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Affaire des Jean Renel: Le pouvoir fait le mort

martelly-jean-renel-zokiLa présidence n'a exprimé aucune position officielle par rapport à l'affaire Sénatus/Sanon. Les deux antagonistes ont été auditionnés, la semaine écoulée, par le Sénat de la République. L'ancien commissaire se dit prêt à soutenir ses accusations à l'encontre du ministre de la Justice par devant un tribunal.

Il devient de plus en plus populaire dans l'opinion. Jean Renel Sénatus, désormais ex-commissaire du gouvernement, retourne à son cabinet à la rue O. Sénatus qui brandit toujours les différentes cordes à son arc, se dit fier de ses neuf mois au Parquet de P-au-P. Pourtant, son supérieur hiérarchique, n'a qu'un seul argument pour justifier sa décision, l'insubordination. Une accusation difficilement cautionnable.

Le silence présidentiel

Une semaine déjà depuis la mise à pied de Jean Renel Sénatus. Le Palais national et la Primature, bizarrement restent en dehors du déballage de linges sales médiatisé qu'elle a engendré. D'une source proche du chef de l'État, on apprend que l'affaire a été longuement débattue. Michel Martelly s'apprêtait à renvoyer le ministre Jean Renel Sanon qui aurait agi tout seul dans cette affaire. Une fois revenu en Haïti, le Président s'est trouvé dans une situation un peu gênante par l'ampleur de ce dossier.

En effet, selon notre informateur l'Exécutif n'a rien à voir avec le licenciement du commissaire Jean Renel Sénatus. Son travail était dignement apprécié par le Palais national. L'intention première du chef de l'État était de le réhabiliter et puis de renvoyer le ministre de la Justice. Cependant, Michel Martelly au cours d'une conversation avec ses proches s'est rétracté pour ne pas tout chambarder, car les nombreuses sorties de Sénatus déballant tout sur la place publique a tiqué certains conseillers. On estime même que le Président aurait pu être dénoncé par « Zo Kiki » s'il lui avait demandé une faveur. Martelly a décidé de ne pas retourner sur la décision du ministre en dépit de certains désaccords.

Dans l'entourage de l'Éxécutif, on prétend qu'avec cette attitude l'ex commissaire affiche clairement une dérogation de son droit de réserve comme ancien fonctionnaire de l'État. « De plus, le contexte politique ne s'y prête pas », opine notre interlocuteur qui composa un numéro de téléphone. Nous avons voulu savoir la position du chef de l'État sur les graves accusations à l'encontre de son ministre de la Justice. Avant de répondre, notre source nous rappelle qu'elle veut rester dans l'anonymat. « Le Président exige des preuves pour motiver une quelconque décision », révèle-t-elle.

Du côté de la Primature, on ne commente pas non plus ce dossier qui met à nu la légèreté et l'improvisation de nos hommes d'État. Le garde des sceaux de la République est accusé d'implication dans le trafic de la drogue et de proxénétisme. L'ancien commissaire indique même un lieu où se pratiquerait la prostitution juvénile pour le compte du ministre. « Montez à Turgeau, tout droit. Montez, montez et vous trouverez », répond Me Sénatus sous l'insistance des journalistes réclamant des preuves. Joint au téléphone, le secrétaire général de la Primature, Me Michel Brunache se garde de tout commentaire.

Le Sénat comme prétoire

Le renvoi du populaire chef du Parquet a provoqué maintes réactions dans l'opinion. D'ailleurs c'est par la voix des ondes que ce serviteur du gouvernement a appris sa révocation. Circonspect, Sénatus refusait toute déclaration publique. Mais la justification du ministre de la Justice a tout chambardé. « Il est frappé d'une mise en disponibilité pour insubordination », argumente Jean Renel Sanon, embarrassé par le tollé soulevé par cette décision inélégante. Pour sa part, l'ancien commissaire attaché à ses références légales mouille son ancien supérieur hiérarchique. « Je ne saurais hypothéquer mon avenir pour quelqu'un ayant des accointances avec des drogues dealers et qui se vautrent dans la prostitution juvénile », balance Me Sénatus avant d'ajouter qu'il attend le retour du chef de l'État pour tout gâter.

A l'écoute de la République et afin de rétablir la vérité des faits, le grand Corps s'implique. Les deux protagonistes ont défilé à la salle de séance du Sénat la semaine écoulée. Pas dans la même posture. Reçus en audience séparée à intervalle de vingt quatre heures, le ministre de la justice et l'ancien commissaire de P-au-P ne se montrent pas conciliants. Apparemment le seul nom de Sénatus agace le ministre Sanon, pourtant son homonyme. « C'est un individu qui vous adresse la parole avec irrévérence », peint le garde des sceaux parlant de l'ex-chef du Parquet. « Il a osé écrire au ministre des Finances pour lui demander une franchise sans passer par moi », poursuit Me Sanon coincé par la commission Justice du Sénat. Le ministre martèle enfin qu'il n'entend nullement revenir sur sa décision.

C'est autour de Jean Renel Sénatus, Zo Kiki affectueusement, d'être reçu au Sénat. Au cours de ses deux heures d'audition, l'homme de loi maintient ses accusations à l'encontre de son ex- supérieur hiérarchique. Il revient à charge contre Josué Pierre Louis, actuel président du CEP qui lui aurait demandé d'arrêter Me Newton St-Juste et André Michel. Ces derniers mènent une procédure judiciaire contre la famille présidentielle accusée de corruption. Fort de ses quinze ans d'expérience, l'ex-chef du Parquet compile son dossier pour une action en justice contre le ministre Sanon. Une démarche qui risque d'achopper aux rapports concomitants entre la politique et la justice dans le pays.

Durant son audition, Jean Renel Sénatus a remis la fameuse liste de trente six personnes qu'il devait arrêter sur ordre du ministre afin « de faire plaisir au Président ». Si au lendemain de sa révocation, Jean Renel Sénatus avait évoqué une liste d'opposants au pouvoir, curieusement il s'agit d'individus impliqués dans divers cas répréhensibles. Un ordre malgré tout illégal pour Sénatus. Cet homme de loi a rencontré les plus hautes autorités de l'État depuis sa rupture avec le pouvoir. Alors a-t-il manipulé l'opinion sur « cette fameuse liste » ? D'ailleurs pas question pour lui d'étaler le contenu de ses échanges avec ses anciens chefs. Sarcastique, il parle de « Secret d'État ».

Eddy Jackson Alexis
Source: Le Matin