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Des boutons aux tumeurs malignes

frantz-duvalEn moins d'une semaine, l'ONU, le RNDDH et l'ambassade des Etats-Unis à Port-au-Prince ont tiré la sonnette d'alarme ou dressé le constat de situations liées à la sécurité et aux forces de police.

Si, depuis des mois, on ne compte plus les actes de la petite délinquance qui empoisonnent la vie des citoyens de la région métropolitaine, il est devenu évident que les clients des banques commerciales sont, depuis un certain temps, la cible privilégiée des bandits armés.

Dans un avertissement adressé aux citoyens américains l'ambassade des Etats-Unis d'Amérique à Port-au-Prince a invité ceux vivant ou voyageant en Haïti à la prudence. Des vols à main armée ont eu lieu au cours des deux derniers mois après que les clients eurent effectué un retrait bancaire, souligne la note qui internationalise notre problème interne.

En fait, chaque client se retrouve démuni, exposé et même victime après un retrait bancaire. Cette situation n'émeut personne. Pas une mesure n'a été annoncée, pas une mise en garde n'a été publiée. Les responsables se taisent aussi sur le manque d'infrastructures des banques commerciales qui exposent leurs clients à une promiscuité dangereuse.

Dans un autre registre, un rapport publié la semaine écoulée par les Nations unies a fait état de la montée des cas d'insécurité en Haïti ces derniers mois. « Les chiffres de la criminalité recueillis par la Police nationale d'Haïti et la Minustah témoignent d'une forte augmentation du nombre d'homicides pendant la période considérée (de février à août 2012, NDLR), avec une moyenne de 99 meurtres par mois, de mars à juillet 2012, contre 75 au cours de la même période en 2011, et avec un pic de 134 meurtres en juillet 2012, mois le plus violent depuis le tremblement de terre de janvier 2010 », a précisé le secrétaire général de l'ONU dans son rapport sur Haïti.

La Minustah se prépare à rester douze mois de plus sinon des années encore dans nos murs en empilant les constats de son impuissance et de celle des forces de sécurité nationales. Là encore, pas un mot des autorités. Pas une promesse.

Comme si ceci explique cela, le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) photographie la Police nationale d'Haïti sous toutes les coutures.

Dans une lettre ouverte adressée au nouveau directeur général, le Réseau déplore que « depuis quelque temps, des filatures suivies d'échange de tirs d'armes automatiques qui se sont soldées par mort d'hommes se déroulent dans les rues de la capitale. Des portes de maison sont enfoncées, des enfants ainsi que des adultes sont enlevés, des femmes et des jeunes filles sont violées. A date, la PNH n'a pas su montrer sa volonté réelle d'assurer la sécurité de la population haïtienne et, conséquemment, la confiance de celle-ci en la seule force de police s'effrite chaque jour. »

Comme si cela ne suffisait pas, le RNDDH voit poindre à l'horizon une situation critique. « La politisation et la vassalisation de l'institution policière restent et demeurent une grande tentation et les encouragements en ce sens, de la part des autorités politiques, sont aussi très pressants... En ce sens, il vous faudra éviter d'octroyer des grades par copinage, par accointances politiques ou pour d'autres motifs », conseille Pierre Espérance, directeur exécutif du RNDDH, au nouveau directeur général de la PNH.

Le Réseau note que « quarante-quatre (44) commissaires de police au moins n'ont pas de poste ». Il met en garde contre l'option « d'intégrer au sein de l'institution policière d'anciens policiers et des civils à la moralité douteuse ».

Les craintes se muent en accusations quand, dans la lettre, il est dit : « En intégrant dans les services de sécurité du président de la République d'anciens policiers ainsi que d'anciens militaires, connus pour leur immoralité et leur implication dans des actes répréhensibles, le pouvoir politique actuel a déjà donné la preuve de son manque de respect des règles déontologiques devant caractériser la gestion de l'institution policière. C'est aujourd'hui à vous qu'il revient de régulariser cette situation. »

Plus grave, selon le RNDDH, « le contrôle des unités de sécurité du palais présidentiel et de la Primature par ces civils armés va à l'encontre des dispositions de l'article 1er de la loi du 29 décembre 1994 portant prohibition de la formation des groupes et fronts armés ».

Frantz Duval
Source: Le Nouvelliste