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Vidéo: Haiti-Inflation - Quand les prix des produits de base décollent en flèche
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La hausse des prix des produits alimentaires de base continue d'inquiéter alors que la grogne dans les villes de province enfle. Le gouvernement a annoncé des mesures très vite jugées cosmétiques.
Entre temps, le taux de fréquentation des supermarchés chute alors que le sommeil emporte certaines marchandes des marchés publics devant leur étal très peu achalandé
par Edner Fils Décime
- Au marché Salomon à Port-au-Prince, ce n'est pas la bousculade habituelle à la rue Fequiere. Les marchandes, le menton calé dans la main, regardent, l'air lointain, passer acheteurs et acheteuses.
Les refrains incitant à l'achat ne sortent pas des lèvres. A part des tintements sur une bouteille et un « bois de l'eau, l'eau c'est la vie » qui se mêlent aux bruyantes voix, ce n'est pas le marché Salomon d'il y a deux mois.
« La vente est au point mort, les gens ne viennent plus au marché. J'ai déjà fait deux bonnes petites sommes », confie une marchande. Il est 10h32 du matin.
Riz, maïs, pois, huile, pate de tomate, harengs saures et sel sont étalés devant elle. Pas un acheteur ou une acheteuse ne s'est montré.
« Dans moins de deux mois, le sac de riz [8 marmites et demie] « pèpè » est passé de 800 à mille gourdes. Le prix du maïs [de même capacité] est passé de 800 à 1 200 gourdes, [pour une certaine marque] », informe notre marchande.
Dans ce cas la petite marmite de riz se vend à 30 gourdes alors qu'elle coûtait 20 au mois de juillet 2012.
La petite marmite des produits tels haricots (pois), maïs, farine, blé a augmenté au moins de 5 gourdes. Ce qui constitue au minimum le quart du prix en juillet 2012.
A cette époque, Maudelaine Pierre avait besoin de moins de 500 gourdes pour donner à manger plus ou moins correctement aux trois membres de sa famille.
« Depuis le carnaval des fleurs, on dirait que la malchance poursuit le pays. Même avec 750 gourdes j'arrive à nourrir ma famille difficilement », se lamente-t-elle.
Un gallon d'huile dont le prix avoisinait 255 gourdes en juillet 2012 coûte 350 gourdes en ce mois de septembre 2012.
Les petites bourses se contentaient du hareng saure ou du hareng sel quand elles ne pouvaient se procurer de la viande. Aujourd'hui, même le prix du hareng n'est pas à leur portée.
« Moi, je choisis de ne pas vendre le hareng. C'est trop cher dans les dépôts. La caisse qui a couté mille gourdes [en juillet 2012] se vend jusqu'à 2 250 gourdes maintenant [septembre 2012] », nous informe une marchande.
Et ce n'est pas pour démentir Maudeleine, achetant un hareng saure à 50 gourdes alors qu'elle le payait avant 25 gourdes.
Le prix a tout simplement doublé !
« J'ai perdu la majorité de mes clients dans moins de deux mois. Je ne peux plus donner à crédit, tout le monde est devenu mauvais payeur. Mais je les comprends car l'argent ne circule plus chez les pauvres dans le pays », regrette une marchande dans la cinquantaine.
Montée vertigineuse aussi du prix de la farine. Nadia Moiseau, avec un sac de farine rempli aux trois quarts (il est 13 :26) devant elle, s'efforçant de cacher son désarroi, elle informe qu'un sac de ce produit est passé de « 1 200 gourdes à 1 600 gourdes ».
Deux mois auparavant, Nadia pouvait écouler deux sacs de ce produit avant 18 heures dans une journée.
« J'ai voulu voir de mes propres yeux »
Deux sachets noirs en polystyrène expansé en mains, dreads blanchis, Jude Chiron, accompagne sa femme Angeline Pierre, portant aussi des dreads locks au marché le 13 septembre 2012.
Pourtant ce n'est pas de son habitude.
« Je ne suis pas radin. Mais j'ai voulu voir de mes propres yeux. Mille gourdes n'arrivent pas à nourrir les 5 membres de la famille durant une journée. C'est révoltant ! », lance Chiron.
Et à sa femme de répondre avec un soupir : « tu as donc vu pour ton argent ».
« Notre argent ! », réplique le rasta.
Les supermarchés désertés...
Plusieurs responsables de supermarchés contactés par AlterPresse se plaignent de la rareté de certains produits et du retard de livraisons d'autres.
« Nos fournisseurs évoquent des problèmes avec la douane », nous confie un responsable de stock d'un supermarché de Delmas.
Il y va sans dire que le taux de fréquentation des supermarchés a diminué.
« Les consommateurs sentent venir la crise. Ils sont devenus très calculateurs », selon un manager d'un supermarché de PetionVille.
Saragine Charles, pédagogue dans la vingtaine, nous le confirme.
Même avec un salaire mensuel de 20 mille gourdes, Saragine n'arrive pas à danser ce compas.
« Je me contente du repas du travail. Je mange chez des amis et amies et n'achète que pour le petit déjeuner et le souper », nous confie-t-elle non sans tristesse.
Alors que dire d'un professeur d'université gagnant 6 mille gourdes à la Faculté des Sciences humaines de l'Université d'Etat d'Haïti ?
Dans quelles conditions vit donc la famille d'un ouvrier ou d'une ouvrière des zones franches de Caracol ou de Ouanaminthe qui gagne 155 gourdes par jour ?
Les prix flambent... mais les salaires ne bougent pas d'un pouce.
L'article 137 du code du travail haïtien ne préconise-t-il pas une augmentation de salaire de 10% à chaque fois que l'inflation touche le plafond des 10% ?
Et la grande masse des chômeurs ?
Source: Alterpresse
Video: Alterpresse
P-au-P, 18 sept.