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De quoi demain sera-t-il fait en Haïti ?
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- Catégorie : Opinions
- Publié le jeudi 25 février 2016 17:11
« Ne vous irritez pas ! Fronts que le deuil réclame,
Mortels sujets aux pleurs.
Il nous est mal aisé de retirer notre âme
De ces grandes douleurs. »
(Victor Hugo, LES CONTEMPLATIONS)
Par Robert Lodimus --- Dimanche 7 février 2016. Le palais national est vidé. Les « indésirables » ont déménagé. Pas d’explosion sociale et politique. Mais pour combien de temps le danger est-il écarté?
Les États-Unis imposent déjà leur mise au pas à Jocelerme Privert. Kenneth Merten, au cours d’une téléconférence, ose même rappeler et signifier aux médias étrangers l’importance, la sacralité et l’ « incontournabilité » de l’accord du 6 février 2016 aux yeux de l’Administration Obama. Le Département d’État ordonne – sans gymnastique diplomatique – la poursuite du processus électoral entaché de « fraudes graves » et rejeté par le peuple haïtien. Il l’impose clairement : le 24 avril 2016, Jovenel Moïse doit affronter Jude Célestin au second tour. Contrairement – selon Kenneth Merten – Haïti basculera dans une présidence illégitime et anticonstitutionnelle. Comme si le pays n’en était pas déjà là avec les cinq (5) années du « néomacoutisme martellien »! Jocelerme Privert pourra-t-il résister aux pressions lourdes et arrogantes de ses « bienfaiteurs » de la communauté internationale (CI)? L’homme n’a rien d’un politique visionnaire et progressiste. Et pourtant, la présence de Jocelerme Privert au palais national déclenche une avalanche d’émotions. Même la presse locale se laisse attendrir! Alors que les Haïtiens devraient redoubler de vigilance.
La « valse des canards » est ouverte dès la prise en charge de la « présidence » provisoire par l’équipe privertienne. Fanfan la Tulipe dirait peut-être, avec l’humour qu’on lui connaît : « Trois fois passera, c’est la dernière qui restera… » Haïti est pauvre en blé, soja, riz, haricot, maïs, patate. Mais riche en aspirants « présidents » et « premiers ministres »!
Il ne faut pas l’ignorer
La République d’Haïti est sur le point d’exploser. Nous sommes revenus au temps sombre et douloureux qui chevauche l’univers fictif du grand romancier Jacques Roumain dans Gouverneurs de la rosée:
« Avant on ne faisait qu’une seule famille. C’est fini maintenant. Chacun garde sa rancune et fourbit sa colère. Il y a nous et il y a les autres. Et entre les deux : le sang. On ne peut enjamber le sang ! »
Depuis 7 février 1986, les luttes intestines, les querelles de clan ont vrillé la sensibilité patriotique des héritiers de l'espace politique post duvaliérien. Les uns et les autres se sont révélés incapables de tracer les voies de l'avenir pour équilibrer et fortifier la marche titubante du pays. La République a perdu pied. Elle est en train de se noyer. Les anciens colons se frottent les mains. Ils trinquent dans les ambassades et les consulats aux « Malheurs » d’une « Nation effrontée » qui a bouleversé l’ordre sociopolitique et économique de l’univers.
Le climat social se fragilise étonnamment à Port-au-Prince. Le calme que l’on observe actuellement est apparent. Jocelerme Privert a arrosé d’essence la présidence provisoire et il s’amuse à jongler avec des quilles enflammées.
Deutsch a démontré que « Gouverner, c’est prévoir … ». Le vicomte Louis de Bonald, de son côté, rappelle que la « fonction propre du pouvoir est d’ordonner et de décider. » Il suffit très souvent de la part d’un Chef d’État d’une simple erreur de jugement et d’appréciation pour provoquer, comme Louis XVI, dans le corps social, la confusion et le désordre qui conduisent tout droit au désastre politique.
Dans son ouvrage intitulé Politique systématique, Althusius explique le sens de la souveraineté et de la légitimité :
« La politique est l’art d’associer les hommes pour l’établissement, la direction et la conservation de la vie sociale. La souveraineté appartient à la communauté et non à son chef. »
Les mandataires sont donc liés par contrats à leurs mandants. Cette thèse implique le droit à la rébellion, à la révolte, à l’insurrection lorsque le « Prince » viole la Charte constitutionnelle. Dans le sens des philosophes politiques du 15ème siècle, particulièrement de l’auteur du célèbre Le Léviathan, Thomas Hobbes, les couches encore saines de la population doivent apprendre à se protéger et à se défendre contre les germes pathogènes qui alimentent en souffrances et en désespoirs les cellules les plus vulnérables de la société haïtienne. L’autorité de l’État vient de chaque citoyen en particulier. C’est un acte volontaire résultant de la recherche des intérêts individuels et collectifs qui a donné naissance à l’État. Selon Thomas Hobbes, le souverain a la responsabilité politique et morale « d’assurer à tous ses sujets (citoyens) la sécurité, l’égalité devant la loi et la prospérité matérielle. »
Quelques uns d’entre vous ont probablement lu la dernière lettre que le poète martyr David Diop (1) a écrite à son beau-frère au moment de rejoindre la Guinée en 1958:
« Il est des cas, dit-il, où celui qui se prétend intellectuel ne doit pas se contenter de vœux pieux et de déclaration d’intention. Il faut qu’il donne à ses écrits un prolongement concret. »
Dans les interlignes de cette citation, l’écran de notre imagination tente de reconstituer les images des nombreuses personnalités mythiques qui portent l’emblème de l’immortalité pour avoir posé en face de l’horreur des actes de bravoure inestimables. Elles ont participé délibérément aux durs et valeureux combats menés sur tous les fronts pour extirper de l’univers les démons des inégalités sociales et de l’oppression raciale.
Montesquieu avait pleinement raison, lorsqu’il déclara: « La liberté de la pensée est l’unique rempart de la liberté des nations.» L’histoire du monde est jalonnée de femmes et d’hommes illustres torturés et assassinés à cause de leurs idées progressistes et révolutionnaires dans les prisons des dictateurs qui maltraitent leur peuple et qui livrent leur pays aux puissances étrangères dominatrices. Apprendre à penser, c’est apprendre à être « Libre » ! Combattre l’analphabétisme au sein des sociétés planétaires, c’est indiquer aux populations enchaînées dans l’exploitation oligarchique le chemin de la « Liberté ». Cuba et d’autres pays l’ont réalisé. Grâce à Evo Morales, les autochtones boliviens accèdent à l’enseignement universitaire. Les élites locales ont choisi de maintenir les masses haïtiennes dans un état permanent d’illettrisme. Elles veulent continuer à les dominer et à les exploiter à des fins politiques, économiques et sociales. D’ailleurs, l’alphabétisation n’occupe pas une place importante dans les débats des politiciens hypocrites et grincheux.
La prière de l’enfant de Martin Gray (2), quel formidable et subliminal exemple de « Liberté » dans la tolérance sociale :
« Je prie
Pour que tu ne sois ni esclave ni réfugié
Mais libre de prier la religion de ta famille
Et je prie
Pour que tu aies le droit de ne pas prier »
Par la faute d’un État soudé à l’infantilisme, au sectarisme et à l’immobilisme, les Haïtiens tressent sans répit la paille sèche de la « pauvreté extrême ». Et ils se retranchent dans la hantise d’un retour brutal du passé fascisant, artisan farouche et irréductible de la terreur affreuse.
Victor Cochinat, ce journaliste d’origine antillaise qui a passé son existence à écrire des pamphlets pour prédire la disparition de la République d’Haïti en tant que nation a dû dans l’au-delà tourner en dérision le grand défenseur de la race noire, Louis-Joseph Janvier. En constatant l’état avancé de déchéance, de décadence, de décrépitude du pays, nous serions presque convaincus de la réticence de Janvier aujourd’hui à s’engager sur la voie des affirmations si radicales: « Pour la race noire, Haïti c’est le soleil se levant à l’horizon (3)». Et pourtant, La République d’Haïti a une histoire d’Héroïsme et de Liberté peu commune. C’est son cheminement historique grandiose et méritoire qui lui vaut d’être la « cible » continuelle des instincts destructeurs de ces tristes « vautours » qui avilissent la communauté internationale (CI).
Le docteur Louis-Joseph Janvier fit d’autres prédictions qui, exceptionnellement, se sont avérées. Le diplomate écrivit :
« Les présidences à court terme, mauvaises pour un pays neuf où la vie politique n’est pas intense parce que les cerveaux ont été laissés trop longtemps sans culture et que les intérêts matériels sont concentrés entre les mains d’un petit nombre de personnes, vont se succéder. Avec elles, se manifesteront des recrudescences de la colère du peuple, naîtront des guerres intestines. Les unes et les autres seront précédées, accompagnées ou suivies de luttes parlementaires absolument sans grandeur (4).
S’il n’avait pas fallu se fier à certaines apparences, nous aurions déclaré que la République d’Haïti n’est pas vraiment arrivée à enjamber les barrières de ce que les philosophes des lumières, notamment Jean-Jacques Rousseau, ont baptisé « l’état de nature ». Le pays peine encore à trouver une voie sociopolitique pour se départir de sa cuirasse tribalo-primitive. Le peuple haïtien, à cause de l’irresponsabilité flagrante dont font preuve ses dirigeants, erre dans la noirceur opaque de la déraison et de l’absurdité. Parviendra-t-il à s’orienter vers le « soleil libérateur » tant recherché par Jacques Stephen Alexis ? Et dire qu’il existe encore des « insensés » qui s’entredéchirent, qui s’entretuent pour régner comme Néron ou Attila sur cette partie de l’île agonisante ! Complètement à la dérive !
« Nous avons faim ! »
Ces cris de frustration, ces onomatopées de désolation qui ponctuent les journées en Haïti, nous tenons à le rappeler, ont été dans plusieurs pays le dénominateur commun de commencement d’une violence ruineuse qui a déjà conduit à la déstabilisation de nombreux États démissionnaires. Parasitaires. Immobilistes.
Nous avons écrit dans le roman inédit Mourir pour vivre :
« La quête du pain qui devient rare, introuvable ragaillardit les bras des pauvres pour faire avancer plus vite les hélépoles de frustration et de colère. “ Nous avons faim ! Donnez-nous du pain… ! ” Ces vociférations menaçantes ont ébranlé dans le temps des monarchies célèbres et apparemment puissantes. La Bastille, elle-même, n’y a point résisté. Louis XVI est passé sous la guillotine. Des foyers de révolte ont embrasé des villes entières afin de dératiser les caves de corruption, d’oppression et de répression d’où s’originent les inégalités sociales émétiques, vomitives. (5) »
Certains pays de la planète commencent sérieusement à incarner « Les raisins de la colère » de John Steinbeck, roman adapté au cinéma en 1940 par John Ford et Nunnally Johnson. Ce récit émouvant du drame vécu par les fermiers de l’Oklahoma durant la crise économique grave qui a frappé les États-Unis de 1929 à 1939 a marqué la mémoire de plusieurs générations.
La politique, surtout dans les pays du Sud, doit cesser d’être simplement la science du pouvoir pour retrouver l’essence de sa valeur fondamentale qui est la recherche du bien-être des individus et des collectivités. Cela fait trop longtemps que « la vache du riche mange le grain du pauvre ». Les dirigeants de l’État sont mandatés pour combattre la pauvreté de masse persistante et trouver une voie de développement durable pour la République d’Haïti.
Une nation, malheureusement, sans « avoir » (pauvreté extrême) et sans « savoir » (taux d’analphabétisme toujours élevé) pourrait effectivement être vouée à la disparition et à l’oubli.
De temps en temps, nous nous amusons à revisiter la vielle copie du film État de siège magistralement interprété par Yves Montand que nous avons achetée dans un marché aux puces en Amérique du Nord. Celui qui nous l’a vendu ne savait pas qu’il venait de se débarrasser d’un trésor culturel pour une malheureuse pitance de cinquante cents. Une histoire de kidnapping d’un diplomate étranger accrédité en Amérique latine. Le film s’achève avec l’assassinat de la victime.
État de siège a réussi à nous apprendre ce qu’est une organisation politique, dans le sens le plus scientifique du terme. C’est peut-être pour cela que nous utilisons un vocabulaire précis pour désigner les différentes composantes de la classe politique haïtienne : des groupements politiques sans structure organisationnelle. Sans idéologie. Nous vous référons aux ouvrages Les partis politiques de Roberto Michels (1913) et de Maurice Duverger (1951). Pas de système politique sans système idéologique.
La formation des partis politiques remonte au milieu du 19ème siècle. Nous en reprenons la définition retenue par Denis Monière et Jean H. Guay, calquée sur les approches théoriques des penseurs J. La Palombara et M. Weiner (Political parties and Political Development, 1966) :
« On définit généralement un parti politique comme une organisation durable qui se différencie des autres types d’organisation par la recherche du soutien populaire pour la conquête et l’exercice direct du pouvoir. »
Heureusement que l’histoire sait engendrer ses héros
Fort souvent, il nous arrive de réfléchir sur les principaux événements qui ont su à travers l’histoire de l’humanité élever l’homme au faîte de la gloire ou le jucher sur le sommet de la honte perpétuelle. Depuis l’effondrement du bloc de l’Est, les puissances occidentales se livrent à un jeu méchant et subtil: détruire petit à petit les figures mythiques qui symbolisent le passé glorieux de certains peuples et qui leur servent de modèle de résistance ou de lutte dans les moments difficiles de leur existence.
En 1983, le Congrès des États-Unis consentit finalement à voter la loi par laquelle la date de l’anniversaire de Martin Luther King, 19 janvier 1929, devint un jour de congé officiel. Elle fut introduite en 1972 et combattue farouchement – par Ronald Reagan, entre autres – avant d’être acceptée et ratifiée.
Chaque 21 janvier ramène l’anniversaire de la mort de Vladimir Ilitch Oulianov dit Lénine, celui qui disait : « La Russie reste un pays retardataire à un point incroyable, un pays misérable et à demi sauvage.» Depuis des années, nous reprenons ces mêmes mots pour qualifier l’état de la République d’Haïti. Que reste-il aujourd’hui de Lénine en termes de souvenirs et de valeurs historiques? La période de l’après-guerre froide a bien fait son travail d’aliénation et d’ « amnésiation ».
On ne naît pas forcément héros ! On le devient par la force des choses. Avant le 28 novembre 1985, date de l’assassinat des trois élèves gonaïviens, personne ne soupçonnait qu’il y avait quelque part, dans un coin reculé d’un bidonville qui s’appelle Raboteau, un pêcheur ignorant, illettré, analphabète, un certain Jean Tatoune par le sobriquet, qui allait forcer la République d’Haïti à amorcer un virage historico-politique stupéfiant. Le monde avait pu aussi entendre parler d’un Paulux Saint-Jean – un ancien camarade de classe chez les Frères de l’Instruction Chrétienne – brave, hardi et téméraire. Le « rebelle » antiduvaliériste, qui était un lieutenant du « mouvement de guérilla » de Lionel Lainé, décéda mystérieusement sur la route nationale numéro 1, quelques jours après la fuite des Duvalier et des Bennett. Il avait laissé Gonaïves pour se rendre à Port-au-Prince, dans le but de répondre à une convocation du général président Henri Namphy. Les freins du véhicule à bord duquel il se trouvait, selon des témoignages concordants, auraient lâché.
C’est l’exécution d’Alexandre Oulianov, le frère aîné de Lénine en 1887 qui va indiquer à ce dernier la voie à suivre afin d’aider le prolétariat russe à se libérer de la dictature monarchique. Lénine disait : « Chaque force sociale se pose des objectifs politiques qui correspondent à ses intérêts objectifs. » L’anniversaire du décès de Lénine ne retient presque plus l’attention de la planète. Les temps ont changé. Cependant, les réalités contondantes des sociétés mondiales ont empiré. Empirent. « Le prolétariat n’a d’autre arme dans sa lutte pour le pouvoir que l’organisation », soutenait encore l’artisan principal du communisme en Union Soviétique. En Haïti, les Héros de la guerre de l’indépendance sont enfermés dans les placards du mépris et de l’oubli. Aucun sentiment de Respect et d’Honneur de la part des dirigeants politiques ignares et délinquants à l’égard des aïeux !
Beaucoup de Juifs échappés au régime esclavagiste de Pharaon ne furent pas arrivés à franchir les portes de Canaan. Ceux-là qui étaient cuits dans la fournaise ardente du « Mal », les irréductibles, les traîtres, les idolâtres, les ingrats qui se souillaient, qui se prostituaient dans le lit du « Diable », étaient carrément frappés d’anathème. Et pour les besoins et le triomphe de la cause, le Prophète n’eut d’autre choix que de les condamner à manger des pissenlits dans le désert par les racines. Les Haïtiens retiendront de cet euphémisme que la République ne pourra pas avancer sans que les « barrières » de blocage ne soient renversées. Éliminées.
Haïti descend lentement, mais sûrement dans l’abîme
Comment pouvait-il en être autrement lorsque toute la politique de la communauté internationale (CI) consiste depuis longtemps à tirer le pays par les pieds pour l’empêcher de monter. Nous rappelons quelques passages du discours prononcé par le maire de Port-au-Prince, M. Sténio Vincent, à l’occasion de la fête du travail le 1er mai 1908 et rapporté par Alain Turnier (6) :
« Les étrangers, dit Sténio Vincent, venus de partout pour la conquête légitime et naturelle de la vie encombrent toutes les avenues de l’activité sociale. Voyez un peu ! La banque est allemande. Les commis de banque sont allemands. L’enseignement est français. Il est de plus en plus congréganiste. Le commerce d’importation et d’exportation est allemand, français, anglais, américain et syrien. De vagues commerçants haïtiens se trouvent mêlés à cette sauce cosmopolite, une sauce blanche, comme deux ou trois grains de poivre qui seraient tombés par mégarde. Le commerce nous échappe. La cordonnerie est cubaine. L’horlogerie et la bijouterie sont italiennes. La confection pour hommes est surtout cubaine. La carrosserie est jamaïcaine. Les quelques usines que nous avons çà et là pour la préparation du café et du cacao, les deux ou trois plantations quelque peu organisées, tout cela est aux mains des étrangers…»
Nous avons l’impression que la République d’Haïti se retrouve au même carrefour qui révolta la conscience du maire Sténio Vincent devenu par la suite président le 18 novembre 1830. La bouillotte de crise sociale, économique et politique dans la laquelle elle mijote depuis plus de deux cents ans ne se refroidit pas.
L’accord obscur signé le 6 février 2016 entre la présidence des Tèt Kale et le « parlement délégitimé » n’arrivera pas à jeter de l’eau sur le feu des mécontentements populaires. Il barbotte dans un océan d’inexplicité. À cause du document confus, le fossé des hostilités politiques commence à s’élargir. Les mascarades électorales du 9 août et du 25 octobre 2016 ne pourront pas échapper aux flammes de l’annulation, sans causer des préjudices graves à la volonté et à l’effort d’instaurer un « État de droit » en Haïti. Le dilemme shakespearien, comme pour Hamlet, subjugue en ce moment la conscience des Haïtiens: « To be or not to be… That is the question. »
Tous les grands essayistes et romanciers haïtiens du 19ème siècle, Fernand Hibbert, Frédéric Marcelin, Louis-Joseph Janvier… ont utilisé le même vocabulaire pour baptiser, déplorer et dénoncer les « Maux » dont souffre l’État haïtien depuis sa création, et qui causent jusqu’à présent les mêmes déceptions, provoquent les mêmes souffrances, occasionnent les mêmes privations aux couches ignorantes et ignorées de la population. Comment restituer aux victimes de l’hégémonie impérialiste et de la domination oligarchique le libre exercice de leurs droits de citoyenneté ?
St-Exupéry disait : «Être homme, c’est sentir en posant sa pierre, que l’on contribue à bâtir le monde. » La culture de ce que la sagesse socratique qualifiait de « fausse universalité démocratique » – comme celle qui se pratique encore de nos jours en Occident – n’amènera certainement pas la République d’Haïti sur le chemin de la paix sociale. Comme par magie, l’insécurité publique a repris son bâton de terreur.
En observant ce pays qui périclite et qui a donné naissance à une somme considérable d’intellectuels éminents, reconnus et respectés dans les milieux universitaires étrangers, nous ne pouvons nous empêcher de conclure comme François Rabelais, médecin et philosophe français: «Science sans conscience n’est que ruine de l’âme.»
Thomas Mann(7) nous apprend : « Le génie est une punition de Dieu. Le mal est une nécessité, c’est lui qui attise le feu du génie. » Du fléau de l’esclavagisme, ce mal absolu, ont émergé des femmes et des hommes géniaux qui ont confectionné et hissé le drapeau d’un État souverain et indépendant au mât de la Liberté.
Par-delà les incertitudes de l’avenir, nous exhortons les camarades à l’espoir de voir émerger un jour en Haïti un modèle de société qui soit vraiment capable d’enrayer l’ilotisme et de redonner de la valeur à la vie humaine.
Robert Lodimus
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Notes et références
(1)David Diop, poète sénégalais.
(2)Martin Gray, J’écris aux hommes de demain.
(3)Louis Joseph Janvier, La République d’Haïti et ses visiteurs.
(4)Louis-Joseph Janvier, Les Constitutions d’Haïti.
(5)Robert Lodimus, Mourir pour Vivre, inédit.
(6)Alain Turnier, La société des baïonnettes.
(7)Thomas Mann, Mort à Venise, adapté au cinéma en 1971 par Luchino Visconti.
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