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Gros budget, maigre bilan

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Le budget du Parlement a pété les plafonds au cours des dernières années. Au compteur, peu, trop peu de lois votées.

Politiquement, Jean Marc n'est pas marqué. Martelly l'indiffère presque autant que les pouvoirs d'inspiration lavalas de Préval ou d'Aristide. Quoiqu'attaché à la démocratie représentative, cet informaticien au chômage de 39 ans n'est pas prêt à donner l'absolution au Parlement, un pouvoir dont le budget a pété les plafonds au cours des dernières années pour des réalisations aussi maigres que les vaches d'Ethiopie en temps de famine. « Ces sénateurs et députés sont des bons à rien qui coûtent une fortune à la République », a tempêté Jean Marc, loin d'être le seul à avoir cette opinion.

Sans entrer dans les détails, un simple coup d'œil sur l'évolution des dotations budgétaires au Parlement révèle que ce pouvoir est pouponné, dorloté. Dans la loi de finances 2002-2003, le pouvoir législatif avait une dotation de 419 331 160 de gourdes, dont 180 145 150 gourdes pour le Sénat et 239 186 010 gourdes pour la Chambre basse. Et pour l'exercice 2012-2013, on se lèche les pouces au Bicentenaire : 2 067 893 862 gourdes réparties comme suit: 893 436 107 gourdes pour le Sénat et 1 174 454 754 gourdes. Au total, le paiement du personnel du Parlement est de 1 400 117 765 gourdes, ainsi ventilées: 598 138 931 gourdes au Sénat et 801 978 835 gourdes à la Chambre basse. Outre les 409 439 247 pour l'acquisition de biens et services, les parlementaires, députés et sénateurs confondus, disposent de 202 416 849 gourdes dans la ligne « subventions et quotes-parts ».

De l'argent et beaucoup d'argent. « Le Parlement coûte beaucoup trop cher, comparé à son bilan », a insisté le sénateur de l'Ouest, Steven Benoit. Le salaire brut d'un sénateur est de 121 000 gourdes et celui d'un député un peu moins, soit 97 000 gourdes, a expliqué Benoit.

Comme les ministres et les secrétaires d'Etat, les parlementaires reçoivent des frais de fonctionnement équivalent à un tiers de leur salaire. Chaque mois, un sénateur reçoit aussi 100 000 gourdes de frais pour faire fonctionner son bureau, a expliqué Benoit, passé à tabac par ses pairs députés il y a quelques années pour avoir divulgué des informations sur les émoluments et autres privilèges.

Critique aujourd'hui encore envers des sénateurs absentéistes, Steven Benoit a rappelé que la responsabilité d'un parlementaire est de travailler pour améliorer les conditions d'existence de la population. « Il y a un petit groupe de paresseux qui empêche une majorité de travailler », a dénoncé Steven Benoit.

Entre janvier et août 2012, le Sénat a réalisé 11 séances et ratifié le 11 juin 2012 l'accord de prêt relatif à la réhabilitation de Péligre. Les pères conscrits ont également ratifié une convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale le même jour. Le Sénat a voté seulement six lois et onze résolutions, dont cinq concernent la validation de choix de diplomates en poste à l'étranger, selon des sources dignes de foi.

D'une Chambre à l'autre, ceux qui ne se font pas les avocats du diable reconnaissent, du bout des lèvres, « que tout n'est pas ok à la Chambre des députés ». « Nous n'avons tenu que 10 séances, dont la dernière date du 22 août 2012, pour un total de trois lois votées. Celles portant sur l'organisation et le fonctionnement du Fonds national de l'Éducation, la loi de finances 2012/2013 et la loi fixant à cent mille gourdes le taux de compétence des tribunaux de paix en matière civile et commerciale», a reconnu un député, rictus embarrassé.

Un accord de prêt relatif à la réhabilitation de la centrale hydroélectrique de Péligre et une convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption ont été ratifiés, a poursuivi ce parlementaire, ajoutant qu'une dizaine de lois touchant plusieurs domaines ont été déposées à la Chambre des députés. Et au menu de la convocation à l'extraordinaire du Parlement, quelque cinq projets de loi sont dans le pipeline. Celui sur le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et ceux appelés à réguler l'administration électronique, les échanges électroniques. Dans le secteur des télécoms, on suit le projet de loi qui devra élargir les compétences du CONATEL.

Rien n'indique pour le moment qu'il y a aura une quelconque séance dans l'immédiat dans le cadre de la récente convocation du Parlement en session extraordinaire, a confié ce député. Et, en dépit des appels et des textos, les présidents du Sénat et de la Chambre des députés, Desra Simon Dieuseul et Levaillant Louis Jeune, n'ont pas réagi aux critiques formulées contre le Parlement.

Cependant, d'autres personnalités ont exprimé leur préoccupation. « Je pense que la situation est extrêmement grave au Parlement», a indiqué le cinéaste et opérateur social Arnold Antonin. « Les législateurs doivent légiférer. C'est une partie essentielle de leur travail », a-t-il rappelé, soulignant le rôle important du Parlement consistant à voter des lois, à ratifier les conventions et accords. Il y va de leur image sérieusement écornée dans l'opinion, a expliqué Antonin.

Le professeur Rosny Desroches de l'ISC a lui aussi déploré l'improductivité des parlementaires. « Malheureusement, on ne peut dire que la plupart des parlementaires considèrent l'élaboration et le vote de lois comme leur véritable priorité. Ils défendent souvent des intérêts personnels. Certains, cherchant des avantages pour leur circonscription ou leur département », a indiqué Rosny Desroches avant de revenir sur des lois en souffrance comme celles sur les banques ou les lois d'application de la Constitution de 1987.

Rosny Desroches, dur avec les parlementaires, n'est pas tendre non plus avec l'exécutif. Les gouvernements ne poussent pas toujours en faveur du vote des lois inscrites dans leurs agendas législatifs, a noté Rosny Desroches, expliquant que les faiblesses du cadre législatif, l'absence de politiques publiques ...sont imputables à ces deux pouvoirs.

Le pouvoir législatif, aujourd'hui sur le grill à cause de son maigre bilan pour des milliards de gourdes consommées, a vite été relogé après le tremblement de terre du 12 janvier 2010. Le 21 novembre 2011, il avait quitté des installations provisoires pour un local flambant neuf au Bicentenaire. Les Etats-Unis avaient casqué 1,9 million de dollars américains pour offrir un bâtiment confortable aux législateurs afin que ces derniers puissent travailler. En clair, voter des lois, des accords, des traités... Ce qu'ils font après beaucoup de « tanpri souple », comme s'ils étaient des bénévoles....

Roberson Alphonse
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Source: Le Nouvelliste