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Arrestation de Guy Philippe : Cela pourrait ne pas être seulement une affaire de drogue…!
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- Publié le mercredi 25 janvier 2017 00:52
« Ceux qui prétendent détenir la vérité sont ceux qui ont abandonné la poursuite du chemin vers elle. La vérité ne se possède pas, elle se cherche. »
(Albert Jacquard)
Par Robert Lodimus --- Le jeudi 5 janvier 2017, nous avons appris sans grande surprise la nouvelle de l’arrestation du nommé Guy Philippe à Pétionville. Les unités spécialisées de la Brigade de lutte contre les trafics de stupéfiants (BLTS), selon les médias locaux, ont pincé le « mercenaire » à sa sortie de la station de radio Scoop FM où il venait de déblatérer. Les policiers ont passé les menottes au poignet du « gredin » de la Grand-Anse, comme Ojeda l’a fait au cacique Caonabo. Mais dans des circonstances bien particulières. Caonabo fut un défenseur farouche, brave, courageux de son peuple. En massacrant les Espagnols et en incendiant le Fort de la Nativité, le dirigeant du caciquat de Maguana exerçait le droit légitime de protéger l’intégrité de son territoire contre les envahisseurs européens à l’affût de l’or. L’histoire, sans nul doute, accorde une place d’Honneur à ce Grand Chef. Guy Philippe, lui-même, par ses actes de félonie, s’est révélé un « vendeur de patrie » à la solde de la Maison Blanche, du 24, promenade Sussex, du palais de l’Élysée et de la Chancellerie fédérale. Un « traître » monnayé par la CIA pour mettre en place les sangles de l’occupation étrangère du 29 février 2004 qui viole, foule aux pieds – comme nous le savons tous –, les principes sacrés de la souveraineté et de l’indépendance d’Haïti. L’ex-commandant du Corps de Sécurité Ministériel (CSM), une ancienne unité occulte de la police nationale avec des pouvoirs répressifs très étendus, ne cache jamais son admiration pour le dictateur Augusto Pinochet qui, pourtant, fit assassiner des milliers de citoyens chiliens dans la nuit où se furent déroulés les tristes, malheureux et regrettables événements qui renversèrent et causèrent la mort violente du président légitime, le militant socialiste Salvador Allende, très vénéré de son peuple.
Le dangereux Guy Philippe a un passé de « délinquant » qui est embourré d’actions malhonnêtes et répréhensibles, comme un sac géant rempli de victuailles rebutantes. Avant même que le « déviant » accédât à la police nationale, son nom était cité, – selon plusieurs témoins –, dans des actes d’assassinat et dans des opérations mafieuses liés au trafic des stupéfiants et au blanchiment d’argent sale. Le « militaire cinglé » voulait imiter le général Suharto qui destitua le président Soekarno en Indonésie et qui régna d’une main de fer de 1967 à 1998, avec l’appui intellectuel et le support matériel de la CIA. Le monde se souvient encore de cette hécatombe commencée en 1965 et qui se solda par la mort de plus de 500 000 membres du Partai Komunis Indonesia [1] (PKI). Guy Philippe caresse depuis longtemps le « rêve absurde et démentiel » de diriger Haïti – comme Napoléon Bonaparte – à la faveur d’un coup d’État militaire qui serait appuyé par les antinationaux dont font partie la « bourgeoisie minable du bord de mer » (BMBM) et les « propriétaires des médias croupion » (PMC). La liste des exactions sociales, des malversations économiques, des méfaits politiques versés au compte des comportements pathologiques du « butor sudiste » impressionne. Le directeur général de l’époque, M. Pierre Denizé en avait ras-le-bol de la « conduite indisciplinaire » de ce subalterne impertinent, insolent qui dérangeait le mode de fonctionnement normal de l’institution policière nationale.
À la fin de l’année 2000, des informations sur des réunions de préparation et de coordination d’un coup d’État tenues dans la résidence privée de l’attaché militaire de l’ambassade étatsunienne, le major Douyon [2], circulaient officieusement dans les milieux politiques. Les enquêtes révélaient la participation active de Guy Philippe à l’élaboration d’un projet de conspiration contre le gouvernement Préval/Alexis. Le plan du putsch aurait prévu l’assassinat de Jean-Bertrand Aristide, de René Préval et d’autres personnalités influentes du mouvement Lavalas. L’affaire étant éventée, Guy Philippe et ses complices, avec les supports de l’ambassade des États-Unis à Port-au-Prince, gagnèrent la frontière et se placèrent sous la protection de la République Dominicaine qui était elle-même au courant du complot. El Listin Dario, un important quotidien dominicain, a détaillé les faits dans son édition du 23 octobre 2000. Le 28 juillet 2001, une date symbolique dans l’histoire nationale, celle de l’occupation américaine de 1915, Guy Philippe à la tête d’une bande de truands mena une série d’attaques contre des postes de police situés dans les zones métropolitaines. La PNH essuya des morts et des blessés dans ses rangs. Sur la terre de son exil, Guy Philippe n’avait pas cessé ses activités de trafiquant de cocaïne. Les autorités étrangères, – pour services rendus –, avaient choisi de fermer les yeux sur les entreprises criminelles du « petit baron » de Pestel. Après l’assassinat d’Amiot Métayer, le chef de l’armée cannibale, l’adversaire endiablé d’Aristide dans la ville des Gonaïves, Guy Philippe s’allia au frère du défunt, Butter Métayer, pour combattre leur ennemi commun. Butter décéda de sa « belle et mystérieuse maladie » en 2005, après avoir eu des démêlés avec les services de l’immigration des États-Unis. Il séjourna en prison avant d’être refoulé en Haïti. On se souvient que le « rebelle » avait accusé ce pays d’avoir voulu le convertir en agent de renseignement rémunéré et attaché à la CIA. Remarque surprenante : Guy Philippe, le brigand des anciennes forces armées du général de brigade Philippe Biamby et du colonel Carl Dorélien, fondateur du FRAPH, a toujours survécu, – on n’ignore par quel miracle –, aux mortels malheurs qui ont frappé ses associés de réputation douteuse comme lui.
Attention
Par acquit de conscience, en rédigeant ce texte, nous nous en voudrions de ne pas évoquer, même sommairement, les cas de dérapages sociaux graves, de coercitions politiques, de corruptions financières et économiques dénoncés par la clameur publique sous les gouvernements de Jean-Bertrand Aristide et de René Préval. Ne gardons-nous pas encore en mémoire les images terrifiantes des manifestations de rue organisées par René Civil de Jan li pase li pase (JPP), le Zacharie Delva de Tabarre, qui dérangeaient la paix publique, bouleversaient l’ordre sociétal, terrifiaient les familles tranquilles, inoffensives et débonnaires ? Du même côté, – souvenez-vous en –, il y avait « Ronald Cadavre », comme le nom l’indique, qui était très réputé pour ses exploits mortifères. Le « voyou à la gâchette facile » n’avait pas hésité à abattre un malheureux père de famille devant le parlement haïtien, qu’il avait rendu cocu. Les « frères Cadavre » étaient les équivalents de « Ti Bobo » et de « Boss Peintre » au sein du pouvoir lavalassien. « Ronald Cadavre » est décédé, alors qu’il se trouvait en détention préventive au pénitencier national, en attente de son procès pour homicide.
La date du 15 octobre 1994, en dépit du symbolisme qu’elle charrie pour Lavalas, doit être classée dans la rubrique d’une « occupation étrangère déguisée ». La journée du 7 décembre 2001, qui mit tout le pays à feu et à sang, s’inscrit dans une logique de l’« immaturité politique ».
Quand vous vous couchez avec le « Diable », ce n’est pas étonnant qu’il vous dévore aussi un matin.
La capture spectaculaire de Guy Philippe à la demande des autorités judiciaires étatsuniennes est tout simplement une « affaire occulte » de « Patron et de petit valet ». Et pourtant, des fanatiques courroucés, et surtout inquiets pour eux-mêmes et pour leur avenir politique, s’agitent comme des feuilles tracassées par le vent, et en font orgueilleusement une tragédie shakespearienne. Ils demandent même aux paysans, travailleurs, journaliers, petits fonctionnaires, petits employés, commerçants de détail dans les marchés publics de délaisser leurs activités quotidiennes et d’aller « vociférer » devant les locaux de Peter F. Mulrean et de Sandra Honoré, en vue d’exiger l’élargissement et le retour de Guy Philippe à Port-au-Prince. En quoi cette « comédie ténébreuse» concerne-t-elle les masses populaires haïtiennes qui peinent jusqu’à présent à se relever des situations de désastres économiques et sociaux hérités du passage virulent de l’ouragan Matthew? Pierre Espérance du Réseau National de défense des droits de l’homme (RNDDH) n’a pas caché son soulagement de voir le « trafiquant » de drogue sous les verrous d’un centre pénitentiaire floridien. Il disait même sur une station de radio que la République d’Haïti comptait un « délinquant de moins ». Du statut de « bandit », Guy Philippe, ainsi connu, est passé aujourd’hui, – naturellement pour ses commères et ses compères – à celui de « héros national », alors que le « personnage félon » a aidé la Minustah à plonger Haïti dans le chaos politique et le crime organisé, lorsque l’on tient compte du phénomène de prolifération des gangs armés dans les quartiers interlopes de la capitale et des régions avoisinantes après le 29 février 2004, qui sont financés par des groupuscules politiques et des Organisations non gouvernementales [3] (ONG) proches des ambassades et des consulats occidentaux.
Des « pseudo-parlementaires » menaçaient d’aller s’allonger sur la piste de l’aéroport Toussaint Louverture, dans l’intention d’empêcher le décollage de l’avion qui emmenait Guy Philippe à sa « nouvelle demeure ». Ils accusent la présidence, la primature, la direction générale de la police nationale d’avoir livré leur « frangin » aux « colosses » des forces armées des États-Unis. Comme si Guy Philippe était devenu la Jeanne d’Arc, la grande héroïne de la guerre de Cent ans que les Bourguignons vendirent aux Anglais pour un montant dérisoire de dix mille livres, et qui fut brûlée sur la place publique par l’évêque de Beauvais, Pierre Cauchon qui l’accusa d’hérésie. Jeanne d’Arc est consacrée « mère de la nation française » depuis le XIXe siècle. Guy Philippe restera à jamais un « membre négligeable de la petite équipe des Bourguignons » qui ont vendu Haïti – d’abord en 1915, ensuite en 2004 – pour une bouchée de pain aux « prédateurs » du système néocolonial. L’histoire n’absout pas les Judas Iscariote.
L’installation de Gérard Latortue à la primature et de son équipe de ministres vassalisés a ouvert la voie aux familles mafieuses de l’Amérique du Nord qui engraissent l’assiette fiscale des États-Unis, du Canada, de la France avec l’argent sale recueilli de la vente illicite des drogues douces et dures provenant des régions de l’Amérique latine. La mort de l’ex-sergent Ravix Rémissainthe et 2 de ses hommes de main, le 9 avril 2005, au cours des affrontements qui eurent lieu dans une zone de Delmas avec des policiers appuyés par les « casques rouges » reste aussi incompréhensible que le mystère de la Sainte Trinité ? Quelles étaient les raisons véritables à la base du soulèvement du défunt « apôtre » et de ses « disciples » contre les instances onusiennes de l’occupation étrangère? Des rumeurs persistantes faisaient état de promesses politiques non honorées. Néanmoins, ce qui demeure certain : l’ « esclave fossoyeur » avait décidé de retourner un jour sa « pioche » et sa « pelle » contre ses « maîtres », les « Valenzuela » du néocolonialisme qui l’avaient embauché pour accomplir la « mission sale et ignoble » qui a débouché sur le kidnapping d’Aristide et, par la suite, l’emprisonnement meurtrier du père Gérard Jean-Juste accusé injustement dans l’ « affaire Jacques Roche ». Sans oublier la disparition mystérieuse de Lovinsky Pierre-Antoine de l’Organisation 30 septembre. Et quelles promesses? Le « commandant autoproclamé » paraissait visiblement déçu de ne pas avoir reçu des États-Unis et des pays alliés, fomentateurs du putsch, les fonds nécessaires qui auraient servi à la réinstallation de l’ancienne armée à travers le pays. Il se révolta. Cependant, Ravix n’était pas Henri. Il fut vaincu avec sa bande de « voyous militaires » réformés. Il fut abattu sans pitié. Guy Philippe a survécu. Ce dernier aurait-il joué un quelconque rôle dans la mise en place du plan sadique, cynique qui a servi à l’élimination de son frère d’armes? En quoi la présence de Ravix Rémissainthe était-elle gênante pour Gérard Latortue et les États étrangers qui ont monté l’opération de renversement du pouvoir de Jean-Bertrand Aristide? Le chef lavalassien, comme pour le 30 septembre 1991, ne devrait pas sortir vivant des événements qui conduisaient à sa déportation en Afrique du Sud. Heureusement que celui-ci disposait de quelques femmes et de quelques hommes fidèles et loyaux dans sa garde prétorienne qui refusèrent d’exécuter les ordres de Crassus qui avait exigé qu’il fût crucifié sur la voie Appienne. Sinon, il aurait fini comme Joseph Laurent Désiré Kabila en République du Congo. Ou comme un Caligula assassiné par un Cherea. Même si les cas diffèrent. Car le méchant Caligula méritait sa fin. En ce sens, Aristide est un miraculé. Les tombeurs du gouvernement ne prévoyaient aucune alternative d’exil pour le président déchu. Les affrontements entre ses partisans et les mercenaires conduits par Guy Philippe, Ravix Rémissainthe et Louis-Jodel Chamblain auraient dû se solder par la disparition physique du fondateur de Lafanmi lavalas. Comme dans le cas d’Adolf Hitler en 1945, le cadavre n’aurait pas laissé des traces visibles. Car il ne fallait surtout pas réserver cette possibilité aux populations de Cité soleil, de La Saline, de Raboteau, de La Fossette de venir se recueillir plus tard sur le mausolée d’un personnage messianique qui aurait été considéré comme un autre « martyr » du combat des pauvres.
Le 30 septembre 1991, la CIA prévoyait un scénario de meurtre génial. Mais qui échoua. Aucun des trois belligérants, en l’occurrence Jean-Bertrand Aristide, Sylvio Claude, Roger Lafontant, n’aurait dû survivre à la tragédie politique qui changea le destin du juge Joseph C. Nérette, en lui concédant le titre de président de la République de Raoul Cédras et de Michel François. Quoique l’ex-ministre de l’intérieur de Jean-Claude Duvalier eût nié toute implication du corps diplomatique dans le coup d’État réussi, mais avorté du 7 janvier 1991 que lui-même avait dirigé, l’ambassade étatsunienne à Port-au-Prince le trouva quand bien même embarrassant. Un militaire proche du mouvement lavalas nous expliquait que le coordonnateur général du Parti Démocrate Chrétien Haïtien (PDCH), le pasteur Sylvio Claude, aurait reçu la promesse d’Alvin P. Adams (Bourik Chaje) de remplacer Jean-Bertrand Aristide à la tête du pays, une fois les premiers moments de la crise politique déclenchée par les événements eussent été maîtrisés. Cependant, Sylvio Claude fut lynché dans la ville des Cayes, au carrefour dénommé « Quatre chemins » par une populace sous l’effet de la folie et sous l’ivresse de la colère. Les témoignages se concordaient pour laisser comprendre que le candidat malheureux aux élections du 16 décembre 1990 avait prononcé dans le chef-lieu du département du Sud un discours prophétique sur l’avenir politique dramatique de Jean-Bertrand Aristide. En fait, personne n’a su pour quelle raison le fondateur et dirigeant du PDCH se trouvait à cet endroit quelques heures avant le déclenchement des « orages » à Port-au-Prince. Et encore moins son empressement de vouloir retourner à la capitale à cette heure indue, malgré les rumeurs de violences et de coup d’État militaire qui circulaient en début de soirée, et qui allaient se confirmer tout de suite après. Encore un autre mystère à éclaircir! Roger Lafontant, en complet et cravate, gisait inerte dans sa cellule du pénitencier national, avec une balle mortelle dans le ventre. Où fut-il exactement tué? L’ambassadeur français, Raphaël Dufour, contraria le déroulement du projet. Il accepta d’aller chercher Jean-Bertrand à Tabarre et de le conduire au palais national sous la protection du major Danny Toussaint et du capitaine Fritz Pierre-Louis mort ce jour-là en devoir, et considéré comme un martyr des bouleversements politiques de 1991. Il faut conclure que les États-Unis n’avaient jamais digéré la défaite de Marc Louis Bazin dans la course électorale. Ils avaient subventionné la campagne de l’ex-ministre des Finances de Jean-Claude Duvalier à coups de plusieurs millions de dollars US.
Le commandant d’alors de la Minustah, le général Augusto Heleno, a déclaré tristement après le décès de Ravix Rémissainthe : « Je ne suis pas heureux… [4] » Certains pourraient y relever la manifestation sournoise, subtile d’un sentiment de remord généré par la conscience humaine. Le commandant savait pourquoi le pauvre « insurgé inculte et écervelé » qui avait rendu de grands services à la machine hégémonique occidentale venait d’être éliminé comme une bête pestiférée. Et puis, on n’a jamais entendu parler de cette sale histoire. Les médias locaux ont toujours de nouveaux chats à fouetter. Ils n’ont pas les moyens et la compétence d’assurer le suivi de l’information. Ils vivotent, au jour le jour, de la sauce âcre des mauvaises propagandes tirées de la langue fourchue, de la bave mythomane des politiciens malhonnêtes, médiocres, attachés aux services secrets des ambassades.
Après l’enlèvement d’Aristide, l’ « Opération Bagdad » émergeait du grand fleuve de la terreur alimenté par le sang des masses. La « guillotine mobile » se déplaçait toutes les nuits dans les quartiers défavorisés, et chaque matin les riverains sautaient sur des « têtes sans corps » déposées sur des tas d’immondices. Les lavalassiens qui avaient rejeté et trahi leur mouvement politique étaient récupérés par les ambassades occidentales. Ils agissaient sous les ordres de l’ex-sénateur Rudy Hériveaux, arrêté par les forces occupantes, puis libéré étonnamment, qui dirigeait le ministère des Affaires sociales du gouvernement Latortue, par « personne interposée ». Des chefs d’Organisations populaires (OP) n’ont pas échappé au massacre planifié. Des individus retranchés dans l’anonymat mettaient en doute l’innocence de l’ « institution » contrôlée par les « dissidents de Lafanmi lavalas » dans les actes d’horreur de décapitation. Là encore, la presse haïtienne, mal formée, partisane, a commis le « péché mortel » de l’inintelligence politique. Ses accusations cheminaient dans la voie du « facilisme », du « simplisme » et du « naïvisme ». Avait-on remarqué à cette époque le crâne d’un seul bourgeois comprador parmi les victimes du « mal qui répandait la terreur »? Les militaires, anciens membres du FRAPH – comme Louis-Jodel Chamblain – qui ont loué leurs bras – pas leur cerveau, car ils n’en ont pas – ne peuvent pas être étrangers à cette situation de persécutions sociales et politiques, provoquée par des comportements qui relèvent purement de la criminogènèse.
En qualité d’ « acteur de troisième rang » dans l’exécution et la distribution des rôles pour la réalisation du film d’horreur où Aristide jouait lui-même celui du méchant, Guy Philippe est une « bibliothèque vivante », un « document mobile » embarrassant pour l’ex-président étatsunien, George W. Bush, les ex-ministres canadiens, Pierre Pettigrew, Denis Coderre et Denis Paradis, ainsi que toutes les personnalités politiques et civiles, internationales et nationales, qui ont recruté Gérard Latortue et Hérard Abraham pour leur confier la mission d’assassiner le « peuple national haïtien [5] ». Le « pseudo-guérillero » cumule dans sa mémoire une somme d’informations importantes sur l’implication des cerveaux, les lieux des réunions, le processus de l’organisation, le déroulement chronologique des événements sociopolitiques de 2004 qui ont remis la clef du pays à la Minustah. Il est donc devenu, pour ses « employeurs étrangers et locaux », « l’homme qui en sait trop » : en référence au film d’Alfred Hitchcock. Guy Philippe est un véritable moulin à paroles. Et il y a nombreux cas de meurtres non élucidés qui traînent dans les tiroirs du Parquet de Port-au-Prince : Jean-Marie Vincent, François Guy Malary, Antoine Izméri, Père Jean-Pierre Louis dit pè Ti Jean, Jean-Dominique, Jacques Roche, Évinx Daniel… Ceux qui ont commandé ces crimes savent que les langues se délient avec un verre de clairin de Saint-Michel dans l’estomac et un milligramme de cocaïne dans les narines. Arrogant et vantard, Guy Philippe cherche toujours à se comparer à Che Guevara, à Thomas Sankara… Alors qu’il n’est même pas digne de laver les pieds de ces illustres personnages.
Il n’est pas impossible que le scandale du jeudi 5 janvier cache des réalités qui dépassent l’entendement des simples citoyens. C’est à ce niveau qu’intervient le rôle de la presse dans une société qui défend les valeurs intrinsèques de la démocratie. Ce qui se cache sous la mer est plus important que ce qui flotte sur l’océan. Mais pour le savoir, il faut pratiquer les activités de scaphandre. Être capable de nager sous les eaux glaciales pour aller découvrir les merveilles cachées de la « création ». Ou les « horreurs » également. Les « anges » et les « démons » contribuent tous les deux à l’équilibre naturel. Il faudrait que les universitaires versés dans les domaines politologique, sociologique et économologique envisagent d’explorer sérieusement les dessous réels de l’affaire Philippe, afin de ramener les non-dits à la surface. Ce nouvel épisode de l’historico-série sur la vie sociale, politique, économique et culturelle de la République d’Haïti – selon notre perception du préambule de la saga judiciaire – pourrait n’être que la pointe de l’iceberg.
Un précédent éloquent
Le 20 décembre 1989, la 7e division d’infanterie envoyée par George H. W. Bush au Panama est investie de la mission de destituer Manuel Noriega, de procéder à son arrestation et de le déporter aux États-Unis sous des accusations formelles, officielles de commerce des stupéfiants. Les recherches minutieuses ont révélé bien après que les États-Unis découvrirent en réalité que l’ancien salarié de la Central intelligence Agency (CIA) avait été un agent double. La Maison Blanche, le Département d’État et le Pentagone reprochaient à Noriega d’avoir transmis des renseignements sensibles à Fidel Castro, vendu des armes et des munitions au chef des Sandinistes, Daniel Ortega, facilité le transfert des technologies militaires à certains pays de l’Est… En dessous encore, il y aurait la légitimité de la gestion complexe et problématique du Canal de Panama qui fit l’objet d’un accord entre les gouvernements Carter et Torrijos le 7 septembre 1977. John Perkins a révélé dans son ouvrage célèbre [6] les circonstances malheureuses qui entourent le décès du président Omar Torrijos dans un accident d’avion, le 31 juillet 1981. Manuel Noriega a subi des traitements inhumains dans les prisons de ses puissants « patrons nord-américains ». Aujourd’hui, le prisonnier spécial qui continue de purger sa sentence dans un pénitencier panaméen ne serait même pas en mesure – si l’on s’en tient aux nombreux témoignages – de se souvenir de sa date de naissance?
L’affaire du 5 janvier 2017 pourrait cacher des mobiles encore plus sérieux que ceux contenus dans les chefs d’accusations qui ont servi de « prétexte légal » à l’internement du « Pestelois » dans cette prison de la Floride. Nous nageons en plein mystère. Les Haïtiens sont peut-être en train d’inscrire, – sans le savoir –, une nouvelle affaire Dreyfus dans ce petit pays de la Caraïbes. Mais y aura-t-il, par cette sale et épineuse cause, des individus qui acquerront la noble réputation d’un « Émile Zola » d’un « Anatole France » ou d’un « Jean Jaurès » dans l’hémicycle du tribunal de l’histoire? Car Guy Philippe n’est pas Alfred Dreyfus accusé, jugé, condamné et détenu sous de fausses preuves. Dans le cas qui nous concerne, aucun avocat comme Reynold Georges, aucun sénateur mal élu comme Youri Latortue, aucun « Polydore » du PHTK ne pourra démontrer, – comme Paul Quilès de l’Hebdo des Socialistes [7] l’a rappelé en souvenir des paroles de Jean Jaurès – qu’à la base de l’expatriation et l’emprisonnement de Guy Philippe, il y a le mensonge et la manipulation de la justice. Mais certainement, – nous vous le concédons –, la volonté d’un « acte arbitraire » et la méchanceté d’un « abus de puissance militaire ». Car, une fois de plus, les États-Unis d’Amérique ont révélé au grand jour, et de manière vulgairement outrageante, leur « sauvagerie » face à « l’impotence et à la faiblesse d’un État misérable ». Les « shérifs » sont repartis, – comme des chasseurs de prime dans un western de Sergio Leone – avec leur « gibier de potence », sous les regards révoltés, mais combien impuissants, des autres « espèces de la forêt » très préoccupées elles-mêmes de leur propre sort. Haïti est peut-être le seul pays de la planète où « après la pluie, c’est toujours la pluie ».
Pour qui atterrira le prochain avion du FBI
Jovenel Moïse, le « fils légitime de la paysannerie » adopté par les néoduvaliéristes et acclamé dans les hauteurs de Pétionville, doit avoir des clous dans sa couche. Fasse le ciel que les rapports accablants de l’UCREF sur les activités de blanchiment d’argent sale ne viennent causer d’autres surprises au sein de la population haïtienne encore sous le choc des résultats définitifs de la comédie électorale de Léopold Berlanger!
Aux dernières nouvelles, Guy Philippe a choisi de plaider non coupable des crimes qui lui sont reprochés. Il pourra toujours se raviser en cours de procédure, si ses avocats, pour une raison ou pour une autre, le lui auront conseillé. Car les juristes savent comment jouer avec le temps, dans l’espoir de profiter des moindres faiblesses du système auquel ils appartiennent. Seulement, et pour le moment, tout semble indiquer que l’accusé Guy Philippe ne se mettra pas à table, – s’il pense vraiment à le faire –, avant l’investiture présidentielle qui est prévue en date du 7 février 2017. Pour les observateurs avertis, il s’agit d’une importante question d’immunité politique.
Suivez notre regard!
Robert Lodimus
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Notes et références
[1] Parti communiste indonésien.
[2] Governance – MREG, Caïds des Gonaïves et mercenaires à gages-Révolte armée.
[3] L’assassin de Ti Kenkenn, le chef de gang de Grand-Ravine, en a fait mention publiquement.
[4] Alter Presse, Haïti : Au moins 3 morts dont Ravix Rémissainthe, lors d’une opération policière, samedi 9 avril 2005.
[5] John Perkins, Les confessions d’un assassin financier.
[6] Locution conceptuelle inventée par le professeur Marcel Gilbert.
[7] Paul Quilès, l’Hebdo des Socialistes, Le combat de Jaurès pour Dreyfus, publié le 22 juin 2006.
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