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Consultations et Résultats veut mettre les politiques publiques au cœur des débats

lafortune marie laurence  lassegue

La firme Consultations et Résultats a organisé le vendredi 30 septembre 2016 au Karibe Convention Center une journée de restitution des actes du symposium tenu au même endroit les 5 et 6 mai 2016 autour du thème : « le sens de l’État et les politiques publiques : deux défis majeurs pour l’administration publique en Haïti Â». Professionnels d’horizon divers, spécialistes de l’administration publique et chercheurs dans le domaine des politiques publiques sont intervenus afin d’explorer cette thématique d’une extrême importance mais qui intéresse très peu les candidats.

Le Maître de cérémonie, M. Andy Durosier, détient lui-même une maîtrise en administration publique de l’École nationale d’administration publique du Québec (ENAP). Tout comme le PDG de « Consultations et Résultats Â», le juriste Yves Lafortune. Ce dernier a ouvert la journée en présentant les enjeux que représentent les politiques publiques pour une meilleure efficacité des interventions de l’État en vue de garantir un meilleur accès aux services sociaux de base.

 Des propos soutenus par la Commissaire de la restitution, la présidente de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSC/CA), Mme Nelta Fétière qui a mentionné l’importance des politiques publiques afin de rendre les services accessibles au plus grand nombre. La journée de restitution a bénéficié du support de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (IDEA International) représenté par Marie Laurence Josselyn Lassègue qui a profité de son intervention pour féliciter la firme Consultations et Résultats de son initiative consistant à mettre les politiques publiques au cÅ“ur du débat. Elle allait céder la parole au professeur Jean François Savard, agrégé de politiques publiques à l’ENAP pour sa communication sur les politiques publiques et le développement des affaires.

Le professeur Savard a été l’invité d’honneur de la journée de restitution et a fait le déplacement à Port-au-Prince pour participer à la restitution. Son exposé était divisé en deux points : i) les divers aspects d’une politique publique ii) comment les politiques publiques peuvent faciliter le développement des affaires. Il a abordé le sujet sous l’angle de la cohérence des politiques publiques. Il considère une politique publique comme un enchainement de décisions et d’actions cohérentes prises par une autorité étatique légitime, lesquelles (décisions et actions) visent à apporter une solution durable à une problématique, souvent complexe, dument définie.

thomas lalime yves lafortune consultations resultatsThomas Lalime - Yves Lafortune L’autorité étatique légitime est le gouvernement qui peut être national, local (les mairies par exemple) ou régional. Si seul un gouvernement peut adopter et mettre en Å“uvre des politiques publiques, il n’agit pas seul. Le parlement et l’administration publique ont aussi un rôle à jouer dans la fabrique des politiques publiques et leur mise en Å“uvre. Mais ultimement, c’est au gouvernement que revient la responsabilité de la formulation et la mise en Å“uvre des politiques, précise le professeur Savard.

 Cette attribution n’exclut pas pour autant les acteurs privés dans les processus d’élaboration de politiques publiques. Les entreprises privées, les groupes d’intérêts ainsi que les associations de citoyens ont un rôle crucial à jouer, ils doivent être vus comme des partenaires qui ont la capacité de coproduire les politiques avec le gouvernement. Malgré cette relation de coproduction, c’est le gouvernement qui décide des politiques publiques en dernier ressort.

L’autorité étatique légitime utilise les politiques publiques pour apporter une solution durable à une problématique complexe dument définie. « Ã€ travers ses objectifs, à travers ses instruments, une politique doit apporter une solution à une problématique. C’est sa raison d’être. Â», indique le professeur agrégé de politiques publiques.

 Cependant, les problématiques dans les sociétés modernes ne sont jamais simples. Elles sont toujours complexes et intriquées. « Une action dans un domaine peut toujours avoir un impact dans un autre domaine. C’est pour cette raison qu’il est primordial de toujours pouvoir bien définir, de bien cerner, de bien circonscrire la problématique. Car si l’on veut y apporter une solution durable, il faut d’abord s’assurer d’en comprendre tous les facteurs.», a-t-il poursuivi en mettant l’accent sur la nécessité de cohérence des décisions et des actions publiques.

 Les problématiques étant complexes et intriquées, elles supposent la mise en Å“uvre simultanée ou séquencée de plusieurs actions qui permettent d’agir sur autant de facteurs qui composent la problématique. Ces actions - et ces décisions qui les supportent - doivent être cohérentes afin d’assurer la mise en Å“uvre durable de la solution. « Si ces actions ne sont pas cohérentes, la politique ne peut pas alors s’attaquer efficacement à une problématique et dès lors ne peut pas insuffler dans la société, les changements qui sont pourtant nécessaires. La politique se solde alors par un échec. Â», prédit le professeur Savard.

 Mais, lorsque les actions sont cohérentes, les politiques parviennent à agir comme un moteur de changements sociaux et à entrainer dans une société des changements pérennes. Ainsi, si le rôle du gouvernement n’est pas de mener des affaires, c’est bien son rôle de créer un espace où l’on peut mener des affaires.

 Le développement des affaires repose sur un ensemble de lois, de règles, de mesures qui lui permettent d’être fécond. Les décisions et les actions du gouvernement dans le domaine des affaires, poursuit professeur Savard, visent donc à s’assurer que ces lois, ces règles et ces mesures sont définies de telle sorte qu’elles constituent les conditions nécessaires au développement des affaires. Il cite l’auteur haïtien Rodney Montreuil qui illustre bien ses propos. M Montreuil indique que toute stratégie qui vise à attirer des capitaux étrangers doit passer par deux phases : attraction et rétention.

La phase d’attraction n’est pas nécessairement la plus difficile. Il s’agit essentiellement de mener des campagnes de séduction qui attire des firmes étrangères à investir en Haïti. La plupart des pays occidentaux, dont le Canada - excelle généralement dans cet art. Une politique publique dans le domaine des affaires devra proposer des mesures de soutien aux entreprises haïtiennes ou aux entrepreneurs haïtiens qui cherchent à attirer des capitaux étrangers sur leur sol.

 La phase la plus difficile consiste à retenir ces capitaux. M. Montreuil soulève d’abord la question des infrastructures. Haïti doit aussi revoir ses lois sur les affaires pour les moderniser et adapter le cadre légal haïtien aux normes et exigences internationales en la matière. Sans oublier les incitations fiscales et ses procédures administratives.

 Le développement des affaires constitue donc une problématique complexe qui nécessite un grand nombre d’actions dans plusieurs domaines : infrastructures, lois, règlements, mesures fiscales, sécurité et santé. Le rôle du gouvernement en matière de développement des affaires est donc très vaste.

L’intervention du professeur Savard a été suivie de celle du professeur Dominique Boily qui exposait l’importance des ressources humaines dans la mise en œuvre des politiques publiques. Tout ce qui est énoncé précédemment peut demeurer un vœu pieux si les personnes qualifiées susceptibles de les exécuter font défaut. Une excellente intervention de l’ingénieur Henri Claude Muller-Poitevien allait clore la première partie de la journée. Il présentait l’exemple de la mise en œuvre de la loi Hope comme un modèle de gestion axée sur les résultats. Cette thématique sera retenue pour le prochain symposium en 2017.

 Le député de Tabarre, Caleb Desrameaux, ouvrait la deuxième partie de la journée avec son intervention sur les collectivités territoriales. Il est le seul parlementaire à participer durant toute la journée à toutes les présentations. Il a témoigné de tout son attachement aux collectivités territoriales qui doivent bénéficier d’une meilleure attention des autorités lors de la conception et de la mise en Å“uvre des politiques publiques. Un point de vue soutenu également par le maître de cérémonie, Andy Durosier, dans sa présentation sur la nécessité d’adopter une approche holistique dans l’élaboration des politiques publiques. Il conseille de ne pas élaborer les politiques dans les salons de Port-au-Prince et les imposer aux paysans mais plutôt les impliquer à tous les niveaux.

 De toutes ces présentations, on comprend que les politiques publiques demeurent un élément moteur du processus de développement économique. Il permet d’aborder les problèmes de façon rationnelle et méthodique en résolvant les problèmes séquentiellement. Au cours des dernières années en Haïti, les dirigeants ont dépensé beaucoup d’argent dans des petits projets épars sans penser à des politiques publiques structurées susceptibles d’apporter des solutions efficaces et durables aux problèmes de la population. D’où la multiplication et la détérioration des problèmes de base qui contribuent à perpétuer le sous-développement.

 Thomas Lalime
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