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Analyse de l’Accord Tripartite du 29 Décembre 2014, véritable marché de dupes

caricature -martelly chanje chemise

par Edmonde Supplice Beauzile ---  Les Présidents Michel Joseph Martelly représentant l’Exécutif, Simon Dieuseul Desras, Jacques Stevenson Timoléon représentant respectivement le Sénat et la Chambre des Députés, Anel Alexis Joseph représentant le Judiciaire ont porté leur signature au bas d’un document dénommé « accord tripartite du 29 Décembre 2014. ILS ONT ARRETE ET CONVENU, lit-on dans le texte, sept articles qui prennent en compte la nomination du Premier Ministre, la formation d’un gouvernement de consensus, la reconstitution du Conseil Electoral Provisoire, la continuation de mandats parlementaires arrivés à terme le deuxième Lundi de Janvier 2015.

Cet accord, permet-il aux trois Pouvoirs de garantir la confiance dans les institutions en assurant leur bon fonctionnement dans l’ordre et la discipline et dans le respect de la Constitution et des lois de la République ? La Fusion rappelle que le pays traverse une grave crise. C’est au regard de cette conjoncture particulière que la Commission Présidentielle a soumis des recommandations approuvées dans leur intégralité par le Président Martelly.

L’article 1 dudit accord dispose : « le Chef de l’Etat nomme le Premier Ministre après consultation avec les Présidents du Sénat et de la Chambre des députés. Un gouvernement de consensus sera formé avec la participation des secteurs politiques de l’opposition, de personnalités haïtiennes connues pour leur patriotisme, leur sens civique, leur rectitude et leur intégrité, capables d’inspirer confiance à tous les acteurs politiques en général et à ceux participant au processus électoral en particulier ».

Qu’en est-il, en effet, du Premier Ministre nommé par arrêté présidentiel le 25 Décembre 2014 ? Cette nomination devient immédiatement caduque. Il faut attendre maintenant la publication de l’accord pour procéder à une nouvelle nomination. Comment les trois Pouvoirs vont-ils former le gouvernement de consensus avec la participation des secteurs politiques de l’opposition alors qu’ils sont tenus en dehors des démarches d’élaboration de l’accord ?

L’article porte en lui-même les germes de la confusion et ne fait qu’accentuer la crise. L’article 2 prévoit les amendements à la loi électorale, la ratification de la déclaration de politique générale du Gouvernement de consensus issu des négociations. Le Corps Législatif, convoqué à l’extraordinaire, doit s’exécuter avant le 12 Janvier 2015. Mieux, le Corps Législatif doit ratifier les instruments et accords internationaux et voter tous projets de loi mentionnés dans l’agenda de convocation, notamment le projet de loi créant et organisant le fonds national de l’éducation. Les parlementaires devront, avant la date butoir du 12 Janvier 2015, fournir un travail titanesque.

Former un gouvernement de consensus oui. Mais l’Exécutif a trouvé le consensus tout seul. Le gouvernement qui en découlera portera le sceau de l’Exécutif. L’article porte en lui-même les germes de la confusion et ne fait qu’accentuer la crise.

L’article 3 donne mandat au Chef de l’Etat de reconstituer le Conseil Electoral Provisoire en s’inspirant de l’esprit de l’article 289 de la Constitution en vue d’organiser les prochaines élections législatives et locales. Cet article confère le plein pouvoir au Président de former le CEP alors que cette démarche doit être consensuelle pour éviter toute contestation. L’article 289 donne la possibilité d’introduire 3 représentants de l’état. Ceci est à éviter à tout prix. Aucun compétiteur ne doit avoir de représentant au sein du conseil électoral.

Le Chef de l’Etat a déjà formé quatre Conseils en tenant compte de ses intérêts immédiats. A chaque fois, il a été démasqué. L’accord vient de prévoir que le Chef de l’Etat à lui seul reconstitue le Conseil Electoral Provisoire. Il lui donne toute la latitude d’agir nettement mieux que les fois précédentes. L’article porte en lui-même les germes de la confusion et ne fait qu’accentuer la crise.

L’article 4 fait obligation au Conseil Electoral Provisoire d’organiser les élections dans un délai ne dépassant pas cent vingt jours c’est à dire dans un délai de quatre mois.

Comment former un cinquième Conseil sans un accord politique ? La machine électorale mise en branle ne rassure pas. Au niveau des Collectivités territoriales, les Présidents des Bureaux Electoraux Départementaux, communaux, ont été dénoncés, notamment à Hinche, Cercacavajal, Jacmel et ailleurs. Seules de bonnes dispositions peuvent garantir la tenue d’élections générales, libres, transparentes et démocratiques à la fin de l’année 2015. L’article porte en lui-même les germes de la confusion et ne fait qu’accentuer la crise.

L’article 5 prolonge le mandat des parlementaires. Les Députés terminent leur mandat le 24 Avril 2015, les Sénateurs terminent leur mandat le 9 Septembre 2015. En vertu de quels principes ? Toute législature s’achève avec le départ des Députes et d’un tiers du Senat. Il faut dans cet ordre d’idées envisager une cinquantième d’exception pour le tiers qui reste jusqu’au mois de Septembre. L’article porte en lui-même les germes de la confusion et ne fait qu’accentuer la crise
L’article 7 prévoit que le non respect des clauses contenues dans le présent accord entraine son invalidité avec toutes les conséquences de droit.

En un temps record, le Premier Ministre, nommé dans le cadre de l’accord du 29 Décembre 2014, aura-t-il le temps de présenter sa politique générale avant le 12 Janvier 2015 ? Le Corps Législatif aura-t-il le temps de voter les amendements à la loi électorale, ratifier la déclaration de politique générale, voter tous les projets de loi contenus dans l’agenda de convocation avant le 12 Janvier 2015. L’article 7 est clair et sans équivoque. Le non respect des clauses contenues dans le présent accord entraine son invalidité. L’article porte en lui-même les germes de la confusion et ne fait qu’accentuer la crise

Les signatures qui suivent donnent lieu aussi à de graves confusions et ne font qu’accentuer la crise. Le Sénateur Desras, le Député Thimoléon, sont-ils les mandataires du Pouvoir Législatif ? De qui tiennent-ils leur mandat ? De l’Assemblée ou d’eux-mêmes ? Le Juge Anel Alexis Joseph est invité à remettre sa démission parce que, en maintes occasions, il s’est révélé l’homme lige du Président Martelly. De plus, le Sénat, n’avait-il pas pris une résolution demandant à Monsieur Alexis de se démettre. Aujourd’hui, que vaut sa signature ?

L’Accord est un marché de dupes. Il n’augure rien de bon. La Fusion croit qu’il est encore temps de conclure un accord politique en vue d’éviter le pire. Les responsables de l’Etat doivent comprendre qu’il y a péril en la demeure.

Edmonde Supplice Beauzile
Caricature: Le Nouvelliste