Tout Haiti

Le Trait d'Union Entre Les Haitiens

Culture & Société

Le dossier Jean Léopold DOMINIQUE pourrait- il se servir de marchandage politique ou de vote?

jean-dominique-poster600

La justice haïtienne tant décriée par ses faiblesses et par les scandales de corruption et pourtant commode pour les affairistes à l’instar d’un Guiler Cius DELVA a aujourd’hui un défi à relever dans le double assassinat de Jean Léopold DOMINIQUE et de son gardien Jean Claude LOUISSAINT. L’assassinat crapuleux du journaliste Jean DOMINIQUE, directeur de radio Haïti Inter, défenseur farouche de la liberté d’expression, défenseur des causes fondamentales, des masses populaires et de son gardien de la station, Jean Claude LOUSSAINT le 3 avril 2000 a refait surface dans un contexte socio-politique où les forces réactionnaires sont prêtes à mettre tout en Å“uvre pour maintenir le pouvoir au mépris du peuple haïtien. Madame Michèle MONTAS qui l’accompagnait dans la lutte contre les forces anti-changement a répondu ainsi à l’une des questions d’un juge d’instruction, formulée de la manière suivante : pourquoi l’avait on assassiné, selon vous ? Â«  En tant que Journaliste, mon mari avait des éditoriaux qui touchaient plusieurs dossiers sensibles : Importation de l’éthanol, l’affaire du laboratoire Pharval et celle de l’observation électorale». Selon la plaignante, ces dossiers touchaient les nantis et les puissants. La raison fondamentale de le faire taire était évidente, cependant elle ne pensait pas que cela pouvait se produire sous un régime démocratique. D’ailleurs, Jean était l’ami du chef de l’Etat d’alors, le président René PREVAL. Dans la foulée, de nombreuses accusations ont été faites concernant ce dossier.

Suivant les conclusions du rapport, le Juge Ivikel DABREZIL, qui devait instruire à charge et à décharge, a formé sa conviction uniquement à partir des déclarations de Sauveur Pierre Etienne: « le Président René PRÉVAL et Jean Léopold DOMINIQUE avaient mis sur pied un mouvement politique dénommé KOZE PEP qui était en compétition ouverte avec le parti FANMI LAVALAS pour les élections présidentielles de l’année 2000. Selon lui Jean Léopold DOMINIQUE a été assassiné parce qu’il était présidentiable Â» et de celles d’Oriel Jean : « Jean DOMINIQUE et René PREVAL avaient mis sur pied un parti politique dénommé KOZE PEP qui devait présenter Jean Léopold DOMINIQUE comme candidat à la présidence aux élections de 2000 Â». Le rapport a ignoré les autres pistes sans établir le lien entre les auteurs déjà jugés et les « auteurs intellectuels Â». Il faut se référer au Code Pénal haïtien pour voir si ce concept « auteur intellectuel Â» existe.    

 Dans les différentes instructions et ordonnances de la cause, trois personnes ont été inculpées : le nommé Dymsley Milien dit Tilou, son frère Jean Daniel Jeudy dit Guimy et Markington Philippe. Selon un Arrêt de la Cour de Cassation de la République rendu le 29 juin 2004, ces personnes citées plus haut devaient être jugées pour ce double assassinat.

Entre temps, le dossier a fait la navette entre les mains de plusieurs Juges d’instruction et devant la Cour d’Appel de Port-au-Prince. Le politique prend la justice en otage. La loi a clairement établi les mécanismes relatifs à la saisine d’un juge. On apprend brusquement que le dossier se trouve entre les mains du Juge d’Instruction, Ivirkel DABREZIL. La question qu’on doit se poser est la suivante : par quelle voie le Juge DABREZIL a été saisi et en vertu de quoi il a travaillé pour produire un rapport rejetant toutes les instructions antérieures ? Quel est le vrai mobile du rapport du Juge DABREZIL ? Son objectif est-il vraiment celui d’un juge d’instruction, indépendant et impartial? Quel lien existe entre les auteurs déjà jugés et les dits « auteurs intellectuels Â» visés dans le rapport ? Où est-ce que le Juge a trouvé ce témoin reprochable, qu’est Oriel JEAN ? Qui a payé ce témoin de circonstance, c’est-à-dire qui a fait le troc? Le procès pénal ne peut pas se passer de ce mode de preuve qu’est le témoignage obtenu de manière désintéressée. Ce qui fait la valeur d’un témoignage c’est la crédibilité et l’objectivité du témoin. Hors, dans le rapport du Juge, sa conviction est formée à partir des déclarations de Oriel JEAN ce qui, en droit, est considéré comme un témoin reprochable pour avoir été condamné pour trafic de drogue et pour avoir menti (pour avoir livré ses pairs) afin d’obtenir une réduction de peines. N’est-il donc pas un témoin suborné ? Le dossier de Jean Léopold DOMINIQUE pourrait-il se servir pour satisfaire des intérêts politiques personnels de plus d’un ? Autant de questions qu’on se pose, vu que le rapport du Juge Dabrezil ne vise qu’un secteur politique bien déterminé, niant toutes les autres pistes et instructions antérieures.

 Il est évident que l’assassinat de Jean Léopold DOMINIQUE et de Jean Claude LOUISSAINT est sur le point d’être utilisé à des fins purement politiques. Toutefois ce faisant, ceci empêcherait à la justice haïtienne d’identifier et de punir les vrais auteurs de ce crime. En effet, dans un premier temps, le Sénateur Dany TOUSSAINT a été l’une des personnes ciblées dans l’enquête au point qu’il a été demandé de lever son immunité parlementaire de sorte qu’il soit entendu par la justice. Cependant, l’ex sénateur n’est plus dans le collimateur de la justice parce que tout simplement Me Jean Renel SANON qui était alors son avocat est devenu aujourd’hui ministre de la justice. Il va de soi qu’il ne soit plus inculpé ! Donc dans ce cas, il y a lieu de se demander de quelle justice parle-t-on ? S’agit-il d’une justice expéditive productrice de boucs émissaires?

Les déclarations qui cherchent à associer la dame Myrlande LIBERUS PAVERT à l’assassinat de Jean Léopold Dominique ne sont autre que des manÅ“uvres politiques de basse Å“uvre qui visent à détruire l’organisation politique Fanmi Lavalas par rapport à sa popularité. En effet, lorsqu’un juge instructeur est saisi d’un dossier, à ce titre, il est libre dans le cadre de son enquête, d’auditionner toute personne susceptible de lui fournir des éléments d’informations de manière à faire avancer son dossier. Cependant, si pour une raison quelconque ce magistrat n’a pas pu entendre telle personne qu’il désire auditionner parce que cette personne est indisponible pour n’être pas au pays, en aucune manière cela ne saurait faire planer de graves suspicions sur elle à moins qu’on veuille en profiter pour la détruire. La justice devrait être une pour tous. Toutefois, elle ne doit jamais être utilisée à des fins politiques, car la défaite du droit est toujours provisoire.  

Dans une société démocratique ou dans un Etat de droit, rendre la justice consiste essentiellement à dire ce qui est juste dans une espèce concrète. La justice est le fondement de l’Etat de Droit. Dans le cas de Jean Léopold DOMINIQUE, on se sert de la justice comme étant un instrument politique pour faire taire la force représentative du peuple haïtien, facilitant ainsi le retour à la dictature militaro-macoute que le peuple haïtien a rejeté le 7 février 1986. Le gouvernement <<MARTELLY-LAMOTHE>> veut utiliser le dossier de Jean L Dominique à tout prix manigançant toutes sortes de complot pour induire le peuple haïtien en erreur la plus grossière. Il est inacceptable de laisser des apprentis sorciers de l’environnement politique haïtien d’utiliser le cadavre de Jean DOMINIQUE à des fins politiques.

Mario Joseph
Bureau des Avocats Internationaux

Cc : Sénateur Francky EXIUS, Président de la Commission de Justice du Sénat Haïtien
Gustavo GALLÒN, Expert Indépendant sur la situation des Droits Humains en Haïti
Tracy ROBINSON, Présidente de la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme (CIDH)
Florence ELIE, Directrice de l'Office du Protecteur du Citoyen (OPC)
Pierre ESPERANCE, Directeur Exécutif du RNDDH

 A Lire Aussi: