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La Constitution de 1987 est-elle vraiment amendée ?
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- Catégorie : Opinions
- Publié le dimanche 29 juillet 2012 23:38
En 2011, faisant le retrait des amendements frauduleux, le Président Martelly avait pris une décision d’homme d’Etat. En 2012, en autorisant la publication d’un texte frauduleux, il a pris une décision de politicien. Quand les considérations politiques l’emportent sur le droit, on n’est plus dans un Etat de droit. La politique doit au contraire toujours être subordonnée au droit, non l’inverse. Il est temps que nous cessions de faire de la politique en coquins.
Le Président Martelly sait mieux que personne que le document publié le 19 juin et dit « reproduit pour erreurs matérielles » est un document frauduleux, sans existence juridique et inopérant. Il sait aussi qu’il existe en vigueur dans le pays une version de la Constitution en créole qui est intacte et qui contredit point pour point ce qu’il y a dans le document frauduleux. Il est bien conscient de tout cela. A preuve de ce que nous avançons, nous dirons que le Président s’est contenté de retirer son Arrêté du 3 juin 2011 qui, faisant le retrait des amendements frauduleux, remettait le pays dans la légalité constitutionnelle, et qu’il n’a pas signé le document publié dans Le Moniteur, croyant pouvoir mettre à couvert sa responsabilité dans cette mise en vigueur d’amendements frauduleux à la Constitution, ce qui s’apparente ici à un véritable tour de passe-passe. Le Président Martelly a techniquement adopté l’attitude de Ponce Pilate vis-à -vis de ces amendements frauduleux, s’en lavant littéralement les mains et les laissant entrer en vigueur par une voie elle-même irrégulière. Le Président a confondu vitesse et précipitation.
Ici encore, le Président de la République a été induit en erreur par certains mauvais conseillers qui lui ont fait croire qu’en agissant ainsi, il exonérait totalement sa responsabilité dans cette malheureuse affaire d’amendements. En droit administratif, le fait par un dirigeant de ne pas faire quelque chose ou de laisser faire délibérément quelque chose d’irrégulier et d’illégal équivaut à une faute qui engage pleinement la responsabilité de ce dirigeant. Personne n’est dupe de la manœuvre qui est cousue de gros fil blanc. Le Président Martelly a commis une infraction qui est définie par les auteurs anglo-saxons comme une « Dereliction of duty », ce qui se traduit assez mal en français, mais que l’on pourrait rendre par « Abandon de devoir ». Ponce Pilate, fuyant ses responsabilités, avait lui aussi commis, il y a 2000 ans, une « dereliction of duty » en laissant crucifier quelqu’un qu’il savait pertinemment être innocent. Cette attitude représente une faute lourde pour un responsable politique ou administratif et n’est pas acceptable en droit public. Ponce Pilate aussi l’apprit à ses dépens, car il semble que, deux ans après son forfait, et suite aux démarches inlassables entreprises par Sainte Véronique et d’autres amis du Christ, il fut révoqué deux ans plus tard par l’Empereur Tibère son patron pour faute professionnelle grave et rayé des cadres administratifs de l’Empire romain. Il resta au chômage pour le restant de sa vie.
Cette « dereliction of duty » ne règle pas les affaires du Président Martelly. Il a mis ou contribué à mettre délibérément un faux en vigueur pour amender la loi mère du pays. L’histoire retiendra cela. Déjà dans les milieux populaires qui représentent la base politique du Président et qui sont encore en état de choc, on entend des réflexions comme celles-ci : « Le Chef a trahi la cause, le Président a péché, etc… » Cette mesure illégale a eu l’effet d’une douche froide sur ce secteur important de la Nation qui représente la majorité des votants. D’après les sondages réalisés, 65% des citoyens sont contre la mise en vigueur des amendements frauduleux au moyen d’une manœuvre de force par le leader populaire que demeure Martelly. Tout semble apparemment, s’être bien passé, parce que l’Haïtien n’agit pas, il réagit. Le peuple peut ne pas comprendre toutes les finesses d’une discussion juridique de haut niveau, mais dans son gros bon sens, dans son intuition naturelle, il sentira quand même qu’il y a quelque chose d’incorrect et d’inacceptable quelque part. De notre côté, nous comprenons mal ce qui a poussé le Chef de l’Etat à agir ainsi. Nous ne l’avons pas encore découvert. On constate qu’apparemment il a cédé à un odieux chantage. Nous pensons cependant que l’on peut avancer un certain nombre d’hypothèses de travail.