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L’impasse électorale

election 2015 bulletin senateur 4

La crise électorale déclenchée par les irrégularités et les violences survenues à l’occasion des législatives du 9 août dernier, qui a engendré toute une vague de contestations, peut être perçue comme une opportunité pour les forces vives de la société de se pencher de façon définitive sur les causes profondes qui caractérisent l’organisation désastreuse des élections en Haïti depuis celles de 1997. Toutes les crises politiques qu’a connues le pays, depuis lors, sont nées des contestations soulevées à l’occasion des élections. Aucun gouvernement, aucune université, aucun parti politique ni aucun groupe d’intérêt n’a réalisé une étude sur ce dossier brûlant qui représente la cause de nos malheurs, de nos dissensions internes et qui nous a valu la troisième occupation de notre territoire par des forces étrangères.

D’une circonscription à une autre, l’organisation d’élections en Haïti, pendant ces 18 dernières années, représente l’occasion favorable de démonstration de violences, de lutte d’influence, de sabotage de matériel électoral, d’incendie de maisons, de fraudes électorales, d’échanges d’invectives, de règlements de comptes et de vengeances de toutes sortes. Comment le Conseil électoral provisoire peut-il prendre sur lui la responsabilité de planifier le second tour des législatives dans les mêmes conditions de violence et de sabotage du premier tour ? Si les sanctions adoptées par l’institution électorale sur certains candidats pour conduite répréhensible à l’occasion du 9 août ont été saluées par différents secteurs, il n’en est pas ainsi pour d’autres candidats et partis politiques qui ont commis des exactions. Un mois après les législatives du 9 août, l’institution électorale est-elle en mesure de documenter les cas des 25 circonscriptions électorales où les élections ont été annulées pour causes de violence et d’irrégularités graves ?
 
Il est certain que le taux de participation des électeurs était très faible aux législatives du mois dernier. Dans beaucoup de circonscriptions, les conflits ouverts entre des candidats pendant toute la semaine précédant le scrutin avaient poussé nombre d’électeurs à ne pas prendre le risque d’aller remplir leur devoir civique. Personne ne peut attribuer au Conseil électoral provisoire la responsabilité des cas de violence constatés lors des élections. Cependant, l’institution électorale peut-elle demander aux électeurs d’aller voter le 25 octobre sans que les conditions de sécurité soient encore garanties ? La plupart des candidats et leurs partisans qui ont saboté la journée électorale, en présence des policiers dans certains cas, sont-ils déjà questionnés par les autorités policières et judiciaires des différentes juridictions judiciaires du pays ? Si cette démarche n’est toujours pas accomplie, un mois après, qu’en sera-t-il pour le 25 octobre ?

 L’organisation d’élections dans le pays doit-elle continuer à coïncider avec un climat de peur, d’émotion, de tension ?  L’exercice du droit de vote d’un électeur  ne devrait-il pas être accompagné d’une liberté de mouvement  d’un lieu à un autre ? L’ensemble de ces préoccupations ne devraient-elles pas faire l’objet de débat avant la reprise des opérations électorales ?

Lemoine Bonneau
Source: Le Nouvelliste