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Des chiffres pour le dire: Quatre ans de mauvaise gouvernance et de «mal-administration» sublime

caricature -martelly chanje chemise

Par Yves Lafortune --- En questionnant d’entrée de jeu les indicateurs, voilà ce qui saute aux yeux au premier regard ; l’administration publique haïtienne au plus haut lieu est mal gérée !…

En quatre ans,

  • Trois (6) Premiers ministres dont le dernier est nommé de fait.
  • Six (6) ministres de la Culture,
  • Cinq (5) de l’Environnement,
  • (4) ministres de l’Agriculture,
  • Cinq (5) ministres des Sports,
  • Quatre (4) ministres de la Justice,
  • Cinq (5) ministres de la Communication,
  • Quatre (4) ministres des Affaires sociales,
  • Trois (3) ministres de l’Éducation nationale,
  • Cinq (5) ministres des Haïtiens vivant à l’étranger (MHAVE),
  • Quatre (4) ministres des Affaires étrangères et des Cultes,
  • Au Ministère des Finances, cinq (5) ministres dont deux fois Madame Jean Marie et deux fois Monsieur Laleau.

En ce laps de temps, les secrétaireries d’Etat sont inventées, créées, recréées, destituées sans aucune logique. Les directions générales, c’est tout simplement une situation désastreuse, ne serait-ce qu’en tenant compte de la

  • Direction générale des douanes avec un record de quatre (4) directeurs généraux en quatre ans,
  • Trois (3) directeurs généraux des impôts (DGI),
  • Cinq (5) directeurs généraux à la Télévision nationale d’Haïti …
  • Au parquet, n’en parlons pas… Environ sept (7) commissaires du gouvernement, rappelons- le, en quatre ans. 2011 à 2015,

C’est la période qui nous aura rappelé le temps des Indiens avec les repartimientos sauf que, dans ce contexte-là, ce n’est plus une distribution des terres et de personnes aux colons de St-Domingue mais plutôt une distribution de ministères et de directions générales à des amis proches du pouvoir ou des politiciens pour se calmer.

C’est là la vraie vérité. Il est définitivement des niveaux de responsabilité au sein d’une société qui exigent un parcours-type, un fort régime de compétence et un haut sens du leadership. La gouvernance d’un Etat est de la carrure de ces responsabilités. On ne badine pas avec la direction d’un pays. Il y va de la vie des gens. On ne peut pas s’improviser … on ne s’improvise pas chef d’Etat, Premier ministre, ministre, directeur général, décideur public. C’est Patrice Franceschi qui l’écrit dans « Première personne du singulier » : Les hommes sont ainsi faits qu’ils ne peuvent pas tous convenir aux grandes tâches.

 Il y a quatre (4) ans, on n’a pas compris ça en Haïti. On a joué avec l’avenir de la nation. On a composé avec le sensationnel, on a voulu donner sa chance à un parachutiste déjanté, on a mis à la tête de l’Etat un individu qui n’a pas la membrure requise pour porter le costume de président de la République. La vieille rengaine marxiste ne dit-elle pas « à chacun suivant ses capacités… ».

Michel Martelly, puisqu’il faut le nommer, puisque c’est de lui que je parle, a mélangé ses pinceaux pendant tout son temps au pouvoir, il a confondu bonne gouvernance et propagande, sa surestime personnelle, et supplanté la mise en place d’un véritable projet de société. Au lieu de confier nos ministères et nos directions générales à des techniciens, des cadres formés, il les a offerts en récompense à des amis et aussi des politiciens de tout poil gagnés à sa cause ignoble.

Je suis pour l’idée qu’on l’incrimine et qu’on ne l’incrimine pas. Au bout de cinq ans d’une « gouvernance poudre aux yeux », il nous faut reconnaître nos erreurs de peuple, il faut tirer les leçons et fermer les vannes. Plus que jamais, le peuple haïtien doit mettre en place des balises légales qui puissent ouvrir la prise et l’exercice du pouvoir à des profils formés pour ça. Démocratie ne voudra jamais dire médiocratie.

Le bilan de fin de mandat de Michel Martelly est triste et amer. La gourde est une monnaie peau de balle, la vie chère déstabilise les ménages, la délinquance est à chacun de nos coins de rue, la bourgeoisie…en tout cas, la bourgeoisie oui pourquoi pas…s’engraisse, une forte partie de la population croupit dans la misère la plus humiliante, l’école gratis est un crime pédagogique, l’Université d’Etat bidouille, forme à qui mieux mieux, l’environnement haïtien est un scandale écologique, les Dominicains nous font manger de la poussière, nos villes sont des niches à microbes, la vulnérabilité des vies et des biens face à la forte sismicité d’Haïti est à son apogée, les villes de province ne servent qu’à faire la propagande du chef, la société haïtienne est dans le sens de la pente. Nous vivons ce que l’écrivain nigérien Wole Soyinka appelle : « une saison d’anomie ».

Et sur ces entrefaites, la grossièreté du président Martelly tend à enlever tout le prestige du statut de chef d’Etat. Son sens de la bêtise annihile la fonction, sa langue sale demeure le service après-vente le plus éloquent. « Moi Ernestine, moi noire » Le pays méritait mieux.

En ce temps d’élections, sans gêne, voici qu’il mobilise les finances publiques, l’argent des contribuables pour faire campagne pour son escouade. Il a goûté au pouvoir, il aime circuler en cortège, faire le chef, voyager aux frais de la princesse, serrer la main de vrais chefs d’Etat ; il ne peut plus en démordre, alors il s’accroche comme un faucon tient dur dans ses griffes une proie innocente. Il veut absolument rester dans les allées du pouvoir. Il veut montrer au peuple haïtien qu’il ne fallait pas. Qu’il ne fallait pas prendre une chance, qu’il ne fallait pas essayer. Le champ politique n’est pas celui de l’amateurisme. Définitivement, ce sera la grande leçon politique de ce quinquennat.

Est-ce que c’est Martelly qui a fait d’Haïti un pays pauvre ? Non

Est-ce que Martelly aura contribué grandiloquemment à garder Haïti dans la crasse et au bord de l’explosion sociale ? Oui et oui.

Si on a été suffisamment intelligent, fort et brave pour casser les chaînes de l’esclavage et imposer la reconnaissance de notre humanité ; on continuera à montrer au monde entier que nous sommes un peuple qui sait vomir et qui sait recouvrer sa dignité.

Sans injures ni bastonnades, nous devons cracher collectivement dans la soupe rose. Il nous faut dire NON à la «mal-administration», à la mauvaise gouvernance, non à l’arrogance !

 Je crois qu’au bout du compte le moment est arrivé où tous, nous avons compris qu’on n’est pas au Champ de Mars, mais dans un pays.

lafortune yves150Yves Lafortune,
MAP Designer Organisationnel, Avocat
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Caricature: LeNouvelliste