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Pourquoi redoute-t-on la vérification ?

bulletin calcines - moise jean charles - apres 25 octobre

2015 glisse, s'éteint doucement. Plus d'un mois après la crise née de la publication des résultats de la présidentielle, l'incertitude sur l'avenir du pays n'a jamais été aussi grande et les indicateurs socioéconomiques si préoccupants. Pourtant, en dépit des appels à éviter de s'enliser dans cette nouvelle crise, personne ne peut justifier le refus de la solution simple : la vérification des PV au Centre de tabulation. Au point où l'on en est, ce refus n'est-il pas un « caché péché » ? Est-ce parce que l'UE, après le 25 octobre, avait donné un blanc-seing à ces joutes et qu'il ne faut en aucun cas qu'elle perde la face que l'on exclut de la table cette solution ? Difficile à dire.

Pour rendre la chose plus indigeste, des voix au sein de l'élite économique prêchent « l'arrangement », comme si l'on pouvait construire du solide sur le sable mouvant des deals malsains, sans un sens poussé de l'éthique, de la droiture. Sans savoir que les lois, les principes sont les balises, les socles sur lesquels se reposent les grandes nations. Qui avait dit que la vérité vous affranchira ? Ici, on l'aurait peut-être déjà scalpé.

Cinq ans après 2010, Kenneth Merten remet la main dans la mélasse de la crise politique prévisible, fabriquée. Le dialogue de sourds, entre-temps, se poursuit. Chacun est arcbouté à son bout de raison, voit ses intérêts immédiats. Par peur de vivre de nouvelles convulsions, le cœur sur la main, des nababs appellent à trouver des « solutions ». Il est, semble-t-il, plus facile de parler que d'agir. Parler est une chose, agir en est une autre. Les deux ne seraient pas toujours en parfaite harmonie. Il y a l'insondable.

En cascade, il y a quelques jours, les évêques, le secteur des droits de l'homme, le forum économique du secteur privé ont publié des notes de conjoncture après des semaines d'un silence assourdissant. Il faut éviter le mur, le chaos politique et faire le nécessaire pour crédibiliser le processus électoral, mis à mal, estiment certains observateurs, par les gaffes, les atermoiements du CEP, constitué, en principe, des meilleurs d'entre nous.

Les rencontres, jusqu'à ce lundi, se sont multipliées sans qu'on ne soit en mesure de poser des actions pour sortir le pays de cette nouvelle crise fabriquée dans le moule du mépris de l'autre, du refus d'agir en tout temps dans la transparence, dans la vérité.

Le temps file. Dans un curieux rapport au temps, on laisse passer le temps, donne du temps au temps. Comme si l'usure du temps, à l'heure H, allait résoudre comme par enchantement tous les problèmes. N'est-ce pas une utopie ?

De toute évidence, il y a, dans cette façon de procéder, de la paresse intellectuelle. Pis, la velléité à s'accommoder à n'importe quoi. Par dépit. Surtout par intérêt. Pourvu que l'ennemi ou celui ou celle perçu comme tel soit « neutralisé » dans nos parodies d'élections, de véritables pièges pour la démocratie et le progrès.

Quelque trente ans après le départ des Duvalier, il est temps de réaliser que cette façon de faire est contreproductive pour ce pays où les contentieux historiques ne sont pas vidés, où les caméléons sont plus nombreux que les braves.

Roberson Alphonse
Editorial du Nouvelliste