Les Caraibes
Nous sommes nés ici et nous n'avons pas d'origine
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- Publié le jeudi 14 juin 2012 16:39
Des Dominicains nés de parents haïtiens en République dominicaine voient leur nationalité dominicaine annulée par la Junte centrale électorale (JCE). Mécontents, ces derniers ont manifesté mardi devant les locaux de la JCE à Santo Domingo et dans d'autres villes pour exiger le retrait immédiat d'une telle décision, laquelle les prive de leurs droits fondamentaux.
Même si les dirigeants haïtiens et dominicains claironnent souvent que les relations entre les deux pays partageant l'île sont au beau fixe après chaque incident, ce n'est pas vraiment le cas dans la pratique. Les immigrants haïtiens ne sont pas les seuls à être victimes de discrimination en territoire voisin, les Dominicains nés de parents haïtiens ne sont pas si aisés que ça, comme le croit plus d'un.
Une résolution dite « 12 » de la Junte centrale électorale annule la nationalité dominicaine de ces derniers. Cette résolution empêche les citoyens d'origine haïtienne de jouir d'un ensemble de droits que l'Etat est tenu de leur garantir comme celui à l'identité, à l'éducation, au vote, etc. Ces Dominicano-Haïtiens, qui sont déjà en possession de documents légaux, ne peuvent obtenir un acte de naissance. Bref, ils sont privés des droits les plus fondamentaux.
Révoltés, des Haïtiens d'origine victimes de cette décision des autorités dominicaines ont manifesté mardi devant les locaux de la JCE à Santo Domingo, selon une information rapportée par le quotidien dominicain Listìn Diario. Les protestataires, qui réclament la fin de la « politique de dénationalisation », représentent un mouvement dénommé « Reconocido ».
« On dirait que c'est une malédiction d'être descendants d'Haïtiens; ils sont victimes de toutes sortes d'abus et tous leurs droits fondamentaux sont violés », a déclaré Sonia Adames, représentante du Centre « Bonò ».
« Nous, les jeunes, nous ne pouvons pas être coupables des erreurs de nos parents, c'est une injustice de la Junte centrale », a indiqué, de son côté, Elena Lorac, tout en exhibant la copie de son acte de naissance, désolée du fait qu'avec ce document elle n'a pu obtenir sa carte d'identification (cédula) en vue de s'inscrire à l'université, il y a trois ans.
« Nous aimerions progresser afin d'aider nos parents qui ont passé toute leur vie à travailler dans les plantations de canne à sucre. Nous sommes jeunes et privés de nos droits, nous sommes nés ici et nous n'avons pas d'origine, or même les animaux ont une origine », a ajouté Elena Lorac, rapporté par Lisitìn Diario.
La jeune femme a expliqué que les Dominicains d'origine haïtienne aimeraient terminer leurs études universitaires et se lancer dans des activités productives différentes du statut de personnel domestique ou de celui de vendeur ambulant. En fait, selon radio Kiskeya, outre Santo Domingo, les manifestants, qui ont eu le soutien du Service jésuite des réfugiés, du Centre Bonò et d'autres organisations, ont également défilé dans plusieurs provinces pour faire entendre leur voix. Ils ont aussi manifesté devant les bureaux de la Junte centrale électorale dans les villes de Bayaguana, Guaimate, La Romana, El Seibo, San Pedro de MacorÃs, Consuelo, Quisqueya et Ramón Santana.
« Je veux progresser et la Junte m'en empêche, je veux étudier et la Junte m'en empêche, je veux travailler et la Junte m'en empêche », scandaient les protestataires cités par la radio locale. Certains d'entre eux n'ont jamais mis le pied sur le sol haïtien. En fait, la question de la suppression illégale de la nationalité des Dominicains d'ascendance haïtienne a été portée devant la Cour intéraméricaine des droits de l'homme.
Encore un point que le président élu, Danilo Médina, qui sera investi dans ses fonctions en août prochain, doit insérer dans son agenda, s'il souhaite améliorer les relations entre les deux pays, déjà fragilisées par des événements malheureux et des décisions gouvernementales qui, souvent, révoltent...
Valéry Daudier
Source: Le Nouvelliste
13 Juin 2012