de l'Amérique. Le taux de satisfaction vis à vis du niveau de vie est de 17 % alors que la satisfaction de vie globale de la population est notée à 4.4 sur 10 en 2014 contre 3.8 sur 10 dans le rapport précédent du PNUD sur le Développement Humain de 2013 intitulé l'Essor du Sud : le Progrès humain dans un monde diversifié.
65% des personnes âgées de quinze (15) à soixante quatre (64) ans ont un rapport total de dépendance pour la satisfaction de leurs besoins prioritaires.
Le taux de chômage en Haïti est estimé par les plus flexibles à 41 %. Selon la Banque Mondiale, plus de la moitié de la population dispose d'un revenu d'un (1) dollar américain par jour alors que 78 % de la population vit avec moins de deux (2) dollars américains par jour.
Selon l'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI), le taux de croissance du pays par rapport au Produit Intérieur Brut (PIB), est estimé, pour l'année fiscale 2013-2014, à 2.8 % contre 4.2 % pour l'année précédente.
Ces statistiques présentent à elles-seules le niveau de précarité des conditions de vie de la population.
Parallèlement, conformément au Code du Travail, le 14 juin 2013, le Conseil Supérieur des Salaires (CSS) a été mis en place par arrêté présidentiel paru dans le journal Le Moniteur du 28 juin 2013. Le CSS a, depuis sa création, révisé le salaire minimum fixé par la Loi fixant le Salaire Minimum à Payer dans les Etablissements Industriels et Commerciaux.
La situation des cadres des institutions empire. Les taxes sont régulièrement prélevés de leur salaire alors que l'inflation et la situation économique générale du pays les exposent à une grande précarité chaque jour encore plus accrue par la cherté de la vie.
Résultat :
Aucune amélioration nette des conditions de vie de la population n'a été remarquée puisque cette révision très prudente du salaire minimum est aussi accompagnée de la hausse vertigineuse des prix des produits de première nécessité.
La pauvreté devient palpable. Dans les rues, les mendiants se multiplient. La dégradation accrue des conditions de vie de la grande majorité de la population oblitère les programmes sociaux qui en fait sont des tampons inefficaces, même pas capables de soulager la misère de la population.
5.Décisions prises pour réaliser les droits politiques du peuple haïtien
Au cours des cinq (5) dernières années, la situation politique en Haïti est caractérisée par l'impunité, la non réalisation des élections et le remplacement d'élus par des amis proches du pouvoir.
Le pouvoir exécutif, profitant du chaos qu'il a lui-même créé, a augmenté sa mainmise sur les pouvoirs législatif et judiciaire. Ces deux (2) derniers, vassalisés à un niveau encore jamais constaté, sont aujourd'hui animés par la volonté manifeste de faire plaisir aux membres du pouvoir exécutif ce, même au détriment des intérêts supérieurs de la Nation.
Des accords se font et se défont tant et si bien que le pays patauge aujourd'hui dans une instabilité politique patente. Les autorités politiques, législatives et judiciaires ne se font pas confiance. L'opposition politique met la pression et exige la démission du Président de la République, Michel Joseph Martelly. Aujourd'hui, à la publication de ce document analytique, le pays est dirigé par un gouvernement intérimaire, le Premier Ministre Laurent Salvador Lamothe ayant été invité à démissionner de ce poste. Cependant, il garde toujours le portefeuille du Ministère de la Coopération et de la Planification Externe.
Le Président du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) Arnel Alexis Joseph, qui s'est toujours comporté comme un représentant du Pouvoir Exécutif au sein du Pouvoir Judiciaire, a aussi été tenu de présenter sa démission. Cette démission, remise après marchandage et tergiversations, est accueillie par plusieurs comme un soulagement, Me Arnel Alexis Joseph ayant tellement œuvré à vassaliser le pouvoir judiciaire haïtien.
Par ailleurs, le séisme a exponentiellement augmenté les opportunités de corruption. Les institutions publiques ainsi que les institutions privées en ont largement profité, en raison des nombreux projets qui sont mis en œuvre dans le cadre du relèvement de la population. Ceci est corroboré par le mauvais placement d'Haïti, au cours des cinq (5) dernières années, selon l'indice de corruption. En effet,
- En 2014, Haïti est placée 161ème sur 174 pays soit le treizième (13ème) pays ayant l'indice de corruption le plus élevé.
- En 2013, Haïti est placée 163ème sur 175 pays soit le douzième (12ème) pays ayant l'indice de corruption le plus élevé.
- En 2012, Haïti est placée 165ème sur 174 pays soit le neuvième (9ème) pays ayant l'indice de corruption le plus élevé.
- En 2011, Haïti est placée 175ème sur 182 pays le septième (7ème) pays ayant l'indice de corruption le plus élevé.
- En 2010, Haïti est placée 146ème sur 178 pays soit le trente-deuxième (32ème) pays ayant l'indice de corruption le plus élevé.
Le nombre de pays examinés n'étant pas statique, il est impossible d'indiquer si la variation des chiffres est faite en raison des efforts d'Haïti ou en raison de l'inclusion d'autres pays dans la liste. Cependant, l'année 2010 mise à part, Haïti se retrouve toujours parmi les vingt (20) pays ayant l'indice de corruption le plus élevé, quel que soit le nombre de pays examinés.
Résultat :
Sur le plan politique, le pays fait face à une mauvaise gouvernance caractérisée dont les conséquences sont énormes sur la qualité de vie de la population. Cette mauvaise gouvernance engendre :
- vUne insécurité généralisée
- vLe non respect des droits humains
- vUne instabilité politique chronique
- vLe Sous-développement
- vLa pauvreté extrême
III.Conclusions
La situation du pays est catastrophique. Les droits sociaux, économiques et politiques du peuple haïtien sont bafoués. Les conditions de vie sont précaires. La pauvreté s'installe. Les services de base ne sont pas disponibles pour la population. Plus que jamais, la vie en Haïti est caractérisée par une insécurité humaine.
Les milliards de dollars américains dépensés au nom du peuple haïtien et au nom des victimes du séisme du 12 janvier 2010 n'ont donné qu'un résultat mitigé. Les différentes décisions prises par les autorités ne se sont pas inscrites dans le cadre d'un programme articulé de relèvement et de reconstruction du pays. Les actions réalisées n'ont pas pris en compte les intérêts supérieurs de la Nation. Ainsi, les droits humains, les idéaux républicains et les principes démocratiques ne sont pas au rendez-vous. Les actions éparses dénombrées n'ont eu comme résultats que de persuader la population en général et la diaspora haïtienne en particulier, que la situation est en train de changer et que le pays est sur les rails du développement.
Aujourd'hui plus que jamais, Haïti est vulnérable à tous les points de vue. L'avenir est sombre. Les menaces de plus en plus persistantes laissent croire que le pays doit connaitre sous peu un séisme de plus grande magnitude sur l'échelle de Richter. Pourtant, aucune campagne nationale de sensibilisation et de simulation autour des comportements à adopter avant pendant et après le séisme n'est effective au niveau de la société.
C'est pourquoi, cette analyse de la situation du pays par le RNDDH porte l'organisation à recommander
- aux autorités gouvernementales d'accorder une plus grande place au respect des valeurs et principes de droits humains dans la reconstruction du pays.
- aux grandes agences internationales pourvoyeuses des fonds dépensés dans le cadre de la reconstruction du pays, d'exiger que les différents projets mis en œuvre dans le contexte post-séisme soient audités et que les rapports d'audits soient rendus publics.
RNDDH
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