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Le banditisme politico-intellectuel - « Pi ta sanble ka pi tris… ankò »

marvel-dandin« Pi ta sanble ka pi tris… ankò »

Par Marvel DANDIN -- Le phénomène du banditisme politico-intellectuel ne date certainement pas d’aujourd’hui en Haïti. Il consiste, pour des nantis du savoir ou prétendus tels, d’insulter l’intelligence, de faire fi de toute probité intellectuelle en recourant à d’étonnantes arguties pour justifier des actes politiques manifestement illégaux et arbitraires.

Ce faisant, ils s’avilissent allègrement. Ils ne vivent que l’instant présent, ne s’inquiétant pas de l’avenir. Car, ils savent se recycler. Un jour, ils étaient duvaliéristes et « cngistes ». Ils furent par la suite « lavalasso-aristidiens » avant de séjourner pendant 3 ans chez les militaires putschistes. Ils sont redevenus lavalassiens au retour à l’ordre constitutionnel, en 1994. « Prévalistes » et « célestinistes » avec INITE, c’étaient encore les mêmes. Ils étaient confortablement à table lors de la transition 2004-2006. Certains d’entre eux furent, en 2006, brièvement et hypocritement « manigatistes ». Les voilà aujourd’hui « mickystes ». Décidément, ils doivent faire des jaloux du côté de la fanfare du Palais national, chez les imperturbables « mizisyen palè ». La comptabilité du Palais peut par ailleurs receler bien des secrets !

Le banditisme politico-intellectuel se traduit dans les propos cyniques et méprisants des propagandistes grassement payés, ou en quête de rétributions, dans leur indécent souci de mésinterpréter la Constitution et les Lois en fonction de l’objectif politique visé. Ils usent alors de leur verbe, de leur intelligence et de leur audace de « machann lèt » pour imposer leurs vues, induire en erreur ou, tout au moins, semer la confusion.

C’est ce à quoi on a déjà assisté. C’est ce à quoi on assiste aujourd’hui. Des gens dont la mission est de nous faire avaler des couleuvres ; des pseudos intellectuels qui se présentent sous l’étiquette d’avocats, de parlementaires, de politologues et qui, justifiant la formation du Conseil électoral permanent par la nécessité de l’application de la Constitution et des Lois, invitent, paradoxalement, le parlement à violer la Constitution et les Lois pour désigner ses 3 représentants au CEP et se taisent sur ce qui s’est passé au CSPJ ; des politiciens connus pour leur immoralité et leur veulerie qui montent aux créneaux pour justifier l’inqualifiable ; des forcenés politiques « aganman » dont la motivation n’est autre que de se trouver dans les hautes sphères du pouvoir, quelles que soient les conditions ; des apatrides, toujours prêts à se prosterner devant l’étranger, même quand la volonté de celui-ci de nous enfoncer davantage dans la crise est plus que manifeste.

Ces gens là s’imaginent que tout le pays se trouve dans leur état misérable. Qu’on ne les regarde pas et qu’on ne les plaint pas. Ils s’imaginent qu’en trompant quelques uns d’entre nous ils nous trompent tous. Ils oublient le gros bon sens du peuple analphabète (qui n’est pas bête, avait dit l’autre, se croyant malin) et la conscience aigue de nos réalités de la communauté universitaire haïtienne d’ici et de la diaspora. ON VOUS REGARDE, MESSIEURS ! Et on prend bonne note de vos machiavéliques « vire voye ».

Dans le dossier du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et de la formation du Conseil électoral permanent de 6 membres, la Constitution et les Lois ne souffrent d’aucune ambigüité. On n’a pas besoin d’être grand clerc pour constater les violations et prendre toute la mesure des risques que le pays court désormais. « Vrèman vre, pa gen nesesite doktè, ni ekspè. Pa gen nesesite raketè 2 grenn gòch, ni entelektyèl pachiman. Tout bagay klè. Tout moun ki pa gen lasi nan zye wè klè nan mannigans tyans k ap fèt. Mèt Anel Alexis Joseph tou touni. Prezidan Martelly, menm jan an, Tèt kale an plis. Faktory Konsèy Elektoral Prezidansyèl la ap travay 24 sou 24”.

Les conséquences d’un tel état de fait risquent d’être graves si la raison politique ne s’impose « in extremis ». Elles peuvent être de divers ordres : social, économique, politique, institutionnel, éthique. Un CEP non crédible à l’avance ne peut nous assurer du contraire.

Dopés par l’appui de l’étranger et d’un large pan du secteur des affaires, les tenants du pouvoir filent à vive allure vers la conquête des 10 sièges vacants du Sénat et de ceux des collectivités territoriales. La perspective de se perpétuer au pouvoir, avec le contrôle, pendant 9 ans, de l’appareil électoral, les tente au plus haut point. Ils se réjouissent de la désorganisation et de la faiblesse de l’opposition, sans se rendre compte qu’ils contribuent à la reconstituer, dans un contexte d’aggravation accélérée de la misère et du chômage. Ils profitent de la désarticulation de la société civile organisée et du vacillement antidémocratique de certaines de ses composantes, notamment à l’occasion du dossier de l’amendement constitutionnel. Mais, ici encore, concernant la société civile, nos « chefs » et les propagandistes ne remarquent pas un réveil progressif de l’opinion publique par rapport aux dérives du pouvoir. On n’a qu’à réaliser un micro-trottoir pour s’en apercevoir. Les conseillers du président lui ont-ils révélé que les gens sont devenus de plus en plus sceptiques par rapport à sa bonne foi et à l’efficacité de ses options dans divers domaines ?

Décidément, à bien regarder, on a déjà vu ce qui se passe aujourd’hui. Les dirigeants n’ont pas beaucoup appris des événements récents. « Pi ta sanble ka pi tris ». Il y a fort à craindre que nous n’assistions aux mêmes déchirures pré et postélectorales et à l’accroissement subséquent de la dépendance vis-à-vis de l’étranger. C’est en effet l’issue fatale si nous persistons à ne pas respecter nos propres Lois ; si nous continuons à refuser de nous associer et nous entendre, par-delà les différences ; si chaque camp croit pouvoir continuer à accaparer le pouvoir au détriment des autres ; si nous ne prenons pas conscience du fait que, vraiment, au-delà des slogans injustement galvaudés, « Ayisyen se espwa Ayiti ».

Marvel DANDIN