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Les morts par balle s'accumulent

fusillage-tir-insecurite-touthaiti-2Du 1er au 23 juin, 67 personnes ont été tuées par balles dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, selon la morgue de l'HUEH. Une tendance se confirme. Pour le premier trimestre de l'année 2014, la Commission épiscopale Justice et Paix en a compté 202. Les bandits armés refont parler la poudre.

Certains quartiers de la zone métropolitaine de Port-au-Prince sont redevenus rouges. A Martissant, le gang de Grand Ravine et Baz Pilate s'affrontent depuis quelque temps. Prise en sandwich, la population, déjà confrontée à ces épisodes violents, s'impose parfois un couvre-feu. On sait ici qu'il ne faut pas toujours compter sur la police. Les gens tués parce qu'ils se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment n'ont souvent droit qu'à un « pauvre diable ». Ils ne sont même pas considérés comme de simples dommages collatéraux.

Au quotidien, la mort déambule, jette son dévolu de manière presque aléatoire. Ses chevaliers n'ont aucun état d'âme. Le crime se banalise. La peur au ventre, Jacqueline, 29 ans, s'en remet à la providence. Ces temps-ci, au son des tirs qui déchirent le silence de la nuit, se mêlent les cris de résidents victimes de cambriolage. Pis de viol. Partir ? « Je m'en voudrais tellement si je partais et que quelque chose arrivait à ma famille », raconte Jacqueline. Elle n'est pas la seule en proie à ce désarroi, à vivre cet enfer. Des habitants de la route des Dalles, de 4e, 5e Avenue Bolosse partagent ce lot. Rien n'indique que le répit est proche. Presque au pied de ces fameuses avenues nichées sur les hauteurs du grand Carrefour-Feuilles, à Portail Léogâne, à l'entrée sud de Port-au-Prince. Jeudi dernier, deux personnes y ont été abattues. Il y a des spéculations autour du mobile de cet acte imputé à des tueurs du gang Grand Ravine. La veille, mercredi, Ronel Lafleur a été tué par balles par des individus circulant à moto au Bicentaire, non loin du Théâtre national. La victime ramenait sa mère à la maison après un voyage à l'étranger. Celle-ci a été blessée au moment de l'attaque.

Comme pour confirmer la thèse de la métastase, vendredi après-midi, Rose-Marie Ladouceur, 48 ans, a été tuée par balles sur la route de l'aéroport (boulevard Toussaint Louverture) par des individus circulant à moto. Elle et son mari, en revenant de leur magasin, ont été pris en chasse. Dans la course-poursuite, son mari avait perdu le contrôle du véhicule et percuté un camion. Le sac de Mme Rose Marie Ladouceur a été volé par les bandits, selon des informations consignées au procès-verbal du drame effectué par le juge Duny Dubé.

Samedi au crépuscule, lors d'un braquage qui a mal tourné dans un bus de transport en commun entre Delmas 2 et Delmas 4, des bandits armés ont ouvert le feu sur des passagers. Bilan : deux morts. Les premiers éléments d'information révèlent que les malfrats, énervés, avaient mal digéré que le conducteur du bus n'ait pas stationné à l'endroit indiqué. Pris en filature, deux d'entre eux ont trouvé la mort dans des échanges de tirs avec la police, révèle l'inspecteur Gary Desrosiers, porte-parole adjoint de la PNH. Deux armes à feu, dont un révolver 38, ont été confisquées, indique-t-il, en réaffirmant la volonté de la PNH de lutter contre la criminalité.

« Nous constatons qu'il y a des cas répétés de criminalité que nous combattons avec fermeté », assure Gary Desrosiers. Quant à la situation qui prévaut à Martissant, il assure que la PNH recherche Ti Kenken, le chef de gang de Grand-Ravine. « Il est l'un des responsables de toute cette violence à Martissant », souligne l'inspecteur Gary Desrosiers, qui appelle la population à fournir des informations à la police pour faciliter la capture de ces bandits. « Ces bandits ne sont pas vos amis », souligne l'officier de police qui se veut rassurant.

Lundi, quelques heures après l'assassinat par balles dimanche soir, en face du Rex, en plein cœur du Champ de Mars, d'un jeune homme, le registre d'admission à la morgue de l'HUEH raconte sa petite histoire sur les morts violents dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Du 1er au 23 juin, 67 morts par balles ont été recensés, confie Nabbé François, administrateur de la morgue. Pour le premier trimestre de l'année 2014, 269 morts violents ont été dénombrés à travers le pays. A elle seule, la zone métropolitaine de Port-au-Prince compte 202 morts par balles, informe Jocelyne Colas Noël, directrice et porte-parole de la Commission épiscopale nationale Justice et Paix. Les données sur l'autre trimestre sont en train d'être compilées. « La situation est très préoccupante », explique madame Noël. « Le plus préoccupant c'est qu'il n'y pas d'efforts significatifs pour combattre la criminalité », tacle-t-elle, sévère, envers la police et la justice.

Entre-temps, des responsables au sein de l'exécutif annoncent des plans pour combattre la criminalité dans la zone métropolitaine où la moyenne de décès par balles est de 60 cas par mois. Les mobiles de ces homicides ne sont pas toujours élucidés dans ce pays où circuleraient plus de 200 000 armes de poing, selon une étude réalisée en 2005 par une ONG européenne. Depuis, l'Etat n'exerce aucun contrôle sur la circulation des armes et des munitions qui tuent dans les quartiers précaires où le chômage crée la vocation d'assassin.

Roberson Alphonse
Source: Le Nouvelliste