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Les menaces et les risques qui pèsent sur l'avenir économique d'Haiti

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Il est important que le gouvernement mette l'accent sur la mise en place d’une politique de sécurité nationale pour répondre au phénomène de criminalité qui progresse depuis des années en Haiti. Le pays peut perdre le bénéfice de l’investissement international dans la mesure où la recrudescence de l’insécurité expose tout le monde á des risques majeurs. Il est généralement admis qu’aucun opérateur financier étranger ne va investir dans un pays où  l’Etat n’arrive pas à contrôler  la violence, l’instabilité politique et les actes de banditisme. Tout en étant  conscient de la volonté manifestée par le Premier ministre Lamothe de faire avancer les choses, il doit travailler parallèlement pour encourager l’établissement d’un climat sécuritaire  afin d’attirer les investissements étrangers.

En effet, l’expérience de longues années de criminalité n’est pas sans effet sur le ralentissement des investissements. La persistance d’une telle situation tend á décourager les investisseurs nationaux et étrangers de prendre l’avantage des appels lancés par le Premier Ministre en les invitant á investir en Haiti. L’insécurité et l’investissement ne font pas toujours bon ménage,  il faut la stabilité politique pour garantir la stabilité de l’investissement. C’est le cas d’un agent économique qui veut diversifier son portefeuille d’actifs á l’échelle internationale, mais il doit trouver un marché financier sécurisant comme une destination importante pour placer ses avoirs. Donc,  les actes de kidnapping, les vols à main armée, les attaques contre les gens qui effectuent des transactions bancaires, l’exécution sommaire des citoyens paisibles dans leur domicile  y compris d’autres personnes assasinées en pleine rue ne vont pas assurer le succès d’une politique économique basée sur l’investissement et le tourisme.

La décision d’investir est fonction d’une analyse du risque de pays comme étant la condition essentielle pour qu’un  investisseur étranger puisse exploiter des ouvertures de marché et d’ explorer de nouvelles places financières. Dans tous les pays où la violence et l’instabilité ont causé des préjudices graves au système économique, les Etats réagissent en maintenant des pressions fortes  pour répérer les auteurs des actes de banditisme à l’aide des “check point”, des fouilles systématiques où la mise en place des mécanismes de contrôle et de surveillance  couvrant l’ensemble du territoire. La structure militaire d’autrefois a été un modèle idéal de par ses caractéristiques, car elle consistait à placer des avant-postes à l’entrée de chaque ville ou des faubourgs pour contrôler les mouvements d’entrée et de sortie des personnes en voiture.

Les responsables de l’institution militaire ont aussi documenté les plaques d’immatriculation de chaque véhicule qui entrait dans une ville de province. De plus, en période de trouble, ils ont établi des recherches et des fouilles munitieuses  dans  tous les coins de la capitale pour répérer les armes illégales en circulation. Pour protéger la société contre les dérives et encourager une meilleure qualité de la vie, tout Etat moderne ou tout gouvernement responsable doit établir sa propre brigade de vigilance dont la composition peut se faire avec des agents spéciaux  ou des policiers bien entrainés pour contrôler la circulation des personnes illégalement armées et ceci  sans disctinction de classe, de couleur ou de statut socio-économique.

Une telle stratégie sera importante en ce sens qu’elle va contribuer á la réalisation de l’objectif de désarmement et de récupération des armes détenues illégalement par des inconnus. Sans les armes, les bandits n’auront plus  les mêmes moyens et la capacité de fonctionner, de mener  les  actes de kidnapping aussi bien que les attaques contre les gens qui vont á la banque pour effectuer des  transactions  sur leur compte.

Entre autres, la création d’un environnement politique stable se revèle  nécessaire pour assurer  non seulement une bonne gestion  macroéconomique, mais aussi l’intégration des haitiens de la diaspora dans le système financier en raison du rôle économique que ces derniers continuent á jouer dans le pays. Il ne serait pas souhaitable que les dirigeants politiques actuels  se laissent emporter par les privilèges du pouvoir pour détourner leur attention sur les problèmes fondamentaux du pays  comme il a été le cas pour  tous les gouvernements antérieurs.  Nous sommes á un moment crucial de l’histoire où tout le monde doit  prendre conscience de notre  recul par rapport au reste du monde.

La mendicité et la politique des dons des pays extérieurs ne doivent pas être un critère de choix pour gérer l’avenir financier d’Haiti. Les deux options nous ont conduit á l’humiliation et au désespoir en nous privant de nos droits et  de notre décision de définir  les besoins et les  priorités de notre développement .  L’étiquette de pays le plus pauvre de l’hémisphère constitue la joie et le plaisir de certains  pays pour continuer á nous acculer et  nous inférioriser, spécialement á fouetter  notre orgueil de premier peuple noir libre du monde moderne. Aussi, on ne peut parler de dignité lorsqu’un pays est acculé á collecter de l’aide financière de n’importe quel montant négligeable en provenance des pays donateurs.

Cela est d’autant plus choquant  de constater que certains pays de  la Caraibe moins avancés que nous dans le temps disposent maintenant d’un  budget annuel  de fonctionnement qui  se chiffre á des milliards de dollars. Il s’agit d’une assistance financière convertie en aide humanitaire en passant par la multiplicité des ONG qui fonctionnent á travers le pays.

De plus, les données économiques compilées n’ont jamais révélé l’effet multiplicateur de l’aide internationale dans un pays caractérisé par la faiblesse des infrastructures, les fluctuations  macroéconomiques, un taux très bas de formation du capital, la faiblesse du ratio du PIB, l’instabilité monétaire et le déséquilibre profond de la balance des comptes. De plus, un pays ne peut pas vivre exclusivement de l’aide financière, le gouvernement de Martelly/Lamothe doit travailler en ce sens pour établir des mécanismes de renforcement de notre capacité de solvabilité afin de permettre au pays d’obtenir des prêts internationaux.

L’actuel Ministre des Finances l’a bien compris et elle semble aborder le problème avec plus d’intérêt que ses prédécesseurs en posant les bases d’une nouvelle politique de transparence et de contrôle des finances publiques afin de faciliter une nouvelle génération de revenus. Une telle politique peut permettre á l’Etat de compter sur ses propres moyens et de faire une meilleure utilisation des ressources fiscales pour financer l’aide publique au développement en tenant compte des besoins d’ordre prioritaire. La diaspora apprécie également la position du Ministre des Finances en montrant son désaccord avec la mesure d’annulation de la dette d’Haiti qui diminue sa chance d’avoir accès aux prêts internationaux en augmentant le risque souverain.

 Par ailleurs, le défi qui nous attend est plutôt dans la lutte pour  le rétablissement de  notre dignité et de notre fierté de peuple que nous avons perdues depuis longtemps. Sur ce point,  il est important que notre priorité se concentre sur le relèvement du défi de la pauvreté, la  reduction de la faiblesse de nos institutions, la mobilisation de nos ressources et moyens pour promouvoir le développement et la modernisation du pays. La nouvelle structure á mettre en place ne doit pas réfléter la même déficience du passé, il faut encourager un changement capable de privilégier les intérêts nationaux contre les intérêts de groupe ou de clan.

Emporté par l’esprit de compétition farouche, chaque haitien veut se distinguer des autres á partir des privilèges matériels acquis soit en provenance du pouvoir politique ou d’autres sources en rapport avec le type d’activité qu’il embrasse. Cette philosophie de la vie entraine une nouvelle forme de comportement basée sur le maintien exclusif des intérêts personnels au détriment des intérêts  du pays. Les haitiens de la diaspora ont payé un prix très fort en se montrant plus humain et plus généreux á apporter leur soutien á la misère du pays.  Ils sont plus aptes á aider  les haitiens de l’intérieur en difficulté que ce soit en  temps normal ou á l’époque des  catastrophes naturelles .

En référence á la réalité actuelle, la compétition ne réside pas dans le desir et la détermination de chaque haitien de prouver aux étrangers  que nous sommes  en mesure de gérer le destin  de notre pays. Il est plutôt préférable que chacun s’accroche á l’idée  de sauter sur une occasion pour s’enrichir rapidement. La thèse selon laquelle il ne faut pas être reconnaisant á la misère détermine cet appétit excessif du gain personnel que nous retrouvons chez chaque haitien. Une telle approche, bien sûr, caractérise les fondements d’une mentalité propre au sous-développement laquelle se manifeste particulièrement dans certains pays du Tiers-Monde où les gens ne respectent pas le principe de répartition .

A vrai dire, le gouvernement de Martelly/Lamothe n’est pas responsable de la situation actuelle qui  est la résultante logique de l’échec des gouvernements antérieurs et aussi de l’ héritage lourd  que ces derniers ont pu laisser en livrant le pays à la mendicité et á la merci des  dons internationationaux. Il s’agit des gouvernements qui n’avaient aucune vision de politique économique et monétaire capable de promouvoir la stabilité financière, de lancer le pays vers la voie du développement et de la croissance. Nous pensons qu’il n’est pas raisonnable de blâmer ou d’anticiper tout jugement de performance en ce qui concerne  l’administration Martelly, laquelle a seulement une durée de quatorze  mois de gestion gouvernementale.

Certes, il faut leur accorder plus de temps pour arriver á une estimation ou une appréciation valable du bilan de leurs réalisations á partir des indicateurs séléctionnés. Nous devons tous apprendre les leçons du passé en nous rappelant que le passé  est le meilleur prédicteur du futur. Personne ne souhaite le retour á l’ancien système qui nous a valu la perte de notre souveraineté et de notre autonomie financière. Cependant, si le nouveau gouvernement ne prend pas une nouvelle direction pour se distancer de l’inefficience des modèles politiques traditionnels,  il risquera de déboucher sur le même échec enregistré par les régimes précédents et la résurgence de l’ancien système serait catastrophique pour le pays, y compris l’avenir politique de la nouvelle génération de classe moyenne.

Selon la thèse d’un sociologue argentin, tout nouveau système doit produire des résultats plus bénéfiques pour éviter la réapparition du système antérieur. Un exemple pertinent est celui de l’ancienne doctrine de la russie soviétique. La transition d’une économie planifiée á une  économie de marché n’a pas produit de meilleurs résultats en termes de services sociaux de base que l’ancien régime de la république socialiste. Donc, le retour de la ligne dure du modèle soviétique avec la montée des ultra nationalistes comme Vladimir Poutine et Dimitri Medvedev devient inévitable en raison de la dysfonctionalité du nouveau régime qui avait vu le jour après l’éffondrement du bloc socialiste. La politique économique d’un tel régime n’a pas répondu aux aspirations de la majorité du peuple russe, car elle a contribué á creuser davantage le fossé entre les riches et les pauvres. A défaut de la pratique d’une démocratie libérale, on doit reconnaître aussi les bienfaits du régime de l’ancien empire socialiste en permettant l’existence d’un monde mieux équilibré bien que nous ne partagions pas leur idéologie.

Tout en appreciant la volonté manifeste de la  nouvelle administration Martelly/Lamothe pour assurer le redressement et la performance de notre économie, Il est absolument important que chacun, dans une perspective de sauvetage, apporte sa contribution en soutenant les démarches en cours pour sortir le pays de sa  situation de crise . Nous souhaitons aussi que cette volonté se justifie dans les faits et les actions concrètes, et non dans les discours.  L’important est de faire de telle sorte que l’intérêt du pays prime sur l’appartenance politique de tout un chacun.

En cas où le  gouvernement veut oeuvrer dans une direction positive, nous pensons qu’il  est du devoir de tous les Haitiens de l’intérieur et ceux de l’extérieur  d’encourager un tel  effort si la notion de pays demeure pour nous une  priorité essentielle.

Sobner Lhérisson
Economiste Financier New York State Departement de Banque et des Services Financiers
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Source: Le Nouvelliste