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Arnel Joseph, chef de gang, Robin des bois ou produit d’un système pourri

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Cette semaine, nous sommes tous pris au four et au moulin. Les médias locaux nous bombardent d’infos sur des chefs de gangs. On ne parle que de « Ti Je Â» et d’Arnel Joseph. « Ti Je Â» n’a pas été chanceux, la Police Nationale d’Haiti a fini par l’assassiner. A entendre le Commissaire du Gouvernement de Port-au-Prince, c’était un assassinat prémédité, on ne voulait pas l’appréhender vivant. Est-ce que dans une démocratie, on peut se résoudre à exécuter sommairement des présumés bandits. Avant « Ti Je Â» à Savane Pistache, il y a eu d’autres chefs de gangs beaucoup plus puissants. Quand on choisit de liquider un chef de gang dans un quartier, on ne résout pas pour autant le problème de l’insécurité puisque ceux qui fournissent les armes et les munitions sont toujours en mouvement et il y a un tas de jeunes prêts à remplacer le caïd exécuté. La vie est précieuse, on ne saurait se réjouir de la mort d’un être humain, criminel qu’il soit. Le phénomène de gangstérisation n’a pas débuté récemment. Après la chute de la dictature, ceux qui ont hérité du système de l’ensauvagement macoute cherchaient déjà à exercer une emprise sur le pays à travers la mise en place de gangs un peu partout. On ne peut pas parler de gangs sans parler de la mafia. « Unemafia est une organisation criminelle dont les activités sont soumises à une direction collégiale occulte et qui repose sur une stratégie d'infiltration de la société civile et des institutions. Â»

« Centré sur un territoire qu'il exploite, un gang est un groupe de jeunes, voire de très jeunes (de 10 à 30 ans environ) qui s'enrichit par et pour une activité criminelle à finalité hautement lucrative. Il est régi par "la loi de la jungle" et les règles sont souvent différentes d'un gang à l'autre, mais la hiérarchie du groupe repose souvent sur des facteurs comme l’expérience, les sortes de délits ou de crimes commis, qui peuvent aller du deal aux trafics en tout genre, vols, voire meurtres. Il s'agit d'individus qui cherchent à s'enrichir rapidement en exploitant un "marché" que les entreprises légales ne peuvent ou ne veulent pas occuper, c'est-à-dire le marché des drogues, du trafic d'armes ou encore de la prostitution. Un gang possède donc des points communs avec les mafias étatsuniennes des XIX et XXe siècles, mais la mafia a dans l'ensemble une structure plus stable et organisée que le gang : installée de longue date, plus secrète et composée essentiellement d'adultes. De plus, la mafia possède des attaches nationales et internationales que le gang n'a pas. La structure de ce dernier est plus fragile: en interne avec des luttes entre chefs, des trahisons, et en externe avec une guerre menée contre les autres gangs et la lutte active de l'Etat qui infiltre parfois ces bandes.  En effet, tous les membres d'un gang sont avant tout les survivants des violences permanentes de la société américaine; un membre relativement âgé ou avec une liste de délits et de crimes à son actif plus important est donc plus respecté. Les gangs se distinguent ainsi des entreprises normales dans la mesure où les " licenciements " sont ici synonymes d'actions violentes : assassinats (par la police, un autre gang ou un règlement de compte interne), arrestations, condamnations ou encore blessures lourdes. Ce qui explique également le jeune âge des membres. La structure d'un gang est moitié pyramidale, moitié horizontale : pour chaque opération définie on a un fonctionnement horizontal entre membres plus ou moins égaux (par exemple guetteurs, livreurs..), mais dès que les tâches se complexifient, on a une stricte hiérarchie qui remonte jusqu'à un chef qui a gagné l'autorité généralement par un crime. Aux Etats-Unis, le gang a généralement une identité ethnique, alors que les bandes françaises (et en général européennes) sont plutôt marquées par le quartier. En effet, de par les caractéristiques de la population américaine, largement communautarisée et raciale, le gang est généralement une " bande ethnique " qui prospère dans un espace lui aussi défini par une origine commune. De plus, pour durer et gagner un relatif soutien dans la population (nécessaire face à la police) le gang installé va avoir une vraie politique sociale. Il endosse l'image d'une structure qui peut offrir des emplois, si rares, à la population du quartier et à une jeunesse désÅ“uvrée qui a perdu confiance en une société qui la délaisse. Â»

En Haiti, les gangs armés ont connu un essor, avec l’arrivée au pouvoir du régime lavalas, plus précisément avec Jean Bertrand Aristide, ancien curé de St Jean Bosco. Nous devons aborder cette question avec le sens du sérieux pour ne pas faire d’amalgame. Aristide n’était pas le seul individu qui armait des jeunes, mais comme leader politique qui reposait son pouvoir sur la violence et l’intimidation, il se servait des gangs pour contrôler les quartiers populaires. Il y a un tas de documentaires sur Youtube où des jeunes expliquent en détail comment ils ont été recrutés par le pouvoir lavalas et ont raconté ce qu’ils ont fait comme bandits. Certains parlent de leur désir de changer leurs conditions de vie exécrable, mais finissent pas réaliser qu’il n’y a pas de salut dans le grand banditisme. Comment les gangs prennent-ils naissance dans les quartiers défavorisés ? Les zones qu’on appelle quartiers défavorisés sont habitées en grande majorité par des gens qui ont un faible revenu ou qui n’ont aucun revenu. L’Etat est quasiment absent dans ces zones. La plupart des enfants qui grandissent dans ces zones n’ont pas accès à l’éducation. Leurs parents n’arrivent pas à subvenir à leurs besoins. Ils sont obligés de voler, d’utiliser la violence pour gagner leur pain quotidien et survivre. Il est intéressant de parler de la structure « LaFanmi Se Lavi Â», mise en place par Jean Bertrand Aristide quand il était curé de la paroisse de Saint Jean Bosco. Avez-vous jamais entendu d’un ancien pensionnaire de Lafanmi Se Lavi qui est devenu un professionnel qui gagne sa vie convenablement, qui a fait des études et qui est utile à sa communauté et au pays ? Jamais ! Nous connaissons tous l’histoire de Ti Sony, le chochou de Lafanmi Se Lavi et comment à un certain moment, il racontait ses déboires et était traqué par les sbires d’Aristide. Si l’on veut faire un travail sérieux sur le phénomène de la gangstérisation en Haiti, on ne saurait ne pas mettre à l’index le régime lavalas.

Qui ne se souvient pas des enfants démunis appelés « rat pa kaka Â» ? Tous les chefs de gangs qui ont eu pignon sur rue de 1994 à 2006 n’ont jamais caché qu’ils travaillaient pour le pouvoir en place, pour les hommes politiques et les hommes d’affaires. La liste est longue et les témoignages sont là. Wyclef Jean a contribué à faire une série de documentaires sur les gangs de Cité Soleil qui sont disponibles sur Youtube, les jeunes doivent les visionner. Les étudiants en travail social, sociologie et psychologie ont produit de nombreuses réflexions sur le phénomène des enfants de rue de 1990 à aujourd’hui. Depuis la chute de Jean Claude Duvalier, l’Etat haïtien n’a jamais mis en place une politique viable pour prendre en charge les enfants abandonnés, les orphelins et les enfants de rue en général. Ces enfants deviennent des adultes même en étant des adolescents. Aujourd’hui, quand on parle d’Arnel Joseph, il faut penser à ces dizaines de milliers d’enfants dans le pays qui sont à la merci du vent, exposés à toutes sortes de danger. Après le tremblement de terre, de nombreuses familles se sont réfugiées dans des zones dites de non droit et nombre de bidonvilles ont vu le jour. Malgré toutes les thèses, les mémoires qui ont été rédigés sur la bidonvilisation, et les enfants de rue, l’Etat haïtien n’a jamais entrepris des actions concrètes pour limiter les dégâts. Il est facile aujourd’hui de pointer du doigt x ou y comme responsable de ce climat de terreur, mais on n’oublie que la gangstérisation, l’insécurité rampante ne sont pas des phénomènes spontanés, mais bien des phénomènes qui résultent d’une politique publique bien élaborée et d’un complot contre un peuple désarmé.

 Qui est Arnel Joseph ? Sans nul doute, un enfant issu de la classe défavorisée qui n’a pas eu la chance de recevoir une éducation scolaire viable. Un enfant qui a dû commencer à assumer ses responsabilités de très tôt pour pouvoir survivre. Cette semaine, j’ai visionné à deux reprises une interview de Maitre Claudy Gassant accordée à Télé Pluriel (Marie Lucie Bonhomme). L’homme de lois a mis le doigt sur la plaie. Nous vivons dans une société banditlégalisée. Les véritables chefs de gangs sont les responsables de l’Etat, les membres des trois pouvoirs. Nous avons bien dit au tout début de ce texte qu’il y a une mafia qui contrôle les institutions et qui contrôle le territoire national. C’est cette mafia qui est responsable de la gangstérisation. Ce n’est pas aujourd’hui que les bandits légaux de dirigeants ont choisi de terrifier la population et permettre aux gangs de se substituer aux forces de l’ordre légales. Ce sont des décisions qui ont été prises au plus haut niveau 20 à 30 ans de cela. Et, gouvernement après gouvernement, le mot d’ordre est suivi. Saviez-vous que la Police Nationale d’Haiti est un instrument entre les mains de la mafia haitienne ! Tous les gangs indistinctement ont des haut gradés de la PNH qui les supervisent et qui jouent le rôle de liaison entre les gangsters manipulés et les grands barons de la politique et de la classe d’affaires.

Laisser-moi vous dire chers compatriotes. Aux yeux des étrangers qui font mains basses sur Haiti, aux yeux de la classe d’affaires, les progénitures de Jean Jacques Dessalines ne sont pas des êtres humains à part entière. Nous ne sommes que des animaux sauvages qui devons être traités en tant que tel. L’Amnesty International est conscient que nous n’avons pas de droits. Les organisations de droits humains en Haiti sont contrôlées par la mafia également. La mafia locale est connectée à la mafia internationale qui se livre au trafic d’armes, trafic humain, trafic d’organes, trafic de drogue. Aucun journaliste en Haiti ne peut faire un documentaire exhaustif sur le dossier de la criminalité et de la gangstérisation pour remonter les filières et identifier les vrais coupables. Si la presse haitienne voulait comprendre ce qui se passe, on aurait donné la parole cette semaine à Ricardo Seintefus qui, à maintes reprises, a dénoncé la mafia internationale qui fait mains basses sur Haiti. Arnel Joseph est une distraction. Certes, il est un chef de gang ; certes, il prend soin de ses pairs et se rend compte qu’il est un pion entre les mains d’hommes puissants qui peut l’éliminer à n’importe quel moment. Est-ce qu’Arnel agit comme un Robin des bois ? Il faut que les directeurs d’opinions l’invitent à s’expliquer. Arnel Joseph est une victime comme Amaral Duclona, Dread Wilme, General Titi, Ti Gabriel et tous ces jeunes qui sont armés par des dirigeants de l’Etat, des hommes d’affaires et des politiciens pour tenir la population dans un climat de terreur et pour s’assurer qu’aucun soulèvement du peuple soit possible..

 Quand un Commissaire du Gouvernement affirme que tous les chefs de gangs finiront comme « Ti Je Â» qui a été lâchement exécuté d’après toutes les informations que nous avons puisqu’il était en compagnie de son superviseur quand on l’a assassiné et que personne ne lui pose des questions, aucune organisation de défense de droits humains n’est interpellée, on est en plein chaos. Arnel Joseph a droit à la rédemption. Si vous êtes proches d’Arnel Joseph, encourage-le à conter son histoire avant qu’on l’abat. Tôt ou tard, les bandits légaux qui l’ont armé et qui se sont servis de lui finiront par l’abattre. Arnel Joseph n’a rien de neuf à nous communiquer comme information, mais il peut toujours corroborer ce que nous savons déjà. Quand vous engrossissez une femme et que vous refusez de prendre soin de l’enfant, vous créez des Arnel. Quand vous n’assumez pas vos responsabilités comme parents, vous participez au renforcement de l’instabilité. Quand vous vous livrez à la corruption et gaspillez les maigres ressources de l’Etat, vous favorisez l’éclosion des gangs. Chères élites, les chefs de gangs ne sont pas des leaders communautaires. L’on comprend bien que certains veulent travailler pour leur communauté. Mais, du moment que vous avez une arme à feu que vous utilisez pour intimider d’autres, vous êtes un hors-la-loi.

 Je ne suis pas pessimiste ; mais je ne vois aucune option possible pour neutraliser les gangs qui opèrent impunément en Haiti. Ce qui est alarmant, c’est qu’il y a des gangs armés dans toutes les communes de la République d’Haiti. Certains gangs sont contrôlés par des gouvernements étrangers. Ne croyez pas que les gangs sont incontrôlables. Il y a un grand patron qui contrôle tout. Ceux qui importent les armes de guerre qui arrivent dans leur wharf privé et qui assurent leur distribution, travaillent avec et pour le compte des acteurs puissants. Haiti n’est pas en guerre ; il n’y a pas de guerre civile et pourtant, il y a plus d’un demi-million d’armes à feu dans le pays, et nombre sont des armes de guerre. La mafia est intouchable dans ce pays. Les experts en sécurité publique qui interviennent dans les médias ces jours-ci sont tous des lâches. Certains sont partie prenante de la mafia qui contrôle les gangs. Les grandes puissances et les ténors du système « peze souse Â» en Haiti décident qu’il n’y aura plus de stabilité dans le pays. Il n’y aura pas de répit si on ne décide pas de faire l’omelette de la révolution. Si certains intellectuels ont peur de le dire, je le dis aujourd’hui : on veut faire un génocide en Haiti. On crée les conditions, on met la population dans le bain. Nous sommes pris dans un engrenage. Que Dieu donne la force à ceux qui sont appelés pour changer le destin de ce pays et faire de lui un havre de paix, de justice et de progrès. Il faut bien des dirigeants qui se considèrent comme des serviteurs et qui soient prêts à servir sans attendre rien en retour tout en ayant la crainte de Dieu. Les Arnel Joseph naissent, vivent, meurent et repoussent comme des champignons. Arnel Joseph est un chef de gang au service de la mafia, un Robin des bois pour ses pairs et une victime du système pourri.

 Kerlens Tilus     05/05/2019
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