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Haiti - Bourgeoisie: Piratocrates, flibustocrates, kidnapinnocrate, voyoucrates et kokorat

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Par Fanfan la Tulipe

« Peu importe que la société en crève, pourvu que mes profits augmentent » Credo capitaliste

Qui l'eût dit? Qui l'eût soupçonné ? Qui l'eût imaginé ? Qui l'eût deviné? Qu'un abcès mûrît aussi longtemps au sein d'un conglomérat de familles sucrées, tilolitées, argentées, dorées, mal famées, déconsidérées, et crevât de façon aussi explosive et inattendue par la faute de l'un des représentants de cette tiloliterie méchante et agripate. Qui l'eût pensé ? Que des coulées purulentes, allaient éclabousser de façon aussi tapageuse des quartiers bourgeois accros de la corruption, du vice, des trafics d'influence, des trafics d'armes et de stupéfiants, de la fraude, de la contrebande, des manœuvres sordides, de l'immoralité.

Cette frange malpropre de la bourgeoisie, cette bourgeoisie des affaires, des mauvaises affaires, des affaires louches, troubles, obscures, suspectes, interlopes, sales, on sait depuis longtemps qu'elle est de tous les mauvais coups, de toutes les manœuvres ténébreuses pour déstabiliser le pays et empêcher un vrai démarrage des forces vives de la nation. Mais on se doutait que certains de ses membres puissent faire partie de réseaux criminels spécialisés dans le kidnapping assorti de rançons scandaleuses et parfois d'assassinats violents, crapuleux et macabres.

Le comportement criminel de Clifford Brandt a été l'occasion pour la revue Santinèl de nous «détailler» non seulement une liste très large de ces «Fanmi ak gwoup ekonomik k ap kontwole richès peyi d'Ayiti» mais aussi leurs diverses activités suceuses, exploiteuses, siphonneuses, honteuses, scandaleuses, indécentes, révoltantes, indignantes et choquantes. Brasseurs de juteuses affaires, concocteurs de plans mafieux et ténébreux, spéculateurs sans conscience profitant de l'épargne des citoyens, flibustiers évoluant sur toutes les mers de profit maximum, ils forment une aristocratie de voyoucrates, piratocrates, flibustocrates, bref des kokorat argentés, vestonnés, cravatés, brézeautés, détenteurs de la plus grande partie des richesses du pays. Passons-les en revue.

Les pirates du secteur bancaire. Ce sont les Brandt évoluant avec rapacité dans l'aire de la Banque de L'Union Haitienne (BUH), avec les Cassis comme associés. Jean Claude Nadal est le fondateur en 1985 de la Sogebank de concert avec une douzaine de flibustocrates, parmi eux le groupe Moscosso, le clan Berhmann, les Perry, les Riviere. Selon Santinèl, ces mêmes flibustocrates vont se porter acquéreurs de la Banque Royale du Canada en 1986. Sous le régime Lavalas, la clique Baussan unie à la clique des Auguste va montrer ses dents de requin avec la fondation de la Unibank dont les diverses transactions décherpillantes du peuple haïtien tant en Haïti qu'en diaspora n'arrêtent pas de remplir les coffres des profiteurs baussanais. Enfin, le gang Bigio, vendeur d'armes, est venu s'ajouter aux autres flibustocrates en créant Promobank en partenaire avec la clique des Acra. Ils se ressemblent et s'assemblent, générateurs de magouilles Bigiotes, et de combines Acrates.

Les «terriens»: accapareurs ou détenteurs de terres. Au chapitre de cette voyoucratie terre à terre, les Nadal semblent porter la bannière. Famille tristement célèbre pour ses razzias sur de larges étendues de terre à Piatre, dans la zone de Montrouis; raids imputés à Olivier Nadal, ex-président de la Chambre de Commerce et d'Industrie et qui se sont soldés par le massacre de paysans réclamant ce qui leur avait été volé. Les Auguste dont le nom est lié aux établissements Valerio Canez ne sont pas «minces» non plus pour leur réputation de grandons. Ils sont propriétaires de plusieurs centaines de carreaux de terre allant de la zone de Tabarre à la Plaine du Cul-de-Sac. Leur richesse grandonienne remonterait à leur grand-père Tancrède Auguste impliqué dans le «Procès de la Consolidation».

Le monde des «terriens» compte aussi dans ses rangs les Brun apparentés à l'ancien président Louis Borno, ce qui serait, semble-t-il, à l'origine des nombreuses terres qu'ils possèdent. En fait, et selon Santinèl, ils en ont tant qu'ils ont vendu à l'Etat haïtien 40 carreaux de terre pour la rondelette somme de 40 millions de dollars américains, soi-disant pour reloger les sinistrés du tremblement de terre sous les tentes. Depuis, ces victimes du séisme de janvier 2010 ne parlent que de Monsieur Nad et de madame Marinade. Au Morne Calvaire et dans les hauteurs de Canapé Vert, le groupe Jaar posséderait plus de quinze carreaux de terre, bien entendu tombés du Ciel de cotes mal taillées.

Dans ce domaine des accapareurs de terres, les bandes à Boulos et à Madsen se sont taillé pas mal de juteuses affaires. Aujourd'hui, ils sont propriétaires de «yon bann tè nan peyi a». Selon Santinèl, la mafia Coles aurait volé beaucoup de terres aux riverains de Tabarre. De concert avec les équipes Baussan et Auguste (Valerio Canez), ces mafieux auraient servi de courtiers, d'entremetteurs à l'ambassade américaine pour l'acquisition sans doute frauduleuse, à Tabarre, du terrain où a été construit leur nouveau local. A ces décherpilleurs de terres ajoutons les Gardère qui possèderaient «anpil tè laplèn sitou dèyè Damyen», selon Santinèl.

Sans oublier le grand dappiyanpeur Mevs qui, associé à Duvalier, a acheté la Hasco et en a profité pour dappiyanper les meilleures terres de la Plaine du Cul-de-Sac mises à la disposition du flibustocrate par l'Etat duvaliériste. Après 1986, Mevs a démantelé l'usine Hasco jetant sur le pavé des centaines de travailleurs et des centaines de paysans qui approvisionnaient la Hasco en canne à sucre. Et puis, devinez. L'animal s'est mis à importer du sucre.

Les pillageurs «constructeurs». Le clan Vorbes est connu pour la construction de routes grennsenk, routes pèpè qui ne durent que le temps de leur inauguration. Ces activités pèpètes sont aussi le fait des Bonnefil. Sur la route de l'aéroport, ils vendent du matériel de construction et des équipements lourds sans doute en association bras dessus bras dessous avec les Vorbes. Avec les Brun et leur compagnie Batimat fleurit le commerce de matériaux de construction. Ils dament le pion aux Flambert et aux Matteis, eux aussi «constructeurs» amassant de rondelettes fortunes sur le dos de la population. Dans les années 80, les Brun avaient investi dans la compagnie Tecina, la deuxième plus grosse compagnie de construction du pays.

Les insatiables monopoleurs. Selon le dictionnaire consulté, on les appelle aussi monopolistes, monopolisateurs, monospoliateurs, monoprofiteurs, monospéculateurs, monoparasites, monotrafiquants. Avant 1986, l'équipe Nadal fut un gros importateur de produits alimentaires avec le monopole de produits tel que le lait Carnation en conserve. Sous Duvalier, le clan Coles avait quasiment le monopole des supermarchés. Les piratocrates Cassis ont le monopole de plusieurs produits alimentaires tels le hareng saur, les conserves V8. Quant au clan Deschamps, il est le détenteur du monopole de tout ce qui est matériel d'imprimerie en rapport avec les élections, sans oublier nombre de livres de base de l'enseignement primaire.

Les concessionnaires-requins. La mafia Brandt importe et vend des véhicules de marque International et Mazda. Ils en louent aussi à des tarifs quasiment prohibitifs. Le groupe Jaar, représentant de la compagnie Universal Motors, est un concessionnaire pour les voitures Nissan qu'ils vendent et louent. Se tèt nèg. A ce groupe requinard, il faut ajouter la bande à Moscosso. Ils tiennent boutique sur la Route de l'aéroport où ils vendent des voitures et camions Isuzu. Requinant dans les mêmes eaux troubles Moscossotes on trouve aussi la famille Saliba. Le long de cette même Route de l'aéroport requine la Behrmann Motors du groupe Behrmann, concessionnaire de voitures de différentes marques : Kia, Audi, Mitsubishi et Volkswagen.

Les cabotards. Entendez par là les flibustocrates qui s'adonnent aux activités de cabotage sous une forme ou sous une autre : le groupe Madsen, les piratocrates Baussan. Ces derniers sont dans le business depuis les Duvalier. Apparemment ils auraient le contrôle du port de Port-au-Prince dans le cadre de l'APN qu'ils auraient kidnappée, ce qui ne les a pas empêchés d'amarrer leur saucisse avec la bande à Coles au sein d'une certaine agence maritime créée pour les rendre encore plus riches.

Les «maquiladoriens», les créateurs de maquiladoras ou sweat shops ou ateliers de misère, adeptes de zones franches et de parcs industriels. Ils disent que leurs chantiers de désespoir donnent du travail à des centaines sinon des milliers d'Haïtiens. Mais dans quelles conditions ? A l'avantage de qui ? Oui, il y avait du travail à St.Domingue, plein de travail, mais qui en bénéficiait ? La bande à Coles doit le savoir, elle qui possède, selon Santinèl, «plizyè faktori». La clique à Behrmann elle aussi doit le savoir qui «mete kanpe plizyè faktori pou yo jwenn dola vèt sou do ouvriye ak ouvriyèz yo».

On peut se rappeler le tollé au niveau du patronat et de la présidence de Préval quand il fallut augmenter le salaire minimum journalier à 200 gourdes, environ l'équivalant de 5 dollars US. Il était de 70 gourdes, soit 1,75 dollar US depuis 2003. Or, le travailleur moyen dépense plus de la moitié de son salaire rien qu'en transport et en repas au travail (Ayiti Kale Je, mai 2012). «Mais pour ce qui est du cynisme et du mépris à l'égard de ceux qui, par leur travail, les enrichissent, les Baker, les Apaid, les Coles et autres Sassine se posent là» (Lutte Ouvrière, octobre 2009).

Les «tout-terrain». Ce sont les bourgeois «entrepreneurs» qui se goinfrent de tout ce qui leur passe à la fois sous les crocs. Ainsi la clique Moscosso : en plus de ses pirouettes flibustocrates plus haut mentionnées, elle évolue sur le marché de la canne à sucre, du clairin, du riz pèpè et des pneus, neufs ou usagés. Ainsi la bande à Gardère bien connue pour son rhum Barbancourt, et qui achète des paysans la canne à sucre à des prix dérisoires, fabrique de la mosaïque, exploite des carrières de pierre et est un actionnaire «lourd» dans la CINA (Cimenterie Nationale S.A), nouvelle appellation de l'entreprise d'Etat Ciment d'Haïti sous évaluée par le Conseil de modernisation des entreprises publiques (CMEP) et liquidée par l'administration Préval pour un kraze.

Au tableau des «tout-terrain» figurent les Buteau. De leur chic restaurant Le Rond Point, au Bicentenaire, ils prennent de l'altitude en ouvrant dans les hauteurs de Pétion Ville deux hôtels-restaurants le Kinam I et le Kinam II. Ça ne leur suffit pas, ils se mettent à exporter des mangues. L'appétit venant en mangeant et... en manguant, ils deviennent actionnaires à la Unibank, tétélanguant avec les Baussan, et également actionnaires au sein des Distributeurs Nationaux S.A (DINASA), d'autant que « yo chaje ak ponp gazolin nan Pòtoprens», selon Santinèl. Viendra ensuite la construction du Karibe Convention Center, le dernier cri de l'industrie hôtelière, agrémenté d'une salle de conférence pouvant accomoder jusqu'à 1000 participants. Poussé toutefois par une akrèkté tout-terrain, Max Buteau sera mêlé, en 2005 à un [présumé]détournement de fonds estimé à quelque 4 millions de dollars US et lié à une transaction frauduleuse de riz Tchako, toujours selon Santinèl. Ah oui, nèg gen move mannyè.

Les magouilleurs-comploteurs lourds. Ce sont ces voyoucrates de la bourgeoisie des affaires et de l'argent qui de mèche avec la communauté internationale s'arrangent pour avoir leur président, leur Premier ministre, leurs ministres clefs et directeurs clefs (douanes, DGI, Banque centrale). Ainsi, c'est la famille Mevs qui, selon Santinèl, avait fait nommer Edouard Vallès Jean Laurent directeur de l'Administration Générale des Douanes (AGD) qui allait être déchouqué par Préval trois mois après son accession au pouvoir au profit de Jean-Jacques Valentin qui occupait la même fonction de 1996 à 2004 (Alter Presse, 7 septembre 2006).

Auparavant, la famille Brandt avait exigé que Jacques Fritz Kénol, un de leurs anciens employés et asòs à European Motors soit le ministre du Commerce, sous le gouvernement tèt bòbèch Latortue-Alexandre. Toujours selon Santinèl, le ministre des Finances Fred Joseph, entre 1996-2000, voulait seulement acheter des voitures Isuzu pour l'administration publique parce qu'il était de mèche, en konfyolo, avec les familles Saliba et Moscoso propriétaires d'Automeca. Quant à la famille Vorbes, elle s'est toujours faufilée pour nommer un coquin (ou une coquine) à elle au Ministère des Travaux Publics, Transports et Communications (TPTC), ou comme directeur du Centre National des Equipements (CNE).

Le kidnappeur. C'est avec beaucoup de surprise, de honte et de peine que la famille Brandt a dû apprendre le rôle crapuleux (présumé) d'un des leurs, en l'occurrence Clifford, dans des activités criminelles et déshonorantes de kidnapping. Personne dans ce sérail voyoucrate n'était encore descendu– jusqu'à preuve du contraire – à un niveau aussi abject, criminel et méprisable. Espérons que Clifford sera amené devant ses juges et déballera tout le paquet.

En tout état de cause, indépendamment de leurs activités flibustardes respectives visant le gain maximum, il faut reconnaître à tous les secteurs de cette bourgeoisie piratocrate un monopole commun, celui de la violence. Le massacre de Piatre, les répressions sauvages par militaires ou policiers interposés, les deux coups d'Etat de 1991 et 2004, en dernier lieu le kidnapping des jeunes Moscosso par le réseau de Clifford Brandt, pour ne citer que ces actes de flibustards, sont là pour en témoigner.

Désormais, quand on parle de kokorat, on saura qu'il en existe tirés à quatre épingles, jouissant de scandaleux privilèges, roulant dans de luxueuses cylindrées 4X4, habitant les hauteurs «là où la poussière ne vous bouscule pas le nez», jouissant d'un luxe insolent. L'argent et le pouvoir leur sortent par le nez. Ils méprisent bourgeoisement et kokoratement les démunis même quand ceux-ci leur servent de bonnes, de garçons de cour et travaillent à s'esquinter dans leurs usines d'assemblage. Tant ils sont abjects dans leur insolence à traiter les autres de haut qu'il va bientôt falloir commencer à parler de kakarat et non plus de kokorat. Ce sera le salaire de leur honteux mépris pour les plus faibles, pour l'Etat haïtien, pour la nation.

Note. Le gros des informations utilisées dans cet article provient du journal Santinèl (Nos.5, 6,7, 8, 9, 10, 11, 12). Elles sont disponibles sur le Web.

Source: Haiti-LIberte