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Dessalines : Idéologie ou Slogan ?

Claude JosephDans cette euphorie électorale, méfiez-vous, croyez moi, de ces alliances électorales superficielles des partis regroupés sous de fallacieux prétexte d’une commune idéologie n’ayant pourtant que de slogans comme ancrage. L’histoire d’Haïti, malheureusement, n’a pas souffert d’exemples de cette sorte : L’utilisation de paravent idéologique pour exploiter l’instinct du peuple. N’a-t-on pas vu comment le désenchantement populaire causé par l’occupation Américaine a servi de prétexte pour les soi-disant nationalistes anti-occupation, qui au fond n’étaient que des valets des valeurs impérialistes ?

Sténio Vincent, un tribun et grand avocat de son état, orientait en 1930 toute sa campagne électorale dans le sens des revendications nationalistes du peuple haïtien. Mais une fois élu, nous rappelle le professeur Gérard Pierre-Charles, « il se montra le digne continuateur des marines et ce, même après leur départ. Â» Souvenez-vous également de l’alliance historique des partis à tendance gauche regroupés autour du Front Révolutionnaire Haïtien (FRH) qui a supporté la junte militaire de Magloire – ce dernier était le seul noir de la junte ? Bien sur, aux termes de tractations, de subterfuges, d’autres alliances et mésalliances (Fignole-Duvalier, Fignole-Dejoie, etc…), François Duvalier émergea comme l’aboutissement d’une idéologie farfelue instaurant une dictature féroce ruinant la société haïtienne des valeurs qui auraient contribué à une autre Haïti. Plus récemment, Toussaint Louverture était le refuge idéologique du président Aristide. Les résultats de ce pouvoir, il me semble, n’étaient pas à la hauteur de sa restitution des valeurs Louverturiennes.

Dessalines, l’homme du moment. L’idéologie. Ce que nul haïtien digne du nom oserait critiquer. Mais, c’est quoi l’idéologie Dessalinienne dans le contexte actuel ? Quelle est sa portée sociale, politique, et économique? Bien sur, Dessalines préconisait sa vision de société dans un idéal de justice sociale. Il opposait catégoriquement à l’exclusion des « Bossales Â» dans la formation du nouvel état. Il souhaiterait une distribution équitable des richesses afin que les pauvres noirs de parents africains aient leur part du gâteau. Pour ce faire, Dessalines, l’ami fidèle de Toussaint, établissait des mécanismes pour identifier les usurpateurs – ceux qui s’auto proclamaient d’héritiers légitimes des colons propriétaires. La nationalisation des moyens de production, la terre en occurrence, devenait le principal outil de politique publique du père fondateur. Voilà, entre autres, ce qui lui a valu, à juste titre, le nom du premier marxiste avant Marx.

Alors, on doit comprendre parfaitement bien pourquoi nos neurones sécrètent de l’adrénaline quand le nom de Dessalines est cité. Pourquoi émotion et passion se substituent à la raison. Le mécanisme de défense de notre système immunitaire collectif n’est plus en état de discriminer le « soi Â» du « non-soi Â», ce qui facilite donc la présence des pathogènes comme parasites, virus, et bactéries. Le résultat des élections du 22 septembre 1957 est un cas d’espèce. Le virus Duvalierien a eu gain de cause de notre système collectif de défense. Au nom, entre autres, de Dessalines, l’enfant spirituel et politique de Sténio Vincent, a gagné la sympathie d’une bonne majorité du peule pour finalement instaurer ce que Pierre-Charles appelle « une version créole du fascisme Â» en Haïti qui allait durer jusqu’en 1986. Voilà pourquoi, la méfiance par rapport aux ideologues de slogans dans cette conjoncture électorale doit être de l’ordre. Mon point.

   Le présent contexte électoral est unique en ce sens que beaucoup de regroupements se réclament du Dessalinisme. La confusion n’est pas de moindre quand on sait qu’ils s’apprêtent à participer les uns contres les autres aux prochaines joutes électorales. Alors, on est en droit de poser les questions suivantes : quand on dit Platfom Pitit Desalin ou Ligue Dessalinienne, fait-on justice aux principes sociologiques d’Alain Touraine ? L’identité du mouvement Dessalinien est-il d’un coup saisissable – principe d’identité ? Le mouvement s’oppose t-il à quoi – principe d’opposition ? Puis le principe du tiers exclu- le mouvement, peut il être ce qu’il est pas, i.e. peut on différentier sans difficulté aucune le mouvement de qu’il n’est pas? A mon humble avis, tant que les instigateurs n’apportent pas des éléments de réponse structurée à ces questions et d’autres plus pertinentes, j’ose croire ce n’est qu’une autre tentative politicarde visant à exploiter l’instinct d’un peuple assoiffé d’un changement véritable. Un peuple qui se cherche constamment et qui souvent se voit duper par des slogans camouflés en idéologie.

 Claude Joseph