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Les anciens présidents d’Haïti dans le processus électoral 2016-2017
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- Catégorie : Opinions
- Publié le lundi 5 septembre 2016 18:31
Qui est le plus influent des anciens présidents haïtiens ? Les prochaines élections (si crédibles elles seront) constitueront une véritable « mesurette » pour jauger le poids politique d'Aristide, de Préval et de Michel Martelly. Anacacis Jean Hector a déjà confirmé le support de Préval à Jude Célestin. Aristide a fait une sortie en force dans les rues de Pétion-Ville pour renouveler son support à Maryse Narcisse et Jovenel Moise a supposément le support inconditionnel de Michel Martelly. Ce sont des élections où sera joué le tout pour le tout sur l'échiquier politique haïtien. Celui qui joue gros dans ce dossier c’est Aristide ! Est-ce que ce dernier a les atouts pour placer Maryse Narcisse au timon des affaires ? Il a déjà fait son coup avec Préval en 1995. Je crois que son momentum est passé. Aristide n’est pas vraiment libre pour faire le tour du pays avec Maryse Narcisse. Il est certes populaire, mais l’on se demande bien si sa popularité est transférable à ce niveau. Il reste un mythe au niveau du secteur populaire, mais cela n’est pas suffisant pour qu’il soit considéré comme un faiseur de rois en ces jours. Surtout que la candidate Maryse Narcisse n’a pas le charisme d’un chef d’Etat. Il ne faut pas oublier qu’Aristide traine derrière lui un lot de dossiers lourds que le peuple n’est pas prêt d’oublier, surtout les éléments de la classe moyenne. Il reste et demeure une figure de division. En ce moment, le peuple haïtien est plutôt enclin à faire la paix au lieu de continuer à cultiver la haine. Et puis, plus d’un se demandent ou était Aristide durant ces cinq dernières années où l’équipe Tèt Kale faisait la pluie et le beau temps. Un leader d’exécution n’est pas celui qui reste dans ses pénates que pour observer. Il doit être proactif et doit prendre des engagements continus. Aristide donne l’impression qu’il a peur d’être attaqué. Un leader sérieux et brave ne doit pas avoir peur de mourir et ne doit pas larguer son peuple à la dérive comme l’a fait Aristide durant ces cinq dernières années.
René Préval s’était affiché comme un allié de Michel Martelly qui n’a pas remis grande chose. Et, l’on ne doit pas oublier toutes les gabegies enregistrées sous la deuxième administration de Préval. Le type peut être un fin magouilleur et un fin négociateur dans les coulisses, mais il n’utilise pas ces capacités pour aider le peuple à vivre une vie meilleure. Préval cherche toujours à avoir le pouvoir politique juste pour le plaisir d’être en contrôle. Mais, l’on ne sent pas en lui les capacités d’un leader d’exécution. Si René Préval n’avait pas pu transférer le pouvoir à Jude Célestin en 2010, ce n’est pas aujourd’hui qu’il le ferait. Il n’a aucun aura sur la population bien que je le considère comme un grand stratège qui sait déplacer les pions à son avantage. Nous sommes en période électorale et tout doit se dire. Le passage de Jude Célestin à la tête du CNE n’a pas été que brillant. On a reproché un tas de choses à Jude Célestin dont la dilapidation de fonds publics. Jude Célestin n’avait-il pas un contrat sur le gouvernement de Michel Martelly de construire 21 kilomètres de routes du côté de Kenscoff ? Qu’est-ce qui en est de ce projet. Selon des sources concordantes, seulement 8 kilomètres ont été construits et ils n’ont même pas été asphaltés. Vue les différents scandales dont l’équipe de Préval a été l’objet surtout le détournement de fonds publics, est-ce que Jude Célestin lui-même peut faire la différence. Dans le programme politique du leader de Lapeh, je ne vois pas vraiment qu’il y a une agressivité de combattre la corruption. Jude tend à se présenter comme un candidat du statu quo. Il donne l’image d’un bon enfant qui ne veut pas se faire des ennemis. Et, pourtant pour retirer Haïti de l’ornière du marasme, il faut quelqu’un qui soit capable de secouer le système, de porter les corrompus et les corrupteurs à se fâcher. Je ne vois pas en Jude Célestin ce leader, bien qu’il paraisse être conciliant. L’équipe autour de Jude Célestin n’inspire pas confiance. Nombre de ces collaborateurs sont des individus qui ont fait leur beurre sous les régimes lavalas et qui veulent continuer à sucer la mamelle.
Nous n’avons pas besoin de passer par quatre chemins pour le dire : la gestion de Michel Martelly durant ces quatre dernières années n’a été que catastrophique. Si Haïti était un pays sérieux, certains grands commis de l’Etat sous Martelly et même Martelly lui-même serait sous les verrous pour forfaitures graves. Malheureusement, nous sommes en Haïti, pays où les corrompus et les corrupteurs s’allient pour rendre la vie dure aux gens de bien. La question de continuité avec Jovenel Moise est une véritable farce. Il vient d’être démontré par l’UCREF que ce dernier est impliqué dans le blanchiment d’argent. Maintenant la balle est entre les mains du Parquet de Port-au-Prince de faire le suivi sur le dossier. Encore une fois, s’il y avait une majorité d’hommes debout en Haïti, Jovenel Moise serait écarté de la course, et pourrait même être sous les verrous. Michel Martelly avait les moyens avec le fonds Petrocaribe de mettre le pays en chantier et de construire des infrastructures pour faciliter le développement durable du pays. Mais, il n’a fait que dilapider les fonds avec ces proches. Malgré les dénonciations multiples de différents militants de droits humains, d’associations de la société civile, les ministres de Martelly courent dans les rues comme si rien n’était. Il faut se demander est-ce qu’il y a vraiment une velléité dans ce pays pour combattre la corruption qui est un mal endémique qui gangrène la société haïtienne. L’équipe de Martelly a assez volé et a de quoi pour acheter les élections pour placer Jovenel Moise au Palais National, mais l’on se demande bien si tous les autres candidats vont se croiser les bras et se laisser faire. Est-ce que Léopold Berlanger va entrer dans la logique de vol des élections ? La présence d’Andy Apaid au Centre de Tabulation, selon le candidat de Pitit Dessalines, ne rassure pas les acteurs qui veulent jouer le franc jeu. Michel Martelly à l’instar de René Préval et de Jean Bertrand Aristide n’a pas cet aura pour choisir son successeur. Jusqu’à présent Michel Martelly ne comprend pas le statut d’un chef d’Etat et ne sait pas ce que c’est que gouverner un pays. Jovenel Moise se présente comme un béni oui oui qui répète des formules toutes faites. Il est le porte-parole d’un secteur mafieux qui veut continuer à faire mains basses sur les ressources du pays. Avec Jovenel Moise, c’est la continuité salamique qui n’augure rien de bon pour le pays.
Dans cette course à la présidentielle, il est préférable qu’un candidat ne soit pas endossé par un ancien président. Le bilan des anciens présidents cités dans le texte est maigre et ils ont tous entravé le développement du pays soit par leur incompétence, soit par leur attitude délibérée de piétiner le pays sous la poussée de la corruption et du néo-colonialisme. « Nous sommes un peuple aujourd'hui en perte de sens, désubstancialisé de sa culture et de ses racines à cause d'un processus de déculturation et d'occidentalisation aussi effrayant que mortifère que semble imposer la mondialisation actuelle. » (Jowel Erns Jean Pierre). Aucun de ces trois candidats supportés par des anciens présidents n’offre une alternative pour contrecarrer cette perdition. Nous ne pouvons rien attendre de ces anciens présidents qui sont malades de pouvoir et qui n’ont pas l’intérêt du pays à cœur. S’ils étaient sérieux, sincères et honnêtes, ils se regrouperaient en permanence pour chercher à débroussailler le terrain des mauvais larrons et chercher à renforcer la démocratie qui a du mal à atterrir en Haïti. Jean Bertrand Aristide, René Préval et Michel Martelly sont avant tout des opportunistes et des leaders amorphes qui n’ont nul intérêt à chambarder ce système pourri pour favoriser l’émergence d’une autre classe d’hommes, de politiciens consciencieux capables de tacler les problèmes endémiques auxquels Haïti est confronté. Haïti n’est pas prêt à voir le bout du tunnel si nous continuons à nous fier à des leaders zombifiés qui ne veulent que sauvegarder leurs intérêts mesquins de clan. A quand l’émergence d’un leader d’exécution capable de charrier les revendications de la masse et faire l’unité dans la diversité pour le bonheur de tous les Haïtiens ?
Kerlens Tilus 09/05/2016
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