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Conille et ses audits qui disent tout

garryconilleL’État haïtien contribue-t-il à enrichir les firmes de construction ? La question paraît bien anodine. Cependant, depuis le tremblement de terre du 12 janvier 2010 et les flots de milliards de dollars américains promis par les bailleurs à la conférence de New York, elle prend tout son sens. La perspective de reconstruction d’Haïti représente une grande opportunité pour les multinationales de construction. Avec la complicité des autorités, les contrats juteux pleuvent

Ce n’est pas le rapport des audits commandités par Garry Conille qui démontrera le contraire. Le Premier ministre démissionnaire a mis le doigt dans la plaie. Les conclusions du rapport de la commission composée de Stanley Gaston, Uder Antoine et Paul Rachel Cadet, sont accablantes et montrent clairement qu’il y a eu malversations. L’intérêt de l’État haïtien a été bafoué dans plusieurs de ces contrats qui impliquent pour la plupart des firmes étrangères. Les procédures de passation de marché n’ont pas été respectées. 

Environ 41 des contrats signés par l’administration Préval/Bellerive ont été passés au peigne fin. Ils s’élèvent à un montant de plus de 500 millions de dollars US. L’enquête a révélé que 35 d’entre eux ont été passés de gré à gré, et les 6 autres furent conclus après un appel d’offre restreint. Ces derniers totalisent un montant de 348 millions, 25 mille, 881 dollars 63. Les compagnies bénéficiaires, dénoncent les enquêteurs, n’ont pas rempli les conditions requises. 

La firme haïtienne Constructura Hadom S. A., qui a bénéficié d’un contrat pour la reconstruction du palais législatif, fait partie des compagnies impliquées dans ses accords, dit-on, malsains. Elle a empoché un cachet de 33 millions 765 mille 66 dollars 08. Cette firme de construction n’avait que deux ans d’existence au moment de la signature du contrat, alors qu’il était clairement mentionné dans le contrat d’appel d’offres que les soumissionnaires devraient avoir au moins cinq ans d’expérience. Elle n’était donc pas qualifiée, puisque ne répondant pas aux critères d’expérience fixés. 

Garry Conille avait donc vu juste. Les irrégularités sont légion. Son prédécesseur ne serait pas tout blanc. De gros contrats ont été confiés à des firmes dominicaines non qualifiées. Ainsi Constructiones y Disenios R.M.N. S. A. a hérité de deux contrats suite aux appels d’offres restreints. C’était pour s’occuper de la rénovation urbaine et du développement résidentiel de Bowenfiel. Pour ce faire, un montant de 135 millions 309 mille 218 dollars 65 lui a été confié. Créée le 12 mai 2006, cette firme ne satisfaisait pas non plus aux critères d’expérience requis au moment de la signature des contrats. 

Une autre firme dominicaine, Constructora Rofi S. A. a bénéficié des trois autres contrats d’appels restreints pour un montant de 178 millions 951 mille 296 dollars 90. Elle devra s’occuper de rénovation urbaine et de développement résidentiel dans le quartier de Fort- national à Port-au-Prince. S’il est vrai que Rofi S. A. était la seule firme qualifiée, son président-directeur général, Monsieur Félix Ramon BAUSTISTA ROSARIO, détient également la majorité des actions dans les firmes Hadom S. A. et Rofi S. A. et, est investi de la fonction de président-directeur général dans ces deux firmes. Le principe de la réelle concurrence est mis en cause par les enquêteurs qui soupçonnent la possibilité d’entente entre ces deux firmes. 

Les 35 contrats de gré à gré signés entre l’ancien Premier ministre Jean Max Bellerive et 14 firmes pour la somme globale de 83 millions 542 mille 880 dollars 85 sont aussi remis en cause par la commission. Les deux plus grands bénéficiaires sont : Secosa, qui a reçu neuf contrats pour une enveloppe de plus de 33 millions de dollars, et Milfort Augustin et Co / J&J Constrution qui en a reçu 13 pour près de six millions de dollars. Seize de ces contrats ont été paraphés le 12 mai 2011, soit deux jours avant l’investiture du président Martelly. Rappelons que, dans une déclaration, M. Bellerive avait informé que le chef de l’État actuel était au courant de ces contrats signés peu avant son entrée en fonction. 

La commission d’audit rapporte qu’aucune information n’est disponible à propos de l’ingénieur architecte Thelusma HERODE, lequel a signé au nom de la firme J&J Construction 13 contrats avec Jean Max Bellerive. Ce qui signifie qu’un contrat d’un montant de six millions de dollars aurait été signé entre l’État haïtien et un inconnu. Heureusement que la firme a ses bases en Haïti. 

Les contrats contiennent aussi de nombreuses fautes grammaticales, des termes incorrects et imprécis. Ces irrégularités peuvent, soulignent les commissionnaires, affecter l’esprit et la lettre du Document d’appel d’offres (DAO). Une réécriture paraît être la solution indiquée pour prévenir tout litige entre les parties au détriment de l’État haïtien. 

Pour essayer de sauver les meubles, la commission d’audit a fait plusieurs autres recommandations aux autorités étatiques. Les intérêts de l’État étant lésés, la résiliation des contrats paraît être une solution viable pour les commissionnaires qui ouvrent la voie à d’autres enquêtes plus approfondies afin d’établir les responsabilités.

Si nous devons nous fier aux résultats de ces audits, Jean Max Bellerive n’est pas du tout exempt de blâme. Les nombreux contrats jugés douteux par les enquêteurs ont été passés sous sa gestion. Une nouvelle crise menace donc la République. Ce dossier brûlant impliquerait plusieurs personnalités de la place, directement ou indirectement. Dommage, Garry Conille ne sera peut-être plus là pour le faire avancer.

 

Lionel Edouard  Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.