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« Le ticket Romney-Ryan » 2012

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Par Prof. Esaü Jean-Baptiste -- Après son investiture aux primaires républicaines, le choix d'un colistier était l'une des grandes priorités de Mitt Romney dans le cadre de sa campagne à la course à la Maison-Blanche. Après plusieurs mois de consultations, le candidat présidentiel du GOP a finalement révélé l'identité de celui qui, avant la Convention nationale en Floride, complète le «ticket» républicain de 2012.

 

Le choix d’un vice-président, bien entendu, avec l’analyse minutieuse du parcours et l'expérience de chaque candidat n’était pas un exercice facile pour Romney et son équipe de campagne. Si la prudence était de ne pas choisir un colistier qui puisse lui-même, de par sa compétence, expérience et éloquence être trop présent par rapport au candidat à la présidence, il ne doit pas être non plus trop effacé pendant les campagnes. ‘’Il n'est guère facile de choisir son vice-président, car celui-ci ne doit être ni trop présent au cours de la campagne électorale ni trop en retrait. Pour élargir l'horizon de son électorat, bien souvent, le candidat a tout intérêt à choisir un « ticket », avec lequel il ne partage pas tout à fait les mêmes idées. Il peut également choisir un « ticket » qui possède des qualités propres à palier ses faiblesses. L'essentiel est de se répartir les rôles : en l'occurrence, le « ticket » doit mettre en avant le candidat, le défendre et garder le second rôle.

Dans le cadre des présidentielles américaines de cette année, ces derniers jours, les analystes des médias locaux et internationaux spéculaient beaucoup sur le choix de celui qui devait être l'heureux élu pour accompagner Mitt Romney dans la course à la Maison-Blanche de novembre. Serait- il un latino? Un politicien avec une longue expérience, quelqu’un dans le camp des ultra-conservateurs ou du « tea party »? Un protestant? Une femme ou quelqu’un d’un état clé ? se demandait plus d’un.

Ohio et Portman n’étaient donc pas le choix

Dans la longue liste des candidats dans laquelle Mitt Romney devait choisir son vice-président, le nom de Rob Portman faisait toujours figure de favori.  Depuis des jours, des rumeurs couraient autour de son nom comme étant le potentiel "running mate" de l’ancien gouverneur du Massachusetts. Comme il était question pour l’ancien gouverneur du Massachusetts d’abord de choisir un colistier avant la convention ce qui pourrait lui permettre non seulement d’unifier le parti, mais aussi d’élargir son électorat, donc beaucoup pensaient que le candidat Romney partagerait son ticket avec le sénateur d’Ohio« avec qui il a tout à fait les mêmes idées ». ‘’Il n'en reste pas moins que Rob Portman est sénateur d'un Etat-clé pour l'élection présidentielle: l'Ohio. Un de ces fameux "Swing States" qu'il faut absolument se mettre dans la poche pour augmenter ses chances d'arriver à la Maison-Blanche. Une chose est sûre: choisir Rob Portman comme candidat VIP, ce serait mettre le paquet pour l'expertise économique et donc donner un signal très clair quant à la stratégie républicaine pour 2012 ".

La candidature de Rob Portman était présentie non seulement parce qu’il ‘’est un habitué du Congrès, mais encore un conservateur zélé qui a servi sous l'administration de George W. Bush comme directeur du budget et représentant au commerce. Il présente aussi l'atout considérable d'être élu d'un Etat crucial: aucun locataire de la Maison-Blanche républicain n'a été élu sans remporter l'Ohio, bataille qui s'annonce difficile pour 2012’’.

Face à toutes ces questions et surtout à quelques jours de la Convention républicaine à Tampa dans l’Etat de la Floride, le candidat à la présidence du parti républicain a finalement fait choix de son colistier en vue de la présidentielle américaine de novembre de cette année. Le nom du VP de Mitt Romney est donc révélé. Il s’appelle Paul Ryan.

Paul Ryan, le running mate

Il était très tard ce vendredi 10 août quand mes sources de Washington m’avaient confirmé que l’ancien gouverneur du Massachusetts choisira comme vice-président le représentant du Wisconsin lequel est aussi un Etat crucial pour les Républicains.  A part cela, quels sont les autres critères qui ont poussé le candidat républicain à faire de Ryan son colistier, demandai-je à un ami professeur et aussi membre influent du parti républicain. Il répondit : «tu te rappelles la déclaration de Mitt Romney à Grand Junction dans le Colorado : ‘’Quand vous regarderez la personne que j'aurai choisie, vous vous direz que cette personne pourrait être la président, si cela été nécessaire. Et c'est pour moi le critère le plus important’’, me rappelait le professeur.

Mes sources avaient raison.  Effectivement, c’est ce samedi 11 août que Mitt Romney a révélé l’identité de l'élu du Wisconsin (nord) Paul Ryan comme colistier. «De temps à autre je fais des erreurs, mais je peux vous dire que je n'ai pas fait d'erreurs avec ce type », a-t-il déclaré.

Lors de son discours de présentation de Ryan prononcé à Norfolk, en Virginie, Mitt Romney a aussi lancé", Avec son énergie et sa vision, Paul Ryan est devenu un leader intellectuel du parti républicain. Il a conscience des défis budgétaires qui attendent l'Amérique, de nos déficits, de notre dette accablante, et de la catastrophe qui nous attend si nous ne changeons pas de voie ".

Le choix de Ryan à quelque jours de la Convention du GOP, plus particulièrement ce week-end, est un coup stratégique calculé. Il intervient à un moment important pour Mitt Romney car de récents sondages donnent au président sortant Barack Obama une nette avance. « Le Wall Street Journal avait lui aussi appuyé le choix de M. Ryan. Des experts soulignaient cependant que son programme fiscal et budgétaire est de la "dynamite politique" que Romney devra assumer. L'annonce du choix du colistier intervient à un moment délicat pour Mitt Romney alors que les sondages donnent au président Obama une nette avance sur son rival républicain qui se retrouve sous pression à trois mois de la présidentielle de novembre. M. Obama distance son adversaire aussi bien dans les enquêtes d'opinion nationales que dans la plupart de la dizaine d'Etats "indécis" qui détermineront l'issue du scrutin du 6 novembre. Un sondage national Fox News paru jeudi plaçait M. Obama en tête avec 49% des intentions de vote contre 40% pour M. Romney. Une autre enquête réalisée par CNN le même jour donnait le président démocrate sortant à 52% contre 45% pour M. Romney’’.

Le profil de Paul Ryan

Né le 29 janvier 1970 à Janesville, dans le Wisconsin, Paul Davis Ryan est un homme politique et cadre du Parti républicain.  Il est aussi membre du Congrès des Etats-Unis où il représente la première circonscription du Wisconsin depuis 1999. [ Il préside l'influente Commission du Budget à la Chambre des Représentants, où il défend un programme fiscal et budgétaire considéré par les démocrates comme particulièrement pénalisant pour les plus pauvres et les plus âgés. A 42 ans, il est devenu l'un des élus républicains les plus influents de la Chambre des représentants, en s'attaquant à la dette faramineuse de l'Etat. Le visage sérieux et émacié, Paul Ryan est loin d'être un nouveau venu en politique: il a été sept fois élu à la Chambre et a travaillé au Capitole, siège du Congrès des Etats-Unis, pendant près de la moitié de sa vie. Il plaide pour une nouvelle direction générale de l'économie, et a proposé en début d'année un projet de budget censé "offrir à la nation une meilleure voie pour l'avenir".

Questionnement autour de ce choix

La désignation de Ryan comme VP candidat pour le ticket républicain de 2012 ne fait pas, et c’est toujours le cas, l’unanimité parmi les analystes politiques. Son choix suscite bien des remous au sein de la classe politique et de la société civile américaine. Beaucoup de questions sont posées par des experts de la politique américaine et internationale. Certaines de ces questions ont obtenu des réponses et d'autres méritent que l'on s'attarde là-dessus. A dessein, certains se demandent quelles seraient les retombées positives ou négatives d’un tel choix.

Effectivement, quelques heures seulement après la nomination de Ryan comme partenaire de campagne de Mitt Romney, déjà, il est soumis à de rudes épreuves. Car ‘’dès l'annonce de son nom comme colistier, les journalistes et analystes politiques se sont montrés intéressés au moindre détail de la personnalité de celui qui doit épauler l’ancien gouverneur du Massachusetts durant les campagnes des élections générales vers la course à la Maison-Blanche ’’.

Jim Messina, qui dirige l'équipe de campagne d'Obama,  pense que  « Mitt Romney a choisi un élu influent de la Chambre des représentants qui partage sa conviction dans une mauvaise théorie économique: elle consiste à croire que de nouvelles exemptions fiscales pour les plus riches, qui grèveront le budget, associées à la mise en place d'un fardeau plus lourd sur les épaules des classes moyennes et des plus âgés, permettront d'une manière ou d'une autre d'avoir une économie plus forte ».

Pour certains, ce choix est important, puisque il devrait influencer une bonne partie des électeurs que lors des primaires républicaines  l’ancien gouverneur du Massachusetts avait eu du mal à séduire, tandis que, d’autres sont pessimistes quant à l’apport donner du VIP auprès des électeurs encore opposés à Romney. Peu importe les commentaires des uns et des autres, en faisant choix de ce ‘’running mate’’, l’équipe de campagne du candidat veut répondre à  différentes stratégies pour palier les faiblesses de Romney. Car ‘’si un bon choix ne permet pas toujours de rapporter des voix, un mauvais choix peut se révéler dévastateur ’’.

Vu sa jeunesse, Ryan peut mobiliser les jeunes électeurs qui sont indécis et indépendants à la cause de l’ancien gouverneur du Massachusetts. ‘’A 42 ans, bien dans son corps et pas froid aux yeux: Paul Ryan apporte un coup de jeune à la campagne Romney ". A 65 ans, Mitt Romney passe lui aussi pour beau gosse, plutôt bien conservé, mais sa campagne commençait à sérieusement à s'en ressentir.

Mise à part de sa jeunesse, il pourrait aussi, dans d’autres domaines, grandement aider à la campagne. Avec lui comme running mate, l’aile dure conservatrice peut finalement se retrouver avec le représentant du Wisconsin. ‘’Avec Paul Ryan à ses côtés, Mitt Romney devrait enfin s’assurer le soutien des conservateurs « purs et durs » qui lui ont mené la vie dure durant les primaires et le trouvent encore beaucoup trop « centriste » ou « timoré ». Comme le pressentait la semaine dernière déjà Ezra Klein, l’excellent blogueur du Washington Post, en choisissant Ryan, Romney associera enfin pleinement ces ayatollahs à sa campagne. Cela devrait réveiller les forces du Tea Party, qui s'étaient montrées particulièrement efficaces dans la campagne des "midterms", à l'automne 2010 ’’.

D’autres considérations,  c’est que Ryan peut, dans une certaine mesure, mobiliser le secteur des "cols bleus" qui peine à se reconnaître en Romney et dont les votes seraient très utiles aux élections de novembre.  ‘’Paul Ryan devrait aider à corriger l’image un peu trop « cuillère d’argent » de Romney. La légende Ryan veut qu’à 16 ans, il découvre son père mort d’une attaque cardiaque sur son lit et décide dès ce moment de se renfermer sur les livres pour parfaire son éducation. Travailleur acharné, il enchaîne les petits boulots de serveur ou de moniteur de club de gym avant de pouvoir se dédier entièrement à la politique. Jusqu’à présent, Ryan a su en tous cas parler aux « cols bleus », qui peinent à se reconnaître en Romney.  Sa circonscription, au sud du Wisconsin, est de tradition encore ouvrière et avait voté Obama en 2008 ’’.

Désavantages

S’il y a des avantages, il y en a aussi des désavantages.  ‘’Ce ticket Romney-Ryan ouvre un boulevard aux démocrates pour faire porter le débat sur les inégalités sociales et la défense d’un minimum de protection sociale, plutôt que sur le chômage et l’état pas très reluisant encore de l’économie. Pour un certain nombre d’indépendants, ou tous ceux qui se préoccupent de leur couverture santé, le zèle libéral de Paul Ryan pourrait être aussi un peu too much. Par le passé, Ryan se voulait même disciple d’Ayn Rand, l’une des principales théoriciennes du libertarianisme. Il a dû déjà prendre un peu de distance en précisant n’être pas un « libertarien pur et dur » et ne pas partager notamment l’athéïsme radical d’Ayn Rand’’.

En outre, on pourrait aussi lui reprocher d’être un «insider» de Washington.. ‘’Au moment où les Américains plus que jamais conspuent "le bourbier washingtonien", Romney a choisi là un pur produit de Capitol Hill. Avant même de se faire élire au Congrès, en 1998, ce champion du « moins d’Etat » avait débuté sa carrière à Washington, comme assistant parlementaire.

De plus, de George Washington à Barack Obama, à l’exception de John F. Kennedy qui était catholique, tous les autres présidents américains sont des protestants. Quand le candidat lui-même n’est pas protestant aussi bien que son running mate, il y a matière à questionner vraiment l’apport éventuel du représentant de Wisconsin au ticket. ‘’Un catholique pour décontaminer le mormon ? En 1960, la religion catholique de John Kennedy faisait sensation. Cette année, c’est le mormonisme de Romney qui est encore un peu dur à avaler pour un certain nombre d’électeurs américains.  Et voilà que Mitt Romney ajoute un catholique à son fardeau !.’’

Mise à part sa foi, ‘’Paul Ryan vient du Wisconsin, pas de l’Ohio ou de la Floride, comme d'autres, pressentis pour ce poste de vice-président (Rob Portman et Marco Rubio, longtemps donnés bien placés pour le poste).  Le Wisconsin n’est pas totalement sans intérêt dans l'élection présidentielle à venir: l’Etat a voté très largement Obama en 2008, avant d’élire un gouverneur républicain en 2010. La nomination de Paul Ryan obligera au moins les démocrates à y faire sérieusement campagne s’ils veulent remporter cet Etat. Mais le Wisconsin ne représente que 10 voix au collège électoral qui désignera le prochain président (sur un total de 538), contre 18 pour l’Ohio ou même 29 pour la Floride’’.

En matière de politique étrangère, Ryan n’a pas la compétence et l’expérience d’une Condolizza Rice, qui elle aussi était presentie à ce poste de vice-président.  Il n’a non plus l’expérience d’un Joe Biden. Ce qui pourrait dans le débat des vice-présidents faire obstacle au ticket Romney/Ryan 2012.  ‘’Pas plus que Romney, Paul Ryan n’a aucune expérience en politique étrangère’’.

Finalement, son passé de Congressman peut lui aussi faire défaut, particulièrement comment il a voté pendant ces dernières années ". Et si Ryan aussi était une girouette ? L’impitoyable coupeur de budget que l’on connaît aujourd’hui a aussi un passé : comme la plupart de ses amis républicains, Paul Ryan a voté dans les années Bush l’invasion de l’Irak, les baisses d’impôts, l’extension de la prise en charge des médicaments pour les retraités, puis le renflouement des banques et des constructeurs automobiles. Toutes mesures financées à crédit et à l'origine de l'endettement colossal qu'il s'agit aujourd'hui de résorber ’’.

En fin de compte

Peu importe les commentaires des uns et des autres, la décision de désigner son colistier est la plus importante qu'a prise le candidat républicain Mitt Romney depuis le lancement de sa campagne générale à la course à la Maison-Blanche.

Quant au président sortant Barack Obama, la question de son colistier n’avait même pas été posée.  Il conserve son actuel vice-président pour l’accompagner dans sa campagne de reélection. “Après quatre ans de bons et loyaux services, Joe Biden sera de nouveau à ses côtés pour le scrutin du 6 novembre ’’.

 
Prof. Esaü Jean-Baptiste
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Washington, DC USA Samedi 11 août 2012
Le Nouvelliste