Culture & Société
Claude Sainnécharles à Lyonel Trouillot : Mes réactions sont trop justes pour être simple polémique.
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- Catégorie : culture & societe
- Publié le samedi 10 novembre 2012 02:54
Réponse au Texte de Lyonel Trouillot - Je ne tiens aucunement à engager une polémique avec vous
Mes réactions sont trop justes pour être simple polémique.
Monsieur Lyonel Trouillot,
Vedette de la littérature haïtienne
Je ne suis pas celui cherchant la polémique avec un écrivain haïtien : Dorloté par les siens ? Je suis un jeune qui a beaucoup appris et espérant à apprendre davantage : De qui ?
Maintenant, je comprends fort bien votre système, contraire à ce qui devrait être la bonne et due forme. J'avais appris que la littérature est le lieu d'ouverture par excellence, lieu où toutes et tous ont le même droit en tant que libres penseurs, le droit d'avoir ses propres pensées et ses propres réflexions : M'avait-on menti ? Une littérature ne devrait pas en avoir un dogme, quelques vedettes ou un pape, mais des génies. Liberté créatrice ? Et une littérature qui a quelques vedettes et un pape n'est pas valorisante à mes valeurs, et à mon sens. Car la vedette qui essaie d'en avoir à tout prix du succès n'a même pas un brin de valeur. Un écrivain qui joue la vedette et qui fait la guerre ouverte à ses progénitures est sur le point de perdre son sens artistique même s'il a déjà fait bonne œuvre. Votre cas ? Et je me demande pourquoi vous, vous en voulez tant aux jeunes créateurs ? N'étiez-vous pas aussi un jeune à un moment donné ? Dites-moi si les choses étaient toujours ainsi, parce que je suis assez jeune pour savoir. Et oui ! On le sait, un jeune qui n'a pas assez de savoir mais du même coup, est très riche en imagination et c'est le moment propice pour lui d'être un très bon créateur. Aimé Césaire dirait : J'avais vingt ans ! Et mieux d'avoir de l'imagination créatrice que de savoir, disait Albert Einstein.
Vous, intouchables vedettes; vous imposez une dérogation littéraire arrogante que personne ne veut, même ceux qui sont obligés de la recevoir, une sorte d'adoubement, d'allégeances requises avant l'acceptation, n'est-ce pas là plutôt votre comportement irresponsable en tant qu'adulte ? Vous faites comme si on vous a dit que vous étiez venu au monde tout vieux, tout savant – si savant est ? - Sans que vous fussiez un jour des jeunes apprenants comme nous tous. « Les jeunes qui écrivent, qui publient de nos jours sont ceux dont les travaux littéraires ont été supervisés par nous... en dehors de ça, ceux qui ne bénéficient pas de cette faveur ne peuvent publier que de la merde ! » Bien que nous nécessitions de l'aide - comme dans n'importe quel circuit littéraire sérieux - je dirais en lettres majuscules, à vous et à vos acolytes, avec votre phrase machiste et arrogante : VOUS MENTEZ !
Ce qui arrive aujourd'hui me rappelle l'histoire de la rubrique Recensions critiques de MM. Jobnel Pierre et Pierre-Raymond Dumas dans Le Nouvelliste. Dans cette rubrique, ces auteurs passaient en revue des publications à la prolifération des cybercafés, des imprimeries de fortune et des centres de traitements de textes à travers la capitale. Nous sommes sûrs que leurs intentions n'étaient pas de dénigrer les jeunes ni de casser leur élan créateur. Cependant suite à un article du Groupe DJAB de l'Atelier Créations Marcel Gilbert (Bibliothèque Justin Lhérisson, MODESS) dénonçant cette pratique de mettre tous les jeunes d'une génération dans le même panier en ayant soin d'épingler quelques mauvais exemples sans avoir pour objectif à chercher les meilleurs ni à chercher à aider ceux qu'on épingle, les Recensions critiques ont été vite arrêtées. Il a toujours eu de démarches intergénérationnelles et cela se faisait toujours pour la bonne santé de la littérature mais je ne comprends toujours pas qu'un petit clan qui se croit à lui seul maître d'Haïti puisse s'arroger un certain droit de cuissage sur les œuvres des ''jeunes auteurs'' comme à l'époque féodale et des Seigneurs. Dany Laferrière a dit dans L'Énigme du retour : La littérature, comme le crime organisé, a son réseau. Je n'aime pas cette image de réseau de crime organisé. Oui, vous commettez bien un crime en bloquant de partout, par le moyen de vos contacts, un jeune talentueux qui a seulement la littérature comme moyen pour rêver. C'est si simple ce que je dis, les gens auront du mal à comprendre, mais les jeunes qui écrivent comme moi le savent très bien de quoi je parle. Et j'ai pu comprendre aussi que loin de toutes affirmations et si ce n'est pas par de pure inconscience, que sans doute Dany a été lui-même pour un temps victime de ce réseau mafieux. Sinon pourquoi lance-t-il cette phrase si révélatrice ? Dis-moi si les choses étaient toujours ainsi, les isolements, les mises en quarantaine, les dérogations littéraires, les coups bats etc. Il est important pour moi de savoir, car je suis JEUNE.
Pour une fois quelqu'un d'entre vous - je n'ose pas citer le nom ici – peut-être par son impertinence ou son non-respect aux œuvres d'autrui, comme si lui-même avait déjà fait ses preuves - eut à dire dans un atelier d'écriture que les livres du célèbre écrivain haïtien Dany Laferrière étaient tous des livres d'Harlequin. Il a dit cela juste pour minimiser l'œuvre. Mais le Harlequin que nous connaissons tous, nous a donné Médicis. Le Harlequin semblait à l'époque isolé au Québec au nombre des non-alignés et n'était pas encore consacré pour une fois par Le prestigieux dictionnaire Larousse en quelque sorte comme Plus Grand Écrivain Haïtien Vivant après René Depeste. Je ne crois pas que Dany a connu votre syndrome du découvreur de jeune écrivain ! Et je refuse de croire quand on me dit qu'il n'y a pas d'espoir pour nous jeunes qui écrivent dans la joie solitaire, donc pour moi. Nous sommes en pleine démocratie ! Toutes les portes sont fermées, laissez passer ce jeune c'est un ami de la famille. La littérature n'a qu'une seule porte d'entrée, toutes les bénédictions nous reviennent... Il suffit de rassembler les affiches de conférences à l'institut Français d'Haïti, à la DNL (Direction Nationale du Livre) et autres endroits de consommation littéraire de qualité (quelques rares lieux ont échappé à cette épidémie gérontocratique), de collectionner les articles prestigieux parus sur la littérature haïtienne en Haïti ou à l'étranger, pour comprendre qu'à chaque événement les mêmes têtes se retrouvent nous dit Anderson Dovilas dans un article ayant pour titre Pour en finir avec cette dérogation littéraire en Haïti. Il y a un Colomb-Colon qui sommeille ou qui guette, le Colon-guette... chaque haïtien susceptible d'avoir réussi un parcours quelconque et qui se croit obliger de montrer la voie à d'autres. Pour sûr, nous saluons la bienveillance de certains auteurs qui communiquent à d'autres leur expérience, leur point de vue littéraire, leur désir de dire du vrai et leurs engagements désintéressés. Non pour montrer qu'ils sont les meilleurs, ou qu'ils sont altruistes, non pour constituer un club de fanatiques et leur harem. Si vous me permettez cette expression tirée d'une vieille expression machiste de Georges Castera Bander ! Il est un fait que la jeunesse bande et bande très dur sans arsenal d'aphrodisiaque par-dessus le marché. On ne saurait lui en vouloir, c'est inhérent à son état. C'est même un indicateur de jeunesse, état qui, en littérature et en tout autre art, n'a rien à voir avec l'âge. Il serait intéressant que ma génération arrive à bander sa plume et la brandir, ce qui n'a rien à voir avec du machisme.
La plume, fascinus peut-être, n'est pas un phallus. La plume n'est plus une affaire d'homme, au grand dam de Georges Casteras Fils que je savais pourtant assez féministe ! Pour qui les jeunes poètes de nos jours ne peuvent pas bander. Une telle déclaration que je considère comme une insulte même, qui n'a rien d'inconscient, une déclaration qui consiste qu'à dévaloriser cette nouvelle génération pleine d'énergie à laquelle je me sens fier d'en faire partie. On met longtemps pour devenir jeune nous dit Picasso. Serait-ce le principe capitaliste d'un poète bourgeois qui se cache sous une bannière communiste ? Application du poète à 5 lettres qui cherche à piétiner, à se dresser en obstacle pour régner à tort et à travers. On aura tout vu ! ... O ! Conviction, quel grand mot dans ce pays, écrivait Rodney St-Eloi dans J'avais une ville d'eau, de terre et d'arcs-en ciel heureux.
Certes, je suis un écrivain inconnu, comme il y a des talents inconnus mais assurés. On avait tous passé par là heureusement. Je ne cherche aucune grâce aux yeux de qui que ce soit. Si c'était le cas, je serais déjà initié de votre temple où peuplent tant d'ouailles zombifières. Et je banalise tous démarches d'un jeune qui cherche en quelque sorte une visibilité comme on dit, mais si toutefois ce jeune a vraiment un talent et un message à assumer et à affirmer au monde, alors qu'est-ce qu'il y a de mal à se faire connaître dans un pays où les maisons d'éditions – bien que moribondes et arnaqueuses – peuvent se compter sous cinq doigts d'une main. Dans un pays où l'on trouve que rarement un professionnel de l'édition, ou un agent de circuit littéraire. Je ne limite pas uniquement la création à l'édition. C'est aussi un art de vivre. C'est la façon dont on travaille sa vie comme matière brute pour faire d'elle quelque chose de plus harmonieuse, de plus belle, de plus vraie, et de plus transcendante. Allez demander à Bob Dylan, le poète. Et cette philosophie poétique d'Omraam Mikhaël Aïvanhov veut dire beaucoup pour moi. Je la partage avec vous, avec joie bien sûr ! Il y a tant de soleil, si peu de ciel. Il existe tant de poètes sans encre, sans parole comme dirait le poète Marc Exavier et pour paraphraser ce même auteur je dirais qu'il y a tant de poètes et si peu de poésie. Ce n'est pas un péché le fait de ne pas pouvoir publier des œuvres concrètes comme vous l'entendez. La plus belle œuvre de Socrate, a-t-on pu dire, c'est Platon. Votre littérature n'est autre que le fait de littérateurs qui gardent jalousement leur circuit éditorial pour éviter de perdre pied ou face devant le petit nouveau qui pourrait intéresser plus que lui.
J'ose citer quelques talents sûrs que je connais personnellement, avec leurs poches remplies de rêves, d'imaginations et de créations. Une relève assurée ! Je cite par exemple : Thélyson Orélien, Fabian Charles, Anderson Dovilas, Duckens Charitable, Fred Edson Lafortune, Wèch Evens, Anivince Jean Baptiste, Coutechève Lavoie Aupont, Joseph Kharl Ange Formil etc. Nous sommes beaucoup. Contrairement à ce qu'avait dit Georges Castra Fils, je dirais que : Les jeunes d'aujourd'hui bande quatre fois plus dur. Quand certains écrivent pour attendre un prix Nobel qui ne vient jamais nous, nous écrivons la victoire sur l'avenir, espérons-le a dit Fabian Charles. La muraille clanique est détruite, cette muraille qui essayait d'accaparer la littérature haïtienne tel un gâteau commercial par-dessus le marché pour le partager à ceux qui marchent selon des caprices. Cette logique ne peut engendrer que des talents littéraires avortés ! C'est vrai qu'il n'y a pas une politique nationale d'encadrement des jeunes talents en Haïti afin de promouvoir la création littéraire et de souffles nouveaux. Qu'est-ce qui empêche ces autorités de lettres haïtiennes de créer une maison d'édition avec un prix littéraire de prestige dans leur propre pays ?
C'est évident que c'est de ce vide que vous profitez pour régner, pour piaffer par vos discours de favoritisme. Dans un pays où vous qui devriez-être la voix des sans voix sont incapables de dénoncer, il vous décerne des prix et des distinctions. Et vous faire taire. Combien de Jacques Stéphen Alexis il nous faut ? Mais on connaît la stérilité des écoles et des cours de littérature ! On connaît tout le dandysme et autre bourgeoisement qui motivent la formation des Salons et des Clubs Prétentieux ! Vos vendredis littéraires d'humeur chagrine ! Nous sommes plusieurs, jeunes écrivains haïtiens, qui ne sont pas sur la Terre Mère pour un temps, parce que la majorité d'entre nous sont en formations dans des Universités que l'on sait, sorte d'investissement dans l'humain. La bonne cause oblige ! Mais ne pensez pas que nous sommes plus haïtiens ou des apatrides. Et nous réclamons nos mêmes droits légitimes de participer aux débats. Halte là ! Votre xénophobie intellectuelle !
Monsieur Antoine Lyonel Trouillot, sans être prétentieux, sans être blanc bec, je cris haut et fort, que cette génération a déjà donné naissance à des écrivains exemplaires, même si personne ne m'entend. Serait-ce la voix du poète qui crie dans le désert ? Moi qui vous lis comme je lis un N'Sondé, un Kourouma, un Goethe, un Gorki, Homi K. Bhabha ou un Arendt. Je ne crois pas que la littérature soit un espace de démagogie, c'est plutôt un espace où la diversité peut s'installer pour le bien-être de tous et pour la promotion du bien fait collectif et de nos patrimoines artistiques et littéraires. Nous sommes des « parasites » si on veut, mais des parasites conscients mais rebelles et nous nous attachons fermement à la cause de la création non aliénée. Que les papes se taisent ! Que les bénédictions s'interrompent ! Qu'une révolution tranquille fasse son apparition pour vrai dans la littérature Haïtienne et dans la moelle épinière de chaque haïtien ! Car il aboie trop, ce chien nocturne qui se casse la gueule sur un pan d'étoiles déséquilibrées par des regards déraillés.
Ce chien diurne, aux yeux de pluie mouillant le futur par surprise, aboie les ombres en embouteillage au nord, dans le rond-point de la nuit. Celle-ci ne fait pas peur à ceux qui marchent sur le cordon de l'obscurité avec les rues à l'envers de leurs poches, parce qu'ils savent déjà qu'elles sont des fausses monnaies avec lesquelles ils doivent tromper les fuyants qui s'affichent au dos de la vie en augmentant son prix.
En retour, le chien commun s'aveugle cette fois-ci dans le brouhaha des marchands d'accessoires d'outre-tombe qui ne peuvent plus dormir, et en s'étranglant, les songes ayant du mal de civilisations arbitraires leurs passent par les narines.
Adieu à ce chien portant ses puces à la ville puant de bruits !
Paie le pot cassé qu'il tente de rapiécer par son hoquet.
Le chien aboie à la place du prophète du jour qui, autrefois, dérangeait les voisins dans leurs insomnies fraternelles. Les visages civilisés des bêtes, dont on ignore les espèces, venant au fond du lointain, parce qu'elles n'ont pas des habitats propres, dévisagent notre part humaine entre les épaules hostiles des inconnus de la mort et de la nuit en lames de rasoir; et le chien fidèle, témoin oculaire, s'assied à côté de ses blessures qui purgent des cadavres. Cet animal aux quatre pattes à la retraite de la lumière de lampe éteinte, aboie léchant ses plaies: Médailles aux cous des putes qui vendent du paradis à vil prix où l'enfer s'ouvre, comme les jambes d'une femme prétendant d'être vierge, sur la tête de ses clients qui ne payent pas son dû. Il n'y a pas de chat pour s'interposer entre le chien fidèle de l'homme et ses rêves; les ivrognes, comme les dents de l'inquiétude me semblent, l'ont déjà écorché.
On ne peut jamais parler à la place de l'homme mastiquant ses cadavres comme des enfants bohémiens qui s'en vont en vacances. Tôt on meurt en chien de fusil déchargé ou du moins plus tard on meurt, chien aux quintes de toux, aboyant les songes lui passant dessus la caravane surchargée de prophéties...
...Ci-gît le rêve d'un chien devenu muet par le haut voltage du silence.
Fermement !
Claude Sainnécharles
Poète, écrivain
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