Analyses & Opinions
La Constitution de 1987 est-elle vraiment amendée ?
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- Catégorie : Opinions
- Publié le dimanche 29 juillet 2012 23:38
Certains conseillers incompétents auraient fait miroiter au Président des avantages personnels ou politiques qu’il pourrait retirer de ces pseudo-amendements, comme si on pouvait tirer de bonnes choses d’une quelconque irrégularité. Nous devons ici nous arrêter pour rendre un hommage mérité au lucide et courageux député Jules Lionel Anélus qui a eu à dire qu’on ne peut obtenir une bonne chose au prix d’une illégalité. Les partisans des amendements frauduleux pour défendre leur projet n’ont toujours opposé aux arguments de droit que des arguments de fond et absolument irrecevables dans un Etat de droit comme des raisons politiques ou des progrès et avantages par rapport au texte existant de la Constitution. Une autre raison, c’est que le Président de la République était entouré d’une meute de gens, Haïtiens et étrangers, qui pour des raisons diverses pressuraient le Chef de l’Etat pour obtenir la publication de ces amendements frauduleux au mépris du droit, et qu’il leur a donné satisfaction pour acheter sa paix en leur jetant ces pseudo-amendements, comme aurait dit le grand poète Oswald Durand, « comme un os que l’on lance à des chiens ». A ce propos, la menace proférée par le Président Levaillant Louis-Jeune de juger le Président Martelly était tout simplement risible. Où allait-il trouver les 66 députés nécessaires pour mettre en accusation un Président Martelly défendant du bec et des ongles la légalité constitutionnelle ? Où allait-on trouver 20 sénateurs pour déclarer Martelly coupable et le démettre de ses fonctions ? Comme le Président Andrew Johnson en 1868 aux Etats-Unis, Martelly aurait dû prendre la chance de se faire juger pour défendre un principe. Il aurait facilement triomphé des ces parlementaires magouilleurs, il serait sorti grandi de cette affaire et l’Etat de droit chez nous aurait été renforcé. Il a préféré leur céder. Disons enfin un mot sur certains diplomates étrangers et sur ce fameux Club de Madrid qui s’érige en spécialiste de questions constitutionnelles haïtiennes. Les diplomates, pour des raisons inconnues, pensent que des amendements frauduleux conviennent parfaitement aux Haïtiens : « Y’a bon amendements ! », comme on disait autrefois « Y’a bon Banania ! » Quand au Club de Madrid qui s’est permis d’extorquer des promesses illégales du Président de la République relativement à la publication de ces amendements frauduleux, ses membres doivent bien comprendre qu’ils sont de parfaits ignares en questions constitutionnelles haïtiennes et qu’ils vont le rester pour très longtemps. Certains secteurs étrangers ont intérêt à affaiblir politiquement le Président Martelly pour pouvoir lui arracher encore plus facilement à l’avenir des concessions illégales préjudiciables à l’intérêt national. Il y a l’enjeu du Conseil Electoral Permanent dont certains partisans du Président et certains membres de la nébuleuse Inite/Inikite nouvellement, reconvertis au martellisme, pensent pouvoir en faire leur profit en lançant à nouveau le pays dans la logique d’élections frauduleuses, ce qui serait une entreprise suicidaire et vouée à l’échec, mais la tentation sera extrême pour certains de penser que, dans le nouveau contexte, ils peuvent toujours essayer et bien se tirer d’affaire. L’histoire récente contredit cette approche. Il y a aussi la possibilité que de faux amis du Président le poussent à commettre une grave erreur dans le but de l’affaiblir et de profiter eux-mêmes de cette erreur plus tard. Le Président Martelly a eu en réalité une attitude ambivalente vis-à -vis des pseudo-amendements. Après qu’il en eut fait le retrait, c’est lui-même qui annonçait à Boston quinze jours plus tard qu’il allait tenter de sauver les amendements. C’est lui qui délégua un représentant de la Présidence qui avait déjà travaillé à cette entreprise sous Préval, aux séances de repêchage des prétendus amendements qui ont duré près de six mois. Il est bien possible que le Président ait finalement succombé à ses inclinations initiales. Il faut croire enfin que le Président Martelly ait réellement pu voir ou cru voir quelque profit pour lui dans la publication de ces amendements notoirement frauduleux. Ce ne sont là bien entendu que des conjectures qui peuvent aider à comprendre.
D’après l’éducation chrétienne que nous avons reçue à Saint-Louis de Gonzague, il nous a été dit, ce qui est admis par tous les théologiens, que le chemin qui mène au paradis est montant, malaisé, étroit, ardu, rocailleux, difficile à gravir, et que le chemin qui mène à l’enfer est une autoroute, large, plate, bien asphaltée, agréable. Ici, malheureusement pour le pays et pour lui, le Président Martelly a choisi l’autoroute.
Les amendements ont été l’objet d’un faux l’an dernier. La théorie des erreurs matérielles est mensongère, car pour qu’elle soit valable, il aurait fallu que ce soit l’original même de l’amendement qui ait été publié au journal officiel avec lesdites erreurs matérielles. Or, la discordance entre les signatures et les sceaux qui se trouvent sur l’original et sur le texte publié invalide immédiatement cette thèse. Justement, le texte dans Le Moniteur n’est pas l’original, c’est là le hic. A cause de cette discordance au niveau des signatures et des sceaux, il ne peut pas être le texte de l’original des amendements mais un texte différent, rédigé postérieurement à l’original. L’original des amendements, seule pièce qui aurait pu faire foi, a disparu ou a été volontairement détruit. La clameur publique a même cité certains noms. Cette échappatoire « d’erreurs matérielles », ce véritable mensonge officiel que l’on veut faire avaler à la nation demeure un mensonge. Il ne peut y avoir d’erreurs matérielles sur les sceaux et les signatures qui se trouvent sur un document original, mais seulement sur une autre pièce. Les observateurs les plus perspicaces verront en outre que la dernière phrase de l’original des amendements et du document publié dans Le Moniteur n’est pas identique, ce qui prouve encore qu’il s’agit bien de deux documents différents, le texte du Moniteur étant postérieur de quelques jours au texte original des amendements, à moins que, pire encore, il n’ait été préparé d’avance. De toute façon, il s’agit là d’un cas caractéristique de faux en écriture publique, contre lequel l’action publique aurait dû être au contraire mise en mouvement. Le principe général en droit est le suivant : FRAUS OMNIA CORRUMPIT. La fraude corrompt tout. Depuis le 13 mai 2011, les amendements sont morts. D’ailleurs, l’ensemble de tout le processus de révision est entaché de nullité depuis le début, on semble trop souvent l’oublier. Dans cette affaire, tous les principes du droit, de la morale, de l’éthique, du bon sens, de la logique, de l’honneur ont été copieusement foulés aux pieds. Parler ici « d’erreurs matérielles » est tout simplement une insulte à l’intelligence. Le Roi est nu ! Le Pays va être régi par un faux. Personne n’est dupe. Le colonel Himmler Rébu parle de crime d’Etat. On devrait parler de crime contre l’esprit.