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Laurent Lamothe : laxisme et intolérance politique comme méthodes de travail
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- Catégorie : Opinions
- Publié le jeudi 11 septembre 2014 17:34
Nombreux sont les analystes politiques, tant en Haïti qu'à l'étranger, qui pensent que le laxisme éhonté du premier ministre Laurent Lamothe et son intolérance politique face aux opposants du régime constituent une entrave au déblocage de la crise pré- électorale, mais aussi et surtout un grand frein à la reconstruction et le développement rapide du pays. Et selon ces observateurs, sa myopie politique et son mépris des valeurs républicaines et démocratiques ne permettent pas au Président Martelly de redorer le blason de son pouvoir qui expérimente une descente sans issue.
Dans les milieux politiques, tant en Haïti qu' à l'étranger et également au sein de l'opposition haïtienne, les avis favorables à une éventuelle démission du chef de la Primature sont unanimes et retentissent d'une seule voix. Les stratégies mises en œuvre par le gouvernement en faveur de l'amélioration de la situation socio-économique du pays restent jusqu'ici inefficaces. D'ailleurs, le fameux slogan « Fòk pèp la jwenn » a disparu des lèvres et de l'esprit du PM qui a pourtant fait de cette phrase son leitmotiv lors de la présentation de son énoncé de politique générale. Des taxes illégales non comptabilisées par le Ministère de l'Économie et des Finances (MEF) sont infligées aux haïtiens de l'extérieur sous la couverture de l'éducation gratuite pour tous. L'image du pays ne s'est point redressée aux yeux des étrangers à qui parviennent régulièrement les nouvelles sur les scandales de corruption provoqués par les membres des cliques au pouvoir. Les maudits sorts de la mauvaise gouvernance sont encore jetés au pays qui devrait en être pourtant à une phase significative de sa reconstruction. Aucune des promesses du Premier Ministre, qui a pris ses fonctions le 16 mai 2012, n'a encore porté fruit. Il a donc failli à sa mission. Ces indicateurs de piètre gestion administrative et politique suffisent pour constater que ce n'est pas l'homme qu'il faut à cette place.
Le Gouvernement Lamothe aux Grilles de la Science Politique
Selon l'American Political Association (l'Association Politique Américaine), la science politique est l'étude des gouvernements, des politiques publiques, du système politique et du comportement politique à des fins de progrès. Les actions et comportements politiques du gouvernement Lamothe ne sauraient échapper aux instruments de mesure que sont les grilles de la science politique. Politiquement, Lamothe n'a rien apporté au pays, et encore moins au Président Martelly qui l'a appelé au poste. Bien avant sa promotion au poste de Premier Ministre, il ne manifestait aucun respect envers les parlementaires, investis pourtant du pouvoir de contrôler l'action gouvernementale. Les doigts des mains ne suffisent pas pour compter le nombre de fois qu'il a boudé des invitations et convocations des sénateurs et députés de la nation. Tout porte à croire qu'il ne maîtrise pas les règles élémentaires de la politique qui exigent le dialogue et la négociation dans tout processus ou exercice démocratique.
Le comportement politique indécent du Premier Ministre s'est affiché au grand jour après la capture du présumé kidnappeur Clifford Brandt qui s'était évadé de la prison de la Croix des Bouquets le 10 août dernier. Le PM, sans connaitre les faits, a fièrement félicité son gouvernement et la PNH pour une opération qu'ils n'ont jamais menée. Que de théâtre! Il est une règle de base en communication que l'on doit s'assurer de connaitre tous les faits avant d'intervenir dessus en public. Il était pénible de voir des autorités dominicaines publier les informations relatives à l'arrestation de Clifford Brandt et quelques autres évadés sur leur territoire, pendant que le locataire de la Primature tentait de s'approprier le succès de l'opération.
Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, les nombreux conseillers du chef du gouvernement ignorent le rôle vital de la courtoisie politique (fair play) et du respect de l'opposition dans l'entretien de l'image d'un régime. Ils oublient tous de rappeler à leur « PM » (comme ils l'appellent affectueusement) que des sénateurs peuvent ne pas partager les positions de l'exécutif. Pour la Primature, les sénateurs de l'opposition sont des 'kamikazes', c'est-à -dire des terroristes. C'est ce qu'a déclaré haut et fort Me Michel Brunache, le porte-parole du Premier Ministre lors d'un point de presse. Dans les pays où les politiciens respectent leurs vis-à -vis, on aurait vite fait de publier une note pour condamner cet excès de langage. Les sénateurs sont qualifiés de terroristes seulement parce qu'ils posent un ensemble de conditions pour voter la loi électorale. Cette rhétorique, qui constitue une marque d'intolérance politique au sein de l'administration Lamothe, sous-entend une incapacité à négocier avec ses opposants politiques.
Bonne ou mauvaise Gouvernance ?
Tous les indicateurs socio-politico-économiques montrent que le pays n'est pas dirigé. Alors que l'équipe au pouvoir se vante de bonne gouvernance, même les plus brillants spécialistes du domaine ont du mal à repérer la logique sous-jacente aux interventions des pouvoirs publics. Dans les milieux savants, on parle souvent de la théorie des trois "P" : Plan, Programmes et Projets, une méthode apparemment absente en Haïti. De plus en plus, on assiste aux lancements de petits projets qui semblent avoir pour unique but d'élargir la clientèle politique des « Tèt Kale ». Sans une véritable vision de développement opérationnalisée à travers un agenda programmatique, on peut dire sans craindre d'être démenti que les programmes « Ti Manman cheri », « Kore peyizan », « Edepèp », etc... ne reposent que sur du vent.
La corruption à tous les niveaux continue de miner les maigres ressources de l'état, mais le Premier Ministre agit comme si les corrompus et les corrupteurs étaient les murs et les mobiliers des institutions étatiques. L'ancien directeur général de l'ONA, Bernard Degraff ne continue-t-il pas de jouir de la bonne grâce du régime en dépit des graves accusations de gabegie administrative qui lui ont couté le poste ? Alors, comment comprendre que le Premier Ministre a prêté serment pour lutter contre la corruption et faire progresser l'administration publique en obéissant à la loi mère pendant qu'il foule aux pieds les prescrits de la constitution en vigueur ?
La justice, quant à elle, devient une parodie. Des gens intouchables sont placés au-dessus des lois de la République. Personne ne peut les arrêter ni les conduire en justice. Le juge Jean Serge Joseph est décédé suite à des insultes de certaines hautes autorités qui estiment qu'il est allé trop loin dans le traitement du dossier des plaintes pour corruption contre la Première dame et le fils ainé du chef de l'état. Les prisonniers politiques ne se comptent plus et des militants de l'opposition sont constamment persécutés par des juges nommés à cet effet.
Tout compte fait, il est évident que Lamothe a fait le choix du laxisme et de l'intolérance politique comme méthodes de travail. Son inaction et ses actes incalculés sont une honte pour les Gnbistes et la droite haïtienne qui pensaient que les autorités en place allaient agir différemment de leurs prédécesseurs. Jusqu'à présent, en matière de gouvernance, rien ne différencie le Premier Ministre Lamothe d'un Jacques Alexis, d'un Yvon Neptune, d'une Michèle Pierre-Louis et d'autres Premiers Ministres Lavalas. Comme preuve tangible, toutes les promesses à court terme du gouvernement, comme création d'emploi, éducation gratuite au niveau élémentaire, sécurité sur tout le territoire du pays, respect des lois et normes constitutionnelles, etc tardent à se concrétiser.
Jocelyn Jean
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Source: HaitiActualite
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