Economie
La médecine traditionnelle : une opportunité pour Haïti
- Détails
- Catégorie : Economie
« À travers le monde, la médecine traditionnelle constitue soit le mode principal de prestation de soins de santé, soit un complément à ce dernier. Dans certains pays, la médecine traditionnelle ou non conventionnelle est appelée médecine complémentaire. » Ce sont les propos du Dr Margaret Chan, directrice générale (2007-2017) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui avait publié en 2013 une stratégie pour la médecine traditionnelle 2014-2023. Il s’agit d’une actualisation de la stratégie de l’OMS pour la médecine traditionnelle 2002-2005 en fonction des progrès accomplis par certains pays et des nouveaux problèmes qui se posent dans le domaine de la médecine traditionnelle.
La médecine traditionnelle est très ancienne. Elle est, selon l’OMS, la somme de toutes les connaissances, compétences et pratiques reposant sur les théories, croyances et expériences propres à différentes cultures, qu’elles soient explicables ou non, et qui sont utilisées dans la préservation de la santé, ainsi que dans la prévention, le diagnostic, l’amélioration ou le traitement de maladies physiques ou mentales. Cela fait bien longtemps que la médecine traditionnelle est pratiquée, à travers le monde, afin de préserver la santé ou de prévenir et traiter les maladies, en particulier les maladies chroniques, reconnaît l’OMS.
La stratégie de l’OMS pour la médecine traditionnelle 2014-2023 réévalue la stratégie établie pour 2002-2005 et en fait le point de départ de la définition de la ligne d’action pour la médecine traditionnelle au cours de la décennie 2014-2023, indique Dr Chan. La médecine traditionnelle, poursuit-elle, constitue un pan important et souvent sous-estimé des soins de santé. Pourtant elle existe dans presque tous les pays du monde, et la demande pour ces services, reconnait l’OMS, est en nette progression. « La médecine traditionnelle, dont la qualité, la sécurité et l’efficacité sont avérées, participe à la réalisation de l’objectif d’un accès aux soins universel », assure le Dr Chan.
Le médecin chinois poursuit : « Aujourd’hui (en 2013), de nombreux pays reconnaissent la nécessité d’adopter une approche cohésive et intégrative des soins de santé, qui permette aux pouvoirs publics, aux professionnels et, surtout, aux personnes qui recourent aux services de santé, d’avoir accès à une médecine traditionnelle qui soit sûre, respectueuse, efficiente par rapport aux coûts et efficace. » L’OMS a donc mis en œuvre « une stratégie mondiale visant à favoriser une intégration, une règlementation et une supervision adéquates de la médecine traditionnelle ». Une stratégie qui, selon Dr Chan, est utile aux pays désireux de mettre en place une politique active axée sur cette partie importante, et souvent dynamique, des soins de santé.
L’OMS constate que les pays « sont de plus en plus nombreux à accepter progressivement la contribution que la médecine traditionnelle peut apporter à la santé et au bien-être des individus, ainsi qu’à la complétude de leur système de santé . Les pouvoirs publics et les consommateurs ne s’intéressent pas uniquement aux médicaments à base de plantes : ils commencent à se pencher sur certains aspects des pratiques de médecine traditionnelle et à s’intéresser à certains praticiens et se demander s’ils ne devraient pas être intégrés à l’offre de services de santé ».
La stratégie de l’OMS pour la médecine traditionnelle 2014-2023 vise alors à aider les responsables de santé publique à développer des solutions qui participent d’une vision plus large favorisant l’amélioration de la santé et l’autonomie des patients. L’OMS se propose, à travers sa stratégie, d’épauler les États membres, dont Haïti, qui cherchent à mettre à profit la contribution de la médecine traditionnelle à la santé, au bien-être et aux soins de santé centrés sur la personne; mais surtout de favoriser un usage sûr et efficace de la médecine traditionnelle au moyen d’une règlementation des produits, des pratiques et des praticiens.
L’atteinte de ces buts, selon l’OMS, passe par la réalisation de trois objectifs stratégiques : la consolidation de la base de connaissances et la formulation des politiques nationales ; le renforcement de la sécurité, de la qualité et de l’efficacité via la règlementation; et finalement, la promotion d’une couverture sanitaire universelle en intégrant les services de la médecine traditionnelle et l’auto-prise en charge sanitaire dans des systèmes de santé nationaux.
La directrice de l’OMS (2007-2017) souhaitait que la stratégie de l’OMS puisse constituer « pour les États membres une feuille de route qui les conduira à de nouveaux succès dans leur planification stratégique de la médecine traditionnelle et qu’elle sera un outil précieux pour les pouvoirs publics, les autorités chargées de la planification des systèmes de santé et les professionnels de santé, et surtout qu’elle sera profitable aux personnes cherchant à recevoir le soin adéquat, du bon praticien, au bon moment ».
Conception et mise en œuvre d’un plan d’action
La stratégie de l’OMS vise à épauler les États membres dans le développement d’une politique active et la mise en œuvre de plan d’action qui permettront à la médecine traditionnelle de jouer un rôle accru dans la préservation de la santé des populations. Elle s’appuie sur la stratégie de l’OMS pour la médecine traditionnelle pour 2002-2005 qui examinait la situation de la médecine traditionnelle à l’échelle mondiale et dans les États membres et qui fixait quatre grands objectifs.
Premièrement, un objectif politique qui vise l’intégration de la médecine traditionnelle aux systèmes nationaux de soins de santé, de manière appropriée, en développant et en mettant en œuvre des politiques et programmes de médecine traditionnelle. Deuxièmement, la stratégie entend assurer la qualité, la sécurité et l’efficacité de la médecine traditionnelle en promouvant sa sécurité, son efficacité et sa qualité en étendant la base de connaissances sur la médecine traditionnelle et en conseillant sur la règlementation et les normes de l’assurance-qualité.
Ensuite, il faut promouvoir l’accès en augmentant la disponibilité et l’accessibilité financière de la médecine traditionnelle, de manière appropriée, en accordant surtout la priorité aux populations pauvres. Enfin, l’OMS préconise un usage rationnel qui passe par un usage thérapeutique judicieux de la médecine traditionnelle appropriée par les prestataires et les consommateurs.
L’OMS note que malgré des avancées significatives dans le déploiement de cette stratégie sur toute la planète, certains États membres rencontrent toujours des difficultés concernant l’élaboration et la mise en œuvre de politiques et règlementations. L’intégration vise en particulier l’identification et l’évaluation de stratégies et de critères permettant l’insertion de la médecine traditionnelle au système de santé national et aux soins de santé primaires. Cependant, il reste encore des lacunes au niveau de la sécurité et de la qualité, notamment l’évaluation des produits et services, la qualification des praticiens, la méthodologie et les critères permettant d’évaluer l’efficacité, la capacité à contrôler et à règlementer la publicité et les allégations de la médecine traditionnelle.
Il y a également des faiblesses au niveau de la recherche et du développement, de l’éducation et de la formation des praticiens de médecine traditionnelle. L’information et la communication (en particulier la diffusion d’informations concernant les politiques), la règlementation, les profils de services et les données de recherche, ou l’obtention d’informations objectives et fiables par les patients, demeurent également déficients.
L’OMS invite les États membres à déterminer quelle est leur propre situation au regard de la médecine traditionnelle, puis à définir et appliquer des politiques, règlementations et lignes directrices qui tiennent compte de ces réalités. Elle encourage les États membres à remédier aux difficultés en organisant leurs activités dans trois secteurs stratégiques. D’abord, dans le renforcement de la base de connaissances pour une gestion active de la médecine traditionnelle via des politiques nationales appropriées qui comprennent et reconnaissent le rôle et le potentiel de la médecine traditionnelle.
Ensuite, il faudra penser au renforcement de l’assurance-qualité, de la sécurité, de l’usage approprié et de l’efficacité de la médecine traditionnelle en règlementant les produits, pratiques et praticiens grâce à l’éducation et à la formation à la médecine traditionnelle. Le développement des compétences, des services et des thérapies joue aussi un rôle important.
Enfin, l’OMS fait la promotion de la couverture sanitaire universelle en intégrant de façon adéquate les services de la médecine traditionnelle dans la prestation des services de santé et l’auto-prise en charge sanitaire, en capitalisant sur leur contribution potentielle à l’amélioration des services de santé et des résultats sanitaires, et en donnant aux utilisateurs les moyens de faire des choix éclairés concernant l’auto-prise en charge sanitaire.
Pour chacun de ces objectifs, le plan stratégique de l’OMS identifie un nombre de mesures qui la guideront ainsi que ses États membres, partenaires et parties prenantes. L’OMS compte aider les États membres à définir et à mettre en œuvre un plan stratégique correspondant à leurs propres capacités, situations et priorités ainsi qu’à la législation. L’OMS, selon le document, entend aider les États membres à repérer et à hiérarchiser leurs besoins, à mettre en place une prestation de services efficace, à établir une règlementation et une politique appropriée et à veiller à l’innocuité des produits et à la sécurité des pratiques.
Lors de la Conférence internationale sur la médecine traditionnelle pour les pays d’Asie du Sud-Est, en février 2013, la directrice générale de l’OMS d’alors, le Dr Margaret Chan, avait affirmé que « les médecines traditionnelles dont la qualité, la sécurité et l’efficacité sont avérées, participent à la réalisation de l’objectif de donner à tous un accès aux soins.
Pour plusieurs millions de personnes, les médicaments à base de plantes, les traitements et les praticiens traditionnels constituent la principale voire l’unique source de soins de santé. Ces soins sont proches des gens et faciles d’accès et financièrement abordables. Ils sont également culturellement acceptables et un grand nombre de personnes leur font confiance. Le caractère financièrement abordable de la plupart des médicaments traditionnels les rend d’autant plus attrayants à l’heure où les frais de santé explosent. La médecine traditionnelle apparaît également comme un moyen de faire face à l’inexorable montée de maladies chroniques non transmissibles».
La médecine traditionnelle suscite un intérêt grandissant à travers le monde, et cet intérêt continuera de croître partout. Elle s’avère indispensable en Haïti. Les autorités haïtiennes devraient s’inspirer du plan stratégique de l’OMS pour concevoir et mettre en place une stratégie nationale de la médecine traditionnelle qui pourrait servir de cadre de coopération avec l’OMS et d’autres partenaires. La médecine traditionnelle présente de nombreuses opportunités pour Haïti qui pourrait profiter de l’assistance de l’OMS pour se faire une renommée internationale dans le domaine.
Thomas Lalime
Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Source: LeNouvelliste 2020-02-22
Les Dernieres Nouvelles
- Covid-19: La pandémie qui a tué Dieu
- Gary Altidor: Une force incontournable de la Télédiffusion
- Covid-19, déglobalisation, replis nationaux et nouveau rôle d'Haïti
- Stanley Montour, un collaborateur de Tout Haiti, emporté par le Corona Virus
- L'ancien Premier Ministre Gérard Latortue en deuil