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L’ULCC, portée et limites de ses pouvoirs : Une analyse du décret du 8 septembre 2004 par le RNDDH
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- Publié le vendredi 5 juin 2020 13:54
I.Introduction
1.Depuis quelque temps, l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), sous prétexte d’enquêter sur des faits de corruption, mène des actions très médiatisées, convoque des citoyens et citoyennes, procède à des arrestations, lance des avis de recherche et se plait à assimiler son travail d’investigation à une enquête judiciaire.
2.Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) qui avait participé activement aux nombreux échanges ayant abouti à la mise sur pied en 2004, de l’ULCC, croit opportun de publier la présente analyse du Décret portant création de l’Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC) dans l’objectif de partager ses réflexions sur le fonctionnement actuel de l’Unité, mis en parallèle aux dispositions du Décret susmentionné.
3.Le document qui suit passe en revue le contexte de création de l’ULCC, présente succinctement l’Unité, relate son mode de recrutement et le statut particulier de ses agents assermentés, analyse la portée ainsi que les limites des pouvoirs de l’institution avant de partager avec ceux et celles que la question intéresse, les commentaires et recommandations du RNDDH.
II.Contexte de création de l’ULCC
4.L’Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC) a été créée en 2004 sous la présidence provisoire du juge Boniface Alexandre dans un contexte où, depuis quelques années, particulièrement sous la présidence de Jean Bertrand Aristide, l’organisation Transparency International publiait périodiquement des rapports accablants mais éloquents, pointant du doigt le niveau très élevé de corruption en Haïti.
5.Quand, en octobre 2003, Haïti a été classée troisième après le Nigeria et le Bangladesh respectivement deuxième et premier, parmi les pays les plus corrompus du monde[1] , il s’est avéré important de se pencher sur la question. En ce sens, le gouvernement provisoire de Gérard Latortue a jugé opportun de doter le pays d’un bras technique chargé d’aider à combattre la corruption sous toutes ses formes. Et, en raison du vide créé alors par la vacance du pouvoir législatif, le Décret du 8 septembre 2004 portant création de l’Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC) a été adopté.
6.La création de l’ULCC a été saluée par toutes les couches saines de la Nation dont, aux premières loges, le RNDDH, en raison notamment du caractère attentatoire du crime de corruption à la sécurité sociale, au progrès et au développement.
7.Cet élan d’enthousiasme était aussi justifié par le fait que tous les secteurs progressistes du pays étaient et demeurent encore unanimes à voir dans la corruption un crime contre la justice sociale et le développement dans le sens où elle prive l’État de moyens et de fonds importants destinés à la distribution équitable des richesses, à la création d’emplois, à la construction de routes, d’écoles, d’hôpitaux, de logements sociaux, entre autres infrastructures susceptibles de contribuer à l’amélioration des conditions matérielles d’existence de la population.
III.Présentation de l’ULCC
8.Le Décret portant création de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), composé de vingt-trois (23) articles, est divisé en cinq (5) chapitres qui, respectivement, fixent la dénomination et la mission de l’ULCC, établissent le siège et le mandat de l’ULCC, présentent son organisation et son fonctionnement et prévoient des dispositions spéciales.
9.L’ULCC est un organisme à caractère administratif qui est placé sous la tutelle du Ministre de l’Economie et des Finances. Elle a juridiction sur toute l’étendue du territoire national. (Article 1er).
10.Dotée de la mission de combattre la corruption et ses manifestations sous toutes ses formes au sein de l’administration publique, l’ULCC est appelée entre autres, à protéger les biens publics et collectifs, à favoriser la transparence dans la gestion de la chose publique, à établir un climat de confiance pour promouvoir l’investissement privé et à moraliser l’administration publique et la vie publique en général. (Article 2).
11.L’ULCC a pour mandat de définir une stratégie de lutte contre la corruption, de compiler des textes existants relatifs à la corruption, d’évaluer ces textes et, si nécessaire, de proposer des amendements. Elle doit aussi œuvrer à l’établissement d’un pacte d’intégrité devant porter les citoyens et citoyennes à s’engager à renoncer à la corruption ou à tout autre comportement contraire à l’éthique dans les appels d’offres pour les marchés publics et l’exécution des contrats de services. (Article 4).
12.Enfin, toujours dans le chapitre portant sur les mandats de l’Unité, celle-ci est aussi appelée à assurer le respect de la Convention interaméricaine contre la Corruption et à s’attaquer en priorité, aux contrats portant sur les grands projets d’infrastructures de l’Etat haïtien. De plus, la mise en place d’un système d’informations intégré et de suivi ainsi qu’un système d’alerte permanente est à la charge de l’Unité. (Article 4).
13.Si l’administration de l’Unité est confiée à un Conseil d’Administration composé de trois (3) membres, sa gestion journalière est cependant assurée par un Conseil de Direction lui-même composé d’un directeur général, d’un directeur des opérations et d’un directeur administratif et financier5).
14.Les tâches du Conseil de direction sont multiples. Elles sont énumérées à l’article 7 du Décret. Cependant, il convient de retenir que ce Conseil a entre autres, pour obligations :
- d’exploiter les informations et enquêter sur les doléances ou plaintes relatives aux faits soupçonnés de corruption et infractions assimilées dont il est saisi ;
- de saisir les autorités judiciaires, à l’issue d’investigation sur des faits susceptibles de constituer des infractions de corruption, en vue d’entamer les poursuites légales et en assurer le suivi.
IV.Mode de recrutement et statut particulier des agents de l’ULCC
15.Le mode de recrutement ainsi que le statut des agents de l’Unité sont fixés dans le troisième chapitre du Décret intitulé Organisation et Fonctionnement.
16.En vertu des dispositions des articles 8 et 10, les agents assermentés ainsi que tous autres agents de l’ULCC sont nommés par le directeur général qui est lui-même nommé par arrêté présidentiel, pris en Conseil des ministres.
17.De plus, le Décret confère en son article 10 un statut sui generis aux agents assermentés de l’Unité, car en raison de la singularité de leurs fonctions, ils ne peuvent être classés dans une catégorie déjà répertoriée. Cependant, ces agents ne constituent pas des autorités de police judiciaire contrairement à l’opinion répandue à tort dans le public et dans la communauté juridique.
18.Investis de la mission de lutter contre la corruption, tous les cadres de l’ULCC doivent être eux‑mêmes au‑dessus de tout soupçon de corruption. C’est pourquoi, avant d’intégrer cette structure, leurs parcours personnel et professionnel doivent être passés au peigne fin. C’est d’ailleurs en ce sens que l’article 16 dudit Décret prévoit ce qui: « Aucun cadre ne peut intégrer l’ULCC à titre de directeur ou d’agents assermentés de l’Unité sans une enquête préalable sur l’intégrité et la moralité du postulant (…) ».
V.Pouvoirs et Limites de l’ULCC
19.L’article 11 du Décret du 8 septembre 2004 confère aux agents assermentés de l’ULCC le pouvoir de constater des infractions de corruption, d’en rassembler les preuves, d’en rechercher les auteurs et de les déférer par devant les instances judiciaires. Cet article est ainsi libellé : « Dans l’exercice de sa fonction le Directeur général a le pouvoir d’autoriser par mandat écrit les agents assermentés de l’Unité à mener des investigations et des recherches sur des soupçons de cas de corruption. Il est habilité à constater les infractions de corruption, à en rassembler les preuves, à en rechercher les auteurs et les déférer à la Justice. En cas de besoin, il peut requérir directement le concours de la force publique. En tout état de cause, les présentes dispositions n’excluent pas toute forme de coopération avec les différentes entités dotées de pouvoir de police judiciaire notamment les Parquets de la République, la Police»
20.Ces attributions, souvent mal comprises par plus d’un, semblent porter la plupart des cadres de l’institution à vouloir outrepasser leurs pouvoirs.
21.C’est la raison pour laquelle, il convient de souligner au sujet de cet article que si, même le juge d’instruction n’a pas à rechercher les preuves, mais uniquement les indices et les charges et à les mesurer à l’aune de son pouvoir discrétionnaire pour déterminer un non-lieu ou un renvoi par devant la juridiction de jugement, il appartient encore moins à l’ULCC de rechercher des preuves.
22.Rappelons en ce sens que selon le dictionnaire Larousse[2] , la preuve constitue un élément matériel qui démontre, établit, prouve la vérité ou la réalité d'une situation de fait ou dealors que l’indice se rapporte aux objets, faits, signes qui mettent sur la trace de quelque chose. De même, pour le Lexique des Termes Juridiques[3], la preuve dans un sens large, est l’établissement de la réalité d’un fait ou de l’existence d’un acte juridique, et dans un sens plus restreint, le procédé utilisé à cette fin. A contrario, les indices constituent un ensemble de faits connus à partir desquels on établit, au moyen du raisonnement inductif, l’existence d’un fait dont la preuve n’est pas directement possible.
23.Étant ici impropre, le terme preuves prête facilement à équivoque et est susceptible de conduire à des débordements.
24.De même, ce n’est pas à l’Unité de constater des infractions de corruption ni d’en rechercher les auteurs. Elle ne peut qu’enquêter sur des faits soupçonnés de corruption et d’en identifier les présumés auteurs. En attendant que des décisions de justice viennent clarifier ce texte et fassent œuvre de jurisprudence, la Constitution et le Code d’instruction criminelle sont les seuls vrais remparts aux débordements susmentionnés.
25.Toutefois, le dernier alinéa de cet article clarifie la manière dont les agents de l’ULCC doivent procéder. En tout état de cause, ces derniers doivent chercher à obtenir « toute forme de coopération avec les différentes entités dotées de pouvoir de police judiciaire notamment les Parquets de la République, la Police».
26.De plus, l’article 7 susmentionné au point 14 du présent document, fournit si besoin en était, les détails relatifs à la manière dont l’ULCC doit mener une enquête. Composé de neuf (9) alinéas, il précise en ses alinéas 1 et 5 que « le Conseil de direction de l’ULCC a pour tâches principales :
- D’exploiter les informations et enquêter sur les doléances ou plaintes relatives aux faits soupçonnés de corruption et infractions assimilées dont il est saisi ;
- De saisir les autorités judiciaires, à l’issue d’investigation sur des faits susceptibles de constituer des infractions de corruption, en vue d’entamer les poursuites légales et en assurer le suivi. »
27.Le dernier alinéa de l’article 11 du Décret portant création de l’ULCC renvoie donc à l’article 9 du Code d’instruction criminelle qui précise: « La police judiciaire sera exercée, suivant les dispositions qui vont être établies, par le Ministère public, par les juges d'instruction, par les juges de paix, par les agents de la police rurale et urbaine et par les agents de la police sociale de l'Institut Haïtien du Bien-être Social et de Recherches. Ils seront compétents pour verbaliser et réaliser tous actes d'information en matière de flagrant délit. Ils prendront toutes mesures susceptibles d'assurer la stabilité de la famille et la pérennité de l'ordre social et au besoin, déféreront par-devant les tribunaux les contrevenants aux lois relatives aux bonnes mœurs. Ils requerront directement la force publique dans l'exercice de leurs fonctions. »
28.Aux termes de cet article, la police judiciaire est exercée par le ministère public, les juges d’instruction, les juges de paix, les agents de la police rurale et urbaine et les agents de la police sociale de l’Institut du Bien-Être Social et de la Recherche (IBESR).
29.Il est donc clair que les agents de l’ULCC ne sont pas eux-mêmes dotés de pouvoirs de police judiciaire. Si c’était le cas, on lirait les différentes autres entités et non les différentes entités.
1.Sur l’arrestation, la détention et l’émission d’avis de recherche par l’ULCC
30.Selon les prescrits de l’article 24.2 de la Constitution, « L’arrestation et la détention, sauf en cas de flagrant délit, n’auront lieu que sur un mandat écrit d’un fonctionnaire légalement compétent ». Dans le système judiciaire haïtien, ce fonctionnaire légalement compétent, est le juge d’instruction, en sa qualité de juge-né des mandats. Il représente donc la seule autorité de police judiciaire qui détienne le pouvoir de décerner un mandat écrit en dehors des cas de flagrant délit.
31.Ainsi, lors même que les agents assermentés de l’ULCC avaient le statut d’autorité de police judiciaire, ils ne seraient habilités à prendre des mesures privatives ou restrictives de liberté que dans les seuls cas de flagrant délit au même titre que les autres autorités de police judiciaire, exception faite du juge d’instruction.
32.Dans le cadre d’une enquête pour corruption où il n’y a point de flagrant délit, l’Unité, sans outrepasser ses pouvoirs, n’est pas habilitée à émettre un mandat ou un avis de recherche contre une personne en cause.
33.Parmi les autorités de police judiciaire énumérées à l’article 9 du Code d’instruction criminelle, comme on l’a vu plus haut, seule la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ), en cas de flagrant délit et en ce cas seulement, peut émettre un avis de recherche contre une personne. Conséquemment, même en cas de flagrant délit, l’Unité, constatant un fait soupçonné de corruption, aux termes de l’article 11 du Décret du 8 septembre 2004, n’a pas à agir de son propre chef d’autant qu’elle ne peut pas se doter de garde-à -vue. C’est le concours de la force publique qu’elle doit requérir, c’est-à -dire la DCPJ, à l’effet d’émettre, sur sa demande, un avis de recherche.
34.De plus, l’article 19 du Code d’instruction criminelle précise pour l’Unité la manière de procéder dans les cas où elle acquiert la connaissance d’un fait soupçonné de: « Toute autorité constituée, tout fonctionnaire ou officier public, qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquerra la connaissance d’un crime ou d’un délit, sera tenu d’en donner avis sur le champ au Commissaire du Gouvernement dans le ressort duquel ce crime ou ce délit aura été commis ou dans lequel le prévenu pourrait être trouvé et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y seront relatifs ».
2.Sur des stratégies d’enquête de l’ULCC
35.Selon l’esprit des articles 9, 18 et 19 du Décret portant création de l’ULCC, une personne sous enquête ne devrait même pas être mise au courant des investigations menées à son encontre. Ces articles disposent:
36.Article: « Le Directeur Général de l’ULCC est investi ainsi que les agents de l’ULCC des pouvoirs octroyés aux Inspecteurs Fiscaux. Toutefois, Il peut garder la confidentialité des résultats de ses enquêtes et investigations jusqu’à la clôture du dossier et sa transmission aux autorités judiciaires pour les poursuites légales ».
37.Article: « Toute violation de la confidentialité et de secret de l’ULCC par un de ses employés entraîne une condamnation à prononcer par le juge au correctionnel soit d’une amende pouvant aller jusqu’à 250.000 gourdes ou de deux (2) à cinq (5) ans de prison ferme. On entend par violation de confidentialité ou de secret toute fuite de la part d’un agent révélant l’identité d’une personne sous enquête et facilitant la disparition de pièces à conviction ou pouvant porter atteinte à l’intégrité d’une investigation conduite par l’ULCC ».
38.Cet esprit est tellement présent dans la tête du législateur qu’il précise, en l’article 19 dudit Décret que « Le Directeur Général veille à ce que :
- l’identité des personnes en cause ainsi que celle des témoins dans le cadre d’une dénonciation soit protégée ;
- les mécanismes visant à assurer la protection de l’information recueillie et liée à une dénonciation soient mis en place ;
- il n’y ait aucune représailles à l’encontre d’un dénonciateur ou d’un témoin. »
39.Ainsi, dans le cadre de son travail, l’ULCC peut recueillir des témoignages et des dénonciations, explorer toute piste jugée utile à l’élaboration de son rapport et de ses conclusions. À cette fin, elle se doit de préparer des techniques d’enquête efficaces sans s’attribuer pour autant des pouvoirs que ne lui confère aucun texte de loi.
40.Il ressort de ce qui précède que l’ULCC n’est pas une autorité de poursuite ou un Parquet spécialisé en matière de corruption comme elle tend à le faire croire. Elle n’est pas non plus une Chambre d’instruction criminelle chargée d’instruire les infractions de corruption. En conséquence, elle n’a pas à convoquer une personne sous enquête ou sur qui pèseraient des soupçons de corruption.
41.Aujourd’hui, l’ULCC se plaît à assimiler son travail d’investigation à une enquête judiciaire. Pourtant, l’enquête de l’Unité est une enquête administrative et non judiciaire. Seule l’enquête menée par une autorité judiciaire mérite ce qualificatif.
3.Sur la capacité de l’ULCC de mener des perquisitions
42.Dans certains de ses échanges rendus publics et dans l’objectif de faire étalage de ses pouvoirs, l’ULCC a cité l’article 12 du Décret du 8 septembre 2004 stipulant que « Les agents assermentés de l’ULCC peuvent procéder à une perquisition conformément aux dispositions du Code de Procédure Pénale (…) ».
43.En raison des excès dont l’ULCC se montre déjà capable à travers les actions de certains de ses cadres supérieurs et dans un but essentiellement pédagogique, il est urgent de préciser qu’en l’état actuel des choses, cet article n’est pas d’application. Il s’agit d’un article qui dispose pour l’avenir et qui devra attendre l’entrée en vigueur du Code de procédure pénale qui est appelé à fixer les conditions dans lesquelles les agents assermentés de l’ULCC seront habilités à effectuer des perquisitions.
44.L’ULCC doit donc éviter de mettre la charrue avant les bœufs car, elle ne peut procéder, pour le moment, à aucune perquisition sans commettre un violent excès de pouvoir et engager ses responsabilités.
VI.Commentaires et Recommandations
45.En Haïti, nous avons à plusieurs reprises laissé à la tête d’institutions républicaines, des apprentis dictateurs qui pour la plupart, ont allègrement abusé de leurs pouvoirs. Même si, à l’instar de l’ULCC, ces institutions ont été profanées, elles n’ont rien perdu de leur valeur intrinsèque, de leur noblesse et de leur prestige. C’est pourquoi, un travail de décantation entre une institution qui se veut permanente et ses dirigeants éphémères s’avère toujours nécessaire.
46.L’Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC) fait partie de ces nobles et prestigieuses institutions publiques dont nous devons faire la promotion et encourager le travail en exhortant ses cadres à s’acquitter de leurs tâches dans le strict respect de leurs attributions.
47.Le RNDDH estime que l’Unité est encore loin de pouvoir répondre aux nobles objectifs pour lesquels elle a été créée. Et, l’un des plus grands problèmes auxquels elle est confrontée réside dans la méconnaissance de ses attributions par quelques-uns de ses cadres supérieurs qui, trop souvent, commettent des excès de pouvoir.
48.Le RNDDH souligne que contrairement à une certaine opinion répandue à tort dans le public et même dans la communauté juridique, les agents assermentés de l’ULCC ne sont pas des autorités de police judiciaire. Alors que le texte fondateur en dit tout le contraire, cette confusion est telle qu’il a déjà été donné de voir certains directeurs généraux de l’Unité s’attribuer à la fois les fonctions de la police, du parquet et celles du juge d’instruction. C’est d’ailleurs sur la base de ces constats que le RNDDH attire l’attention de tous et de toutes sur le fait que la convocation d’une personne sous enquête menée par l’ULCC s’apparente à une forme de marchandage, une fenêtre qui s’ouvre sur la corruption et l’arbitraire. Il s’agit donc pour le RNDDH d’actes d’intimidation et de persécution, qui peuvent viser à réduire au silence une personne cible ou même une institution dont les actions semblent dérangeantes.
49.Pour le RNDDH, le Décret du 8 septembre 2004 est: c’est au cabinet d’instruction qu’une personne poursuivie pour corruption devrait savoir pour la première fois qu’elle avait fait préalablement l’objet d’une enquête de l’ULCC car le fait par l’Unité de convoquer une personne c’est polluer l’environnement de l’enquête et enlever à celle-ci son caractère confidentiel obligatoire.
50.Le RNDDH juge inconcevable que l’Unité n’ait jamais respecté les dispositions de l’article 16 du Décret susmentionné qui prévoient que tous les agents assermentés de cette structure soient soumis à une certification, parce qu’ils doivent être placés au-dessus de tout soupçon de corruption.
51.Par ailleurs, le RNDDH croit que le Décret du 8 septembre 2004 portant création de l’ULCC a fait son chemin. Seize (16) années après, il aura permis de tirer des leçons capables de le repenser à travers une loi qui saura mieux définir les attributions de cette structure en précisant clairement la portée et les limites des pouvoirs de ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.
52.Le RNDDH juge qu’entre autres points importants sur lesquels le Législateur doit se pencher, les méthodes de recrutement devraient être révisées. Par exemple, il serait nettement profitable à l’Unité de nommer ses directeurs généraux sur concours et après certification, pour un mandat déterminé, afin de garantir son indépendance.
53.De plus, le RNDDH juge inconcevable qu’une institution appelée à combattre la corruption au sein de l’Administration publique relève de la tutelle du Ministère de l’Économie et des Finances, haut lieu possible de combines d’État, de malversations et de dilapidations du trésor public. Pire encore, le Ministre de l’Économie et des Finances est, aux termes de l’article 5 du Décret du 8 septembre 2004, le président du Conseil d’Administration de l’
54.Enfin, si en 2004, la création d’une simple unité semblait propice pour combattre la corruption dans le pays, aujourd’hui, le RNDDH estime que le pays gagnerait à disposer d’un organisme indépendant, soustrait, au même titre que l’Office de Protection du Citoyen (OPC), de tout contrôle hiérarchique d’une autorité administrative et surtout de la tutelle qu’une quelconque institution politique ou administrative.
55.Fort de tout ce qui précède, le RNDDH recommande au Conseil d’administration de l’ULCC:
- Porter la réflexion autour de l’opportunité de faire de cette structure un organisme indépendant ;
- Passer les instructions formelles pour que l’Unité s’attèle enfin à la tâche principale qui lui a été confiée de combattre effectivement la corruption ;
- D’exiger de l’ULCC de mettre fin immédiatement aux actes d’intimidation et de persécution orientés vers des citoyens et citoyennes du pays ainsi que vers des institutions ;
- D’inviter l’ULCC à transmettre aux autorités judiciaires, les conclusions de ses enquêtes, pour les suites de droit ;
- Tout mettre en œuvre en vue de respecter les méthodes de recrutement des agents assermentés de l’ULCC et d’exiger leur certification.
RNDDH
1er Juin 2020
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